ENTRETIEN AVEC LE PRÉSIDENT DE L'ORGANISME ARABE POUR L'ARMEMENT SALAH HALABI:
"UNE STRATÉGIE ARABE POUR LA FABRICATION DES ARMES EST NÉCESSAIRE"

 
Le maréchal Salah Halabi, président de l’Organisme arabe pour l’armement, incarne, réellement, l’expression “l’homme qu’il faut à la place qu’il faut.” Sa carrière militaire depuis sa prise en charge du commandement des forces égyptiennes dans la guerre pour la libération du Koweit et son poste de chef d’état-major de l’armée égyptienne, l’a habilité à assumer la direction de l’Organisme mentionné.
Ce dernier s’occupe, au fond, de la production militaire, celle-ci étant le but de sa création, en plus de la production civile dont il dit qu’il a pour objectif, uniquement, de procurer les ressources nécessaires à l’effet de préserver le niveau élevé atteint par l’industrie militaire.
L’organisme en question a réussi dans les deux domaines. Ainsi que l’affirme le maréchal Halabi, la production d’armes est la meilleure au niveau mondial au double plan de la qualité et du prix, citant à titre d’exemple le char blindé “Fahd”. De même, dans le domaine civil, l’organisme se trouve au sommet sur la carte de la production civile égyptienne.
Voici nos questions et ses réponses.
 
 

ACCOMPLISSEMENT DANS SA TOTALITÉ DE NOS PLANS POUR 1996-97
- Nous nous interrogeons à l’orée d’une année nouvelle sur ce qui a été accompli du plan de l’Organisme arabe et sur ses prévisions pour l’an prochain?
“A vrai dire, nous sommes au début d’une nouvelle année (de l’ère chrétienne) et non d’une année financière qui commence en juin. Au cours des derniers mois, ont commencé à apparaître les résultats des travaux réalisés durant l’année écoulée.
“Les indices montrent l’accomplissement de la totalité du plan établi pour 1996-97, avec un surplus de 125 pour cent par rapport aux prévisions. Ceci est d’un bon augure, d’autant que nous persévérons selon le même procédé en vue de faire évoluer l’outillage et, partant, de pouvoir soutenir la concurrence avec les autres. Dans le même temps, nous réduisons le coût de revient et améliorons la qualité de nos produits, pour pouvoir assurer de nombreux débouchés.”

- Qu’en est-il des projets les plus importants exécutés par l’Organisme que vous présidez durant la période passée?
“En fait, nos projets ne sont pas limités par un délai. Au cours de la dernière période, nous avons concentré nos efforts sur les projets relatifs à l’infrastructure, en général et l’infrastructure de base, parce qu’il s’agit de projets grandioses pouvant contribuer au développement des différents secteurs en Egypte.
“Nous ne faisons pas la concurrence au secteur privé en ce qui concerne les petits projets et nous nous attelons à l’exécution de grands projets dans le domaine civil. Il ne fait pas de doute que nous avons franchi une étape importante dans le domaine de la fabrication d’équipements destinés aux stations pour le traitement des eaux. Ainsi, nous avons livré une station ayant une capacité de 4.000 mètres cubes par jour à la ville de Charm el-Cheikh. C’est une station pour le dessalement de l’eau qui sera inaugurée prochainement.

L’EAU, PRODUIT STRATÉGIQUE
“C’est une réalisation importante, car la goutte d’eau dans la prochaine étape constituera un produit stratégique. Nous prenons en considération le phénomène de la désertification dans la région et la baisse des moyennes des eaux de pluie, alors qu’augmente l’espace agricole et de la construction.
“Ceci montre l’importance des projets pour le dessalement de l’eau. Au lieu d’utiliser les eaux du Nil en Egypte et de les acheminer vers les régions désertiques proches de la mer, nous pouvons multiplier les stations de dessalement de l’eau, ce à quoi nous nous consacrons avec l’Organisme pour les complexes résidentiels et le ministère égyptien de l’Habitat.
“Il existe un accord en vue de l’aménagement de plus de stations d’eau et de réseaux d’égouts, au moyen de la technologie égyptienne, en coopération avec les organismes de recherches scientifiques, en général; ainsi qu’avec les universités.
“Nous avons étendu notre activité au secteur industriel et à celui des usines spécialisées dans le traitement des ordures ménagères et des déchets qui sont transformés en engrais. Le mois dernier, nous avons livré l’une de ces usines à la province d’Assiout en Haute Egypte. Cette usine est déjà entrée en service et se distingue par un haut niveau de technologie. Telles sont les réalisations de base qui représentent les orientations générales de notre organisme.”

