Editorial


Par MELHEM KARAM 

 
LE FORUM DE DAVOS ET LES TROIS ZONES INTERNATIONALES  
REJET DU COMPLEXE DE SUPÉRIORITÉ ET CONDAMNATION DE L’ARROGANCE DU POUVOIR 

Une oasis de relaxation où sont soignées toutes les blessures et pasées en revue toutes les difficultés. Tout le monde vit “l’esprit de Davos”, en traitant les faits en dehors de la section d’enregistre-ment. Comme si on parlait avec soi-même à haute voix, dans une station de ski suisse, à 15.600 mètres d’alti-tude, dont la population n’excède pas dix mille âmes. 
Près de deux mille personnes parmi les gens de la décision s’y retrouvent chaque année: chefs d’Etat et de gouvernement, ministres, représentants d’institutions financières, présidents de conseils d’administration et directeurs de sociétés sous l’appellation “global leaders” ou dirigeants du monde. 
L’esprit de Davos consiste, aussi, en la suprématie et la victoire de l’idée de la mondialisation, mais non à l’instar des Nations Unies où se confrontent des idées nationales éloignées les unes des autres, la décision étant prise sous l’angle de l’intérêt public international. 
Si votre chance professionnelle vous permet d’être à Davos, vous entendrez dire que le XXIème siècle verra l’émergence d’un monde multipolaire, au sein duquel graviteraient trois grandes zones, pour s’unir sous une forme ascendante et avec des vitesses différentes: la zone nord-américaine, qui se formerait autour des Etats-Unis et du dollar. L’ALENA, c’est-à-dire l’accord sur le libre-échange nord-américain groupant les Etats-Unis, le Canada et le Mexique, lesquels en constitueraient le noyau. Washington est censé patronner ce groupe, tout en contrôlant le cône sud du continent. 
La seconde zone est européenne, à former autour du noyau dur de la monnaie européenne unique (l’euro), dont le rôle serait de concurrencer directement le dollar. 
La troisième zone est l’Asie, le Japon étant appelé à la faire mouvoir, en sa qualité de seconde force économique colosse au monde. Mais sous une inconnue chinoise, apparaissant à la surface de l’eau, portant toutes les séquelles et les décombres du dernier ouragan financier. 
Ainsi, le monde restera en état de guerre mais équilibré. Quant à la vérité absolue, elle est plus amère, car les Etats-Unis sont considérés par la plupart des participants à Davos, comme responsables de la catastrophe économique asiatique. De même, tous les Etats affectés dernièrement, par l’épreuve, se considèrent comme redevables de leur prospérité au volume de leurs importations d’Amérique ou dont les monnaies sont liées d’une manière ferme au dollar. Tous se voient soumis à la “loi de l’airain” sinon à la “loi de l’or” que lui impose ce dollar via le FMI. 
Amr Moussa y a pris part au nom de l’Egypte. Nabil Chaath, au nom de la Palestine et Pérès, au nom du centre israélien. 
Les intervenants les plus en vue à Davos, en plus du Premier ministre de Thaïlande, Chuan Leekpai sont: le chancelier Helmut Kohl, Kofi Annan, Jacques Santer et Kamal Khorazi en tant que “guest star” du forum; l’héritier de Mandella, Thambo Mbeki, Georges Soros, le militaire hongrois, l’Américain actuellement ayant réalisé son immense fortune par la spéculation sur les marchés financiers et qui a dit: “Ces marchés sont menacés d’effondrement, si les Etats ne prennent pas des mesures rapides pour les réorganiser. Soros a comparé les marchés financiers au casino où se pratiquent les jeux de hasard, avec cette différence que ces derniers sont soumis à des règles rigides, alors que sur ces marchés, tout est laissé à l’impondérable et au hasard. 
Hillary Clinton a prononcé un mot important étayé de documents, comme si elle était un expert économique, au courant des affaires financières du monde. 
Au cours du forum, toutes les questions ont été passées en revue, y compris l’affaire de Monica Lewinsky; la situation en Irak, la conjoncture palestinienne, les agressions israéliennes contre le Liban et la démission du ministre japonais des Finances. 
Les participants ont abouti à la conclusion que l’apaisement de la crise asiatique ne peut qu’être temporaire, les Etats concernés ayant des chances de se relever et de rectifier leur situation d’une façon moyenne. Toujours est-il, que le revers restera un fantôme et une épée suspendue au-dessus des têtes, la seconde vague des crises devant avoir pour cible le Brésil et la Russie. 
De même, les congressistes ont constaté que la situation en Corée et en Thaïlande évoluait dans la bonne direction et n’ont pas caché leur satisfaction pour cela. Cependant, ils ont manifesté de l’inquiétude sur l’Indonésie, en dépit des assurances et des bravades du président Suharto, de la Chine et du Japon. 
Ils ont observé, avec regret, l’absence du président Yasser Arafat et de Benjamin Netanyahu qui furent les vedettes du forum en 1997. Ils ont constaté, également, non sans dérision, l’insistance de l’Amérique à continuer à jouer le rôle de locomotive de l’économie mondiale, pour demeurer au cœur de toutes les installations régionales. 
L’Europe, elle aussi, est redevable à l’Amérique de sa fermeté et de son immunité, non seulement dans les domaines militaire et stratégique, étant donné que la culture économique, politique et sociale à Washington est au centre de toute la construction européenne. Le monde tendrait donc malgré, ou à cause, de la crise, à une structure unipolaire. 
Ainsi, le monde aura opté pour un nouveau style dans la manière de traiter avec ses crises et qui consiste, pour les Etats en butte à des difficultés, à se trouver toujours à la remorque, en se rebellant contre “l’arrogance de la force” de la part des grandes puissances. Cette arrogance de laquelle le sénateur Fulbright a dit qu’elle est le fléau de la présence humaine. 

Photo Melhem Karam

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