ZEFFIRELLI, TOUS FASTES DÉPLOYÉS, PRÉSENTE AÏDA À L'OPÉRA DE TOKYO
C’est une expérience unique dans ma vie”. Yvan Caracalla n’en revient pas. Sa mémoire est imprégnée de visions si éblouissantes qu’il se trouve toujours sous l’emprise de ce “quelque chose d’immense, de fantastique, d’incroyable” qui s’est déroulé, une semaine durant, sous ses yeux et qui a trouvé son apothéose le 4 janvier dernier avec l’ouverture par la présentation de “Aïda” à l’Opera House de Tokyo, le plus grand du monde.
 

Franco Zeffirelli devant les dieux
égyptiens qu’il a plantés sur scène.

 

“Aïda”, acte II, scène glorieuse marquant 
le retour de Radames, avec prisonniers et trophées, 
de la guerre qui s’est déroulée aux frontières éthiopiennes.

 
 

Tout au long de ces journées magiques, il a eu la chance de rester aux côtés de Franco Zeffirelli considéré aujourd’hui comme l’un des plus grands cinéastes et scénographes contemporains. Ses films “Jesus of Nazareth”, “Roméo et Juliette”, “Taming of the Shrew”, “Hamlet”, “The Champ”, les opéras qu’il a mis en scène “La Bohème”, “La Traviata”, “Othello”, “Pagliacci”, sont régulièrement à l’affiche de La Scala de Milan, du Metropolitan Opera de New York.
C’est cet homme hors du commun qu’Yvan a vu à l’œuvre et dont il a filmé les préparatifs dans un documentaire de 23 heures. Il l’avait rencontré, il y a deux ans, avec son père Abdel-Halim chez une amie, Roula Talj, qui l’avait invité pour la première fois au Liban dans l’espoir de présenter à Baalbeck un de ses opéras par une production conjointe des gouvernements libanais et italien. Depuis, une amitié était née entre les Caracalla et Zeffirelli. Et c’est tout naturellement que celui-ci fut invité cet été à Baalbeck à l’ouverture du spectacle “Andalousie, la gloire perdue”. Zeffirelli ne s’en est pas tenu là. De retour en Italie, il a organisé en octobre une tournée en Sicile à l’intention de la troupe Caracalla.


José Cura, 37 ans, Libanais d’Argentine de la seconde génération,
fait partie de la lignée des grands ténors avec un agenda bouclé   jusqu’en l’an 2001.
 

“À TRAVERS ZEFFIRELLI, UN OPÉRA QU’ON N’A JAMAIS VU DANS SA VIE”
“Aïda” de Verdi dans la version de Zeffirelli a mis trois ans pour voir le jour. Cet opéra avait été spécialement conçu pour l’inauguration du nouvel Opera House de Tokyo, un théâtre immense de 2.000 mètres carrés, 3.500 places et quatre étages, avec des murs entièrement recouverts de boiseries qui dispensent de l’usage d’un micro et s’insèrent dans un ensemble, techniquement le plus perfectionné du monde.
“Pour son spectacle de 4h15, indique Yvan, Zeffirelli a tout inventé: mouvements, changement de scène, décor. Il a fait construire celui-ci dans les plus grandes maisons de décor d’Italie et a tout fait transporter au Japon.”
Dans “les couleurs de la terre et de la nuit”, les temples égyptiens ont été reproduits avec leurs hiéroglyphes (inscrits partout jusque dans les moindres recoins invisibles des spectateurs, afin de permettre aux acteurs de “garder le contact avec les réalités du lieu”), leurs odeurs, leurs dieux de quinze mètres de hauteur et leurs colonnes, onze, chacune de onze mètres.
“L’espace autour de la scène était encore plus grand que celui de la scène de 30 mètres qui monte sous le regard du spectateur et grandit en fonction du spectacle. A un moment donné, 300 personnes sont réunies sur scène avec des chevaux.
“Les costumes ont été signés par Anna Anni, une Italienne de 70 ans, amie d’enfance de Zeffirelli qui habille la plupart de ses opéras. Pour “Aïda”, elle a conçu 400 costumes dont dix de différents registres portés par des soldats.
“Aïda” par Zeffirelli est un opéra comme on n’en a jamais vu dans sa vie. La basse Carlo Colombara qui a chanté son rôle quarante fois s’est montré très reconnaissant envers Zeffirelli de l’avoir choisi pour jouer dans un tel spectacle”.


Yvan Caracalla avec le ténor argentin José Cura et le cinéaste italien Franco Zeffirelli.
LE SOUCI DE LA PERFECTION
Les vedettes (ténor, basse, soprano, baryton) avaient été engagées par Zeffirelli pour les quatre premières soirées. Elles avaient été, ensuite, relayées par les Japonais. L’orchestre de 130 musiciens était entièrement japonais. Il s’est produit sous la direction du maestro Navarro, lui-même directeur artistique de l’opéra de Madrid. Il accompagnait le chœur et le ballet de Tokyo.
Tous les billets du spectacle avaient été vendus dès avril 1997. Lors de l’inauguration, outre les représentants de La Scala de Milan, du Metropolitan Opera de New York, les officiels et hauts dignitaires japonais, on remarquait trois ambassadeurs dans la salle: l’Italien invité par Zeffirelli, l’Espagnol par le chef d’orchestre et le Libanais Samir Chamma par Yvan Caracalla. Impressionné en retrouvant ses racines, José Cura a voulu se faire photographier aux côtés du chef de la mission diplomatique libanaise.
Tout heureux de vivre une telle expérience au Japon, Yvan Caracalla y avait été en quelque sorte préparé. Dans les universités de Californie et de Pepperdine où il a passé sept ans à étudier le théâtre, la mise en scène et la production cinématographique, Yvan s’intéressait déjà aux mœurs et la culture du Japon. Sur place, avec “un peuple envers qui j’ai beaucoup de respect”, il a réalisé combien il avait raison de croire dans le génie de ce pays.
“Ce que Zeffirelli et les Japonais ont en commun, dit-il, c’est la perfection”. Lors d’une conférence de presse précédant son spectacle, le cinéaste italien a confié que c’était la première fois de sa vie où il trouvait dans un théâtre des conditions idéales sur le plan artistique et professionnel. Et que pour la première fois dans sa vie, si une défaillance survenait, la faute lui serait imputée personnellement et non au théâtre”.
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