De
Paris où il se trouvait dimanche dernier, le chef du gouvernement
a fait endosser à cheikh Soubhi Toufayli, l’entière responsabilité
des affrontements armés ayant opposé à Baalbeck le
“cheikh rebelle” et ses partisans à nos forces régulières.
Le Sérail ne serait-il donc pas en partie responsable de la tournure
dramatique prise par la “révolte des affamés”, en ayant fait
la sourde oreille à la masse des déshérités
qui veulent améliorer leurs conditions de vie? Fort heureusement,
l’Armée a limité les dégâts en agissant de manière
à épargner plus d’épreuves et de malheurs à
la population civile de la Békaa.
Tout Libanais
bien pensant déplore la tournure dramatique prise par la “révolte
des affamés”, par la faute du gouvernement qui a traité,
au moyen de promesses non tenues, des problèmes intéressant
des milliers de déshérités dont il n’a pu ni voulu
améliorer les conditions de vie.
Le mouvement revendicatif (et protestataire) de cheikh Soubhi Toufayli
a perdu son caractère pacifique, dès le moment où
son promoteur a eu l’impression que le Pouvoir ne prenait pas ses revendications
au sérieux et cherchait à l’avoir à l’usure. Ceci
a eu pour conséquence de porter à son paroxysme l’exaspération
du peuple baalbakiote.
D’autant plus que le “cheikh rebelle” et ses partisans ont été
reniés par leur clan (le Hezbollah) formé, dans l’ensemble,
de leurs coreligionnaires.
Le mouvement toufayliste devait modifier sa “stratégie de combat”,
parce qu’il a été mis au pied du mur, après avoir
été coupé de ses racines...
D’où son grave dérapage qui a débouché
sur un affrontement armé avec nos forces régulières,
lequel s’est soldé par des tués et de nombreux blessés
de part et d’autre. Or, l’effusion du sang libanais ne profite qu’à
Israël, surtout si cette scission au sein du “Hezbollah” devait se
répercuter, négativement, sur la résistance.
Après la regrettable confronta-tion, le triangle de Brital-Talia-Haour
Taala a été proclamé zone militaire inaccessible aux
représen-tants des médias. Dans le même temps, un mandat
d’arrêt était lancé contre le “cheikh hors-la-loi”,
dont les partisans ont scandé des slogans anti-gouvernementaux,
au cours des obsèques faites aux victimes, tout en affirmant “ne
pas vouer des sentiments hostiles à l’Armée”.
A Paris, où il se trouvait durant le dernier week-end, le Premier
mi-nistre a fait endosser à cheikh Tou-fayli “l’entière responsabilité
de la rébellion contre l’Etat et du sang versé”, non sans
assurer que “le gouverne-ment avait tenté de pacifier Baalbeck-Hermel
et de satisfaire les revendica-tions de la population de ce caza.”
Comment? En lui prodiguant des promesses qui n’ont pas été
tenues, puisque les 150 milliards de livres destinés soi-disant
à réaliser des projets d’utilité publique dans les
régions déshéritées - la Békaa, le Sud
et le Akkar - ne figurent pas dans le budget 98 récemment ratifié
par la Chambre.
Le gouvernement est donc également responsable de ce qui s’est
passé au cours des derniers mois dans une région parmi les
plus pauvres du Liban, rendue encore plus misérable par l’éra-dication
de la culture du hashisch, sans assurer aux agriculteurs des cultures de
rechange...
Le président Hussein Husseini a raison de soutenir “qu’il aurait
été préférable d’éliminer les sujets
de plainte avant l’aggravation de la situation... Malheureusement, le gouvernement
a fui ses responsa-bilités”.
Et le cardinal Sfeir a émis le souhait que “la révolte
des affamés soit traitée par autre chose que des promesses...
et que la priorité soit accordée aux questions sociales,
parce qu’elles concernent l’homme, avant la pierre”.
L’éminent prélat a, également, déploré
le peu de cas réservé aux personnes déplacées,
puisqu’au-cun crédit n’a été prévu à
leur intention dans le budget de l’année courante. “Pourtant, observe-t-il,
par leur retour, la patrie pourra recommencer à vivre normalement”. |