LES STATIONS FONCTIONNELLES DE L’O.A.A.
- Cela signifie-t-il que les sociétés privées s’occupent de ce secteur?
“On n’a pas besoin de sociétés, car ce sont les usines de l’Organisme arabe pour l’armement. La fabrique d’avion, par exemple, est chargée de réaliser les stations de dessalement et de traiter les eaux d’égouts. L’usine de moteurs se consacre à la fabrication de petites stations; c’est la même qui a fabriqué la station de Charm el-Cheikh, en plus de celle d’Al-Sakr et des trois stations de l’organisme qui purifient l’eau potable, tout en traitant les eaux d’égouts et du secteur industriel.”

- L’Egypte pourrait avoir moins besoin que beaucoup d’autres Etats arabes de stations pour le dessalement de l’eau; votre organisme n’envisage-t-il pas d’y exécuter de tels projets?
“Nous avons déjà commencé, effectivement, à inclure les besoins des Etats arabes dans nos plans, d’autant que ces besoins peuvent être satisfaits à travers des adjudications mondiales auxquelles les firmes spécialisées peuvent prendre part.
“Nous avons tenté cette expérience et comme il s’agit pour nous d’un nouveau domaine, nous ne nous attendons pas à réussir. Notre objectif, au départ, est de prospecter le marché, tâter le pouls et d’acquérir une expérience par rapport à la gestion de ces adjudications, partant du fait que notre but est d’élargir le champ de nos activités; d’ouvrir de nouveaux débouchés à nos produits en dehors de l’Egypte, plus précisément dans les pays arabes et africains, tout en exploitant nos expériences dans le domaine industriel.
“Effectivement, nous avons pris part à une adjudication en Syrie en vue de la construction de silos. Si nous n’avons pas réussi, nous étions près de l’emporter, car nous nous sommes classés en seconde position devant huit firmes mondiales.
“Nous avons considéré ce résultat comme une réalisation importante, parce que c’était notre première participation à une pareille adjudication. Nous espérons enregistrer plus de succès à l’avenir, après le renforcement de nos expériences dans ce domaine et, surtout, dans les industries stratégiques qui sont la base.”

POURQUOI L’EXTENSION AU SECTEUR CIVIL?
- Cela nous incite à vous interroger sur le but ayant poussé l’Organisme arabe pour l’armement à s’impliquer dans le domaine des industries civiles...
“Comme on le sait, l’Organisme a été créé en vue de fonder des industries militaires et non civiles. Mais maints facteurs nous ont incités à entrer dans ce domaine, notamment la dislocation de l’ex-Union soviétique et sa transformation en Etats indépendants pâtissant de problèmes économiques. Comme ces derniers n’avaient pas d’expérience dans le domaine de l’industrie de guerre, notre organisme s’est adonné à l’exportation des armes, en plus de l’étude du marché des armes lui-même et de la baisse des ventes dans une certaine période.
“Ce marché se trouve sous l’emprise d’un nombre restreint de pays: les Etats-Unis, la Russie, la Grande-Bretagne, la France, la Chine, Israël et d’autres encore, l’Etat hébreu ayant réussi en raison de l’appui effroyable qu’il obtient de l’Occident et de sa capacité à utiliser la technologie occidentale sans aucune restriction.
“La concurrence pourrait être féroce entre ces pays, car les industries d’armements ont besoin d’importants investissements. Or, les garanties de vente et d’exportation des armes assurent la récupération des capitaux investis, en vue de faire évoluer la production et d’envisager la fabrication d’autres armes.

