COUP D'ÉTAT DE PALAIS...?
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE D'ARMÉNIE M. LEVON TER PÉTROSSIAN DÉMISSIONNE

Un an, jour pour jour après son élection à la tête du pays, M. Levon Ter Pétrossian, élu en 1990 par une majorité écrasante au suffrage universel, “La Revue du Liban” avait pu rencontrer le chef de l’Etat arménien, à Erevan.
 

Le président Ter Pétrossian démissionne.
 

Le président arménien lors de sa récente visite
en France a été longuement reçu par M. Chirac.

 
 

L’Arménie avait choisi ce philologue, maître de conférences à l’Institut des Manuscrits Arméniens d’Erevan, docteur es-sciences philologiques, comme leader de la nouvelle République d’Arménie libre et indépendante.
Un homme connu, également, pour ses engagements politiques qui, emprisonné sous la tutelle soviétique à Erevan dans un premier temps, connaissait également, les prisons de Moscou, puisque considéré comme “agitateur dangereux du régime communiste...”
Mais dès sa sortie de prison, M. Ter Pétrossian créait le Mouvement National et devenait en 1990, membre de la présidence du parlement, pour prendre en main, le 4 août 1990 le destin du peuple arménien.
Un jeune président promis à de lourdes charges tant sur les plans politiques qu’économiques et sociaux et qui affirmait lors de notre rencontre en parlant de l’épineux dossier du Karabagh: “L’Arménie doit briser son isolement politique et faire son entrée sur la scène politique internationale. Il est important d’ouvrir les voies de communication vers l’Iran, la Turquie et vers le monde...
Nous étions, sous l’ancien régime entièrement liés à l’Azerbaidjan et ceci est très dangereux... Mais je reste convaincu que ce pays réexaminera sa politique envers nous...
Le plus important est de s’atteler à résoudre la question du Karabagh et nous réussirons à le faire par le dialogue. Dans cette région vit un peuple qui lutte pour son autodétermination et dont la seule garantie est son autodéfense...”
Sept ans après, au soir du 3 février 1998, le président arménien annonçait sa démission.
La question du Karabagh transcendant progressivement les contradictions traditionnelles, s’imposant en ligne de fracture du paysage politique, devenait l’enjeu principal de luttes internes.
On pourrait faire assumer au président démissionnaire tous les griefs, mais on ne pourra pas lui reprocher d’avoir tenté d’élever le débat fut-ce au prix de déconcerter ses alliés les plus fidèles, jetant le doute dans son propre camp...

“C’EST LE PARTI DE LA PAIX QUI A ÉCHOUÉ” DÉCLARE TER PÉTROSSIAN EN PRÉSENTANT SA DÉMISSION
L’heure est à la réflexion... L’heure est grave pour l’Arménie.
Partisan farouche d’une solution par étapes, M. Ter Pétrossian n’aura pas convaincu Stépanakert et le ministre des Affaires étrangères qui, déjà au mois de novembre réagissait, en affirmant que “l’Arménie avait fait pression sur l’Azerbaidjan en 1993 pour que la région de Kelpajar soit restituée à l’Azerbaidjan”.
Le président du Karabagh à son tour accusait l’Arménie et ses dirigeants de “vouloir être prêt à tout ce qu’on lui proposait...”
Des déclarations incendiaires de différentes personnalités au pouvoir fusaient de partout.
Le chef de l’opposition, M. Manouguian accusait le président de “ne même plus chercher à cacher ses intentions de se débarrasser du problème du Karabagh...”
A ceci, le président arménien rétorquait: “L’Opposition n’a aucun plan de solution et est loin de s’être engagée dans une tâche bénéfique pour la nation...” Et de poursuivre doit-on résoudre par la guerre ou les négociations, ce problème, est-il possible de maintenir le statu-quo et de laisser le problème entier... Où est l’intérêt du Karabagh et de l’Arménie dans la solution ou la non-solution du conflit...? La question sera-t-elle résolue par le compromis ou par la défaite de l’une des parties...
Je maintiens que la guerre doit être évitée et laisser le conflit du Karabagh sans solution n’est dans l’intérêt ni du Karabagh, ni de l’Arménie.
Le seul choix possible reste le compromis... La voie que j’ai choisie garantira cette perspective. Il nous faut être réaliste et comprendre que la communauté internationale ne tolérera pas longtemps cette situation mettant en danger la sécurité et la coopération régionales, ainsi que les intérêts pétroliers de l’Occident.
L’opposition, m’accusera d’avoir agi en traître, et d’avoir en quelque sorte “bradé” cette région...
Si l’Arménie a exercé une pression, c’était en 1993 pour que les dirigeants participent aux négociations du groupe de Minsk.
Nous ne laisserons pas aux illusions trompeuses d’induire le pays en danger. Nous refusons l’aventurisme.”