POUR SOUTENIR LA COMPÉTITION AU PLAN INTERNATIONAL
“Il était difficile, dans certaines circonstances, pour l’organisme, de soutenir la compétition sur le marché international des armes. L’arrêt de la production de matériel de guerre, aurait signifié la perte des potentialités, comme des possibilités techniques et humaines de notre organisme, sans que celles-ci soient compensées par quoi que ce soit.
“Il fallait, en conséquence, pour préserver la possibilité de la production militaire et des cadres techniques, persévérer dans la recherche et l’évolution, en songeant à produire d’autres équipements. Et ce, afin d’assurer d’autres ressources pour permettre à l’organisme de poursuivre son activité et maintenir au même rythme notre productivité.
“Il suffit pour parler de la dimension des possibilités requises, de faire état de certaines sociétés d’armements qui affectent 25 à 35 pour cent de leurs budgets à la recherche et à l’évolution de leur technique, non à la fabrication.
“Puis, toutes les firmes spécialisées dans l’armement disposent de plans de rechange et exploitent leurs potentialités dans les industries civiles. Notre implication dans ces industries n’est pas notre objectif, mais en vue de trouver des ressources susceptibles de préserver notre activité principale, pour laquelle l’organisme arabe a été créé, à savoir: la fabrication de matériel militaire”.

RAPPORT ENTRE LES PRIX ET LA COMPÉTITIVITÉ
- Quelle est la position de l’organisme arabe pour l’armement sur la carte de l’industrie en Egypte?
“Etant donné la nature de ses activités, l’organisme ne peut négliger la qualité de sa production. Tous nos clients ont constaté, après un certain temps, qu’en dépit de la hausse de nos prix, nos produits durent davantage que les autres en raison, justement, de leur qualité. De ce fait, nous avons pu combler la brèche existant entre nos prix et ceux du marché égyptien. Aussi, avons-nous réussi à nous imposer et, aujourd’hui, notre organisme se situe à l’un des sommets industriels en Egypte, auquel ont recours les grandes firmes ayant besoin d’une haute technicité en perpétuelle évolution ou de pièces de rechange qu’elles ne peuvent fabriquer elles-mêmes.”

- Nous avons l’impression que votre organisme s’occupe des lignes de la production davantage que des produits eux-mêmes?
“C’est exact. Nous fabriquons les produits stratégiques, sans nous intéresser aux produits de consommation, parce que le secteur privé égyptien est capable d’assumer parfaitement ce rôle. Puis, il existe une pléthore de produits et il faut laisser la concurrence dans ce domaine au secteur privé. Les postes de télévision sont l’unique article que nous avons fabriqué en tant que produit de consommation. C’était un simple spécimen de la production de la fabrique des équipements électroniques. Nous avons décidé de persévérer dans cette voie, ainsi que dans la fabrique des centraux électroniques.
“Cependant, nous contribuons à la fabrication de stations d’eau, de machines pour l’embouteillage et de contenants de sucreries. Nous nous intéressons, également, aux projets en rapport avec l’environnement.”

COMPLÉMENTARITÉ AVEC LE MINISTÈRE DE LA GUERRE
- L’organisme arabe a-t-il participé, dernièrement, aux expositions d’armes à Dubai ou en France?
“Nous n’y avons pas participé, pour la raison que ces expositions ont axé leur objectif sur la présentation d’équipements aériens relatifs aux avions. Mais rien ne nous empêche de prendre part à certaines expositions où nous pourrions présenter notre production, notamment les armes destinées aux forces terrestres.”

- Quelle est la nature de votre relation avec le ministère de la production de matériel de guerre?
“Nous nous complétons l’un l’autre et travaillons en parfaite coopération. Nous fabriquons, par exemple, les chars blindés et le ministère supervise la fabrication des tanks. Nous fabriquons des missiles type “Sakr” (“Sakr 36” et “Sakr 40”), alors que le ministère fabrique des canons. Nous fabriquons, aussi, le système des missiles anti-aériens portables sur l’épaule, tel “Ain As-Sakr” (œil de faucon) et le ministère fabrique les munitions d’artillerie.
“Comme je l’ai dit, il existe une parfaite complémentarité entre nous.”