UNE ACTION POLITIQUE DÉLICATE CONTROVERSEE PAR LE PEUPLE ET CERTAINS DIRIGEANTS
En ralliant ainsi les propositions de l’OSCE co-présidée par la France, la Russie et les Etats-Unis, M. Ter Pétrossian se livrait à un jeu politique subtil et dangereux en voulant développer une tactique particulière en adoptant une attitude “suiviste” de celle du haut-Karabagh.
Et la série des démissions commençait avec en premier celle de M. Libaridian, conseiller de Ter Pétrossian.
Quelques mois plus tard, le Premier ministre, M. Kotcharian, lors d’une visite en France se démarquait de la position du chef de l’Etat arménien en affirmant lors d’une conférence de presse: “Je ne crois pas à ces négociations en deux étapes distinctes... La majorité de la population ne l’accepte pas et cela est lourd de danger pour l’avenir... Jamais la population du Karabagh n’acceptera une subordination à Bakou...”
Le ministre de la Défense du Karabagh Samuel Banayan affirmait à son tour: “Nous nous préparons à la guerre. Et cette fois-ci ce sera eux ou nous...”
Après des mois des tractations diplomatiques quasi secrètes, les choses ont été nommées... L’Arménie doit clairement exprimer sa position plutôt que de se conduire comme elle le fait...”

LE PRÉSIDENT ALIEV N’A PAS PERDU SON TEMPS
Sur le front diplomatique, le président Aliev ne perd pas une minute et multiplie ses accords pétroliers.
Les Américains poursuivent leur percée dans les affaires régionales et Bill Clinton, avant l’ouverture du Sommet des Huit pays les plus industrialisés le (G8) se rangeant aux côtés des présidents français et russe dit “sa profonde inquiétude.”
Les trois chefs d’Etat proposaient, alors, une négociation rapide d’un accord et ceci sans délai...
En tant que représentants des trois puissances médiatrices du conflit du Karabagh, ils affirment que le gage de la prospérité économique dépend seulement de la paix...
L’on sait aussi que ces mêmes pays ont de gros intérêts dans le développement de la production pétrolière de l’Azerbaidjan...
Les détails du plan dévoilés par la partie azerbaidjanaise précisent que les forces armées arméniennes devront se retirer des territoires occupés et permettre le retour des azéris dans leur foyer...
Mais le Karabagh, tout comme l’Arménie, n’a pas oublié ses morts.
Plus de 20000 combattants ont péri pour la juste cause du Karabagh, et voilà qu’ironiquement l’instigateur du Mouvement Karabagh est accusé de ne pas s’intéresser à ce conflit et à penser à d’autres intérêts... De céder... Poussé à la démission par ses ennemis politiques, lâché par son Premier ministre et plusieurs autres, M. Ter Pétrossian a démissionné.
Encore une fois, l’Arménie placée devant la croisée des chemins devra faire face à son destin.
L’Arménie encore une fois est dans l’expectative tout comme l’est la Diaspora...
Toutes les spéculations sont permises...
Pour être effective, la démission devra être approuvée par une majorité simple au Parlement et des élections devraient avoir lieu dans les 40 jours qui suivent.
L’intérim est actuellement assuré par le président du parlement M. Araktsian.

SONIA NIGOLIAN


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