LES MEILLEURS AUX PLANS DE LA QUALITÉ ET DU PRIX
- Qu’y a-t-il de nouveau à propos du “char Fahd” connu pour ses performances à l’échelle mondiale?
“Le modèle “Fahd 240” est doté d’une pièce d’artillerie de 30mm., d’un armement anti-tank et d’une tourelle. C’est un véhicule militaire rivalisant avec tous ceux fabriqués dans n’importe quel pays et est considéré comme situé au summum de la fabrication des blindés.
“Nous ne fabriquons pas toutes les espèces d’armes et nul n’est en mesure de le faire, mais notre production est la meilleure et défions n’importe quel fabricant d’armes de nous concurrencer au double plan de la qualité et du prix, notamment en ce qui concerne le char “Fahd”.

- Quelles difficultés entravent l’augmentation des exportations de votre organisme?
“L’exportation est soumise à maintes considérations: aux besoins des Etats, à leurs politiques, à l’interdiction de faire la concurrence à des fabricants de matériel de guerre dans des pays ou des continents déterminés ou d’utiliser la pression politique ou économique.
“La compétition est dure; maintes preuves le confirment. Certains chefs d’Etat interviennent pour favoriser des transactions déterminées et ceci n’a rien à voir avec la qualité.”

VERS L’EXTENSION DE NOS ACTIVITÉS À TOUT LE MONDE ARABE
- Peut-on dire qu’en dépit de cette concurrence féroce, l’organisme arabe est satisfait du volume de ses exportations?
“A vrai dire, je ne suis pas satisfait de la position des Etats arabes par rapport à la production militaire et à l’échange du marketing. Il est nécessaire d’élaborer une stratégie arabe dans ce domaine. L’organisme arabe pour l’armement aurait pu répondre aux besoins du monde arabe, du moins en grande partie, si des pays autres que l’Egypte, l’Arabie séoudite, Qatar et l’Etat des émirats arabes unis, y avaient adhéré.
“Dans ce cas, il aurait été possible de disposer d’un avion de combat et d’un destroyer de fabrication arabe ou encore d’un satellite, d’un char et d’un système d’artillerie arabes.”

- Y aurait-il des propositions déterminées visant à réactiver la coopération arabe dans le domaine de la fabrication du matériel de guerre?
“Nous devons nous ressaisir pour pouvoir réaliser ce que nous n’avons pu accomplir dans le passé. Notre idée n’était pas, au départ, de limiter notre activité à l’Egypte, uniquement. Elle devait, au contraire se répartir entre tous les Etats arabes. Tout le monde sait qu’en 1975, date à laquelle notre organisme a été créé, il était question de construire une fabrique pour les équipements électroniques au royaume d’Arabie séoudite.
“Est-il besoin de souligner que la production sur une plus large échelle et dans l’intérêt d’un certain nombre de pays, a des avantages aux plans de la qualité, du prix et de l’évolution du matériel? D’autant que la région arabe a une même nature: elle est désertique et montagneuse, ayant une température élevée en été et tempérée en hiver. Il n’y existe pas beaucoup de forêts, ce qui aide à accroître la production.”

LA VOITURE ARABE À L’ÉTUDE
- Dans un précédent entretien à “La Revue du Liban”, vous aviez fait part de votre intention de fabriquer une voiture égyptienne; à quelle étape ce projet a-t-il abouti?
“Nous avons entamé, effectivement, ce projet. Mais dernièrement, le ministère égyptien de l’Industrie a proposé une coordination avec la Fédération des industries, en vue de fabriquer une telle voiture.
“Le sujet a pris une dimension nationale et n’est plus limité à une société ou à une usine. Nous sommes pour la non-dispersion des efforts, contre l’émulation dans ce domaine. Les études se poursuivent et on s’attend que cette voiture soit fabriquée dans un délai de trois ans avec un prix compétitif, tout en garantissant son écoulement en Egypte et dans les pays voisins. Je peux certifier qu’elle sera de haute qualité.”

- Cela affecterait-il les produits de la société arabo-américaine pour les voitures, l’une des filiales de l’organisme arabe?
“Pas du tout. Nous ne procédons pas seul au montage des voitures “Cherokee”, mais en coopération avec la société “Chrysler”, notre contrat avec cette dernière ayant été renouvelé pour cinq autres années. Nous procédons, également, au montage des voitures “Peugeot”.

OUSSAMA AJJAJ

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