LE PRÉSIDENT CARLOS MENEM AU LIBAN
UNE VISITE HISTORIQUE ET UN RETOUR AUX SOURCES   Buenos Aires - SABINE FARRA

Avec Clinton qui s’est rendu en Argentine, en octobre dernier.
C’est une visite qualifiée d’historique. La première qu’effectue un chef d’Etat argentin au “pays des Cèdres”. Elle intervient de longues années après celle de feu le président Camille Chamoun, qui avait été accueilli par le général Perón dans les années cinquante.

Entre-temps, il y a eu en novembre 1995 celle du Premier ministre libanais, Rafic Hariri. Autant de “déplacements”, pour prouver les relations excellentes existant entre le Liban et l’Argentine qui compte, il ne faut certes pas l’oublier et selon le recensement effectué par l’ambas-sade du Liban à Buenos Aires, plus d’un million et demi de Libanais d’origine ayant fondé un nombre important d’institutions, de clubs, d’associations et de congrégations religieuses.
Le président Carlos Menem - lui aussi péroniste - a effectué un séjour de deux jours au Liban les 3 et 4 février 98, entre une réunion à Davos (Suisse) où a lieu le Forum annuel industriel et avant d’inaugurer au Caire un réacteur nucléaire fabriqué par une entreprise argentine.
A la demande expresse et personnelle du Premier Argentin, cette visite a eu lieu, M. Menem étant accompagné d’une délégation très importante formée de ministres, d’hommes d’affaires, du gouverneur de Santa Fe, d’origine libanaise M. Jorge Alberto Obeid, province de plus de 133.000 km2 comptant plus de trois millions d’habitants; de même que la fille du président, Zuleima Menem.
En plus des entrevues officielles, les dîners qui ont eu lieu au palais de Baabda et à l’hôtel Marriott, où a séjourné M. Menem, ainsi que sa suite, il est prévu d’activer des accords à caractère commercial, ainsi que les échanges culturels. Un premier pas avait été fait dans ce sens, à l’époque du président Camille Chamoun.
Pour le président argentin qui a déjà à son actif nombre de voyages et de rencontres avec les souverains et les chefs d’Etat, cette visite a revêtu un caractère personnel; c’est, en quelque sorte, un retour aux sources à l’instar, peut-être, de son voyage en Syrie en 1994. Depuis cette date, l’envie est restée “d’arriver” jusqu’à Beyrouth. D’où son insistance à y accorder plus de temps que celui prévu initialement.


Avec le président Chirac.

PREMIÈRE GÉNÉRATION D’UNE FAMILLE D’ÉMIGRÉS
En ce sens, le parcours du président Carlos Menem, élu pour un second mandat au suffrage universel avec une confortable majorité, promoteur des changements socio-économiques profonds qui ont propulsé l’Argentine sur la voie du troisième millénaire, est assez particulier. Il reflète ce rêve “américain” ayant mené nombre d’habitants du vieux Monde à la rencontre du Nouveau.
M. Menem est, après la destitution du Libanais d’ori-gine Boukaram (Equateur), l’unique chef d’Etat dans le monde ayant des origines levantines. Il est né à La Kioja, pro-vince argentine assez pauvre, le 2 juillet 1930. Son père Saul a fait la traversée de l’océan en 1912 et sa mère Mohibé Akil est venue en Argentine, bien des années plus tard. C’est à Anillaco qu’ils s’établirent et se marièrent dans ce petit village qui, dit-on, a maintes ressemblances avec Yabrud, la terre des ancêtres.
C’est là, aussi, que le futur chef d’Etat fait ses études primaires et secondaires. En 1950, il rencontre à Buenos Aires le général Perón et sa femme Eva au cours d’un voyage organisé par une association estudiantine. Une rencontre qui l’a marqué à vie. A l’université de Cordoba, faculté de Droit, il milite pour ses idées politiques.


La visite en Syrie en 1994.

DÉFENSEUR DES DÉTENUS POLITIQUES
De retour chez lui, en juillet 55, jeune avocat fraîchement émoulu de la faculté, il se charge de défendre les prisonniers politiques, arrêtés à la suite du putsch militaire, qui mit fin au régime du général Perón en  1955.
En 1956, il est arrêté pour son activisme politique. Un an plus tard, il fonde le jeune parti péroniste de La Rioja et devient le conseiller juridique de la confédération des travailleurs de sa province.
En 1958, sa candidature pour le poste de sénateur national, au sein du “Parti populaire uni” est refusée. Il n’a pas l’âge requis. Mais en  1968, il est élu député dans sa province un nouveau coup d’Etat met fin à son mandat.
En 1964, il accomplit le premier pélerinage à la terre des ancêtres, accompagné de ses parents. C’est là, qu’il rencontre Zulema Fatima Yoma, Syrienne, native de Palmyre, avec qui il se marie deux ans plus tard. Au cours de la même année, il rencontre le général Perón, exilé à Madrid. Il est élu gouverneur de sa province le 11 mars 1973.
Trois ans plus tard, en  1976, il est arrêté par les militaires qui ont pris le pouvoir et destitué la veuve du général Perón, Isabel, laquelle avait remplacé ce dernier, après son décès, à la tête de la République argentine.
L’incarcération de Menem a duré cinq ans. Il a été déplacé d’une prison à une autre jusqu’au 17 février 1981. Avec l’avènement de la démocratie, il a été élu gouverneur de sa province le 30 octobre 1983 avec 54% de votes; puis, réélu en   1987 avec plus de 63%.
En 1988, il gagne les élections internes du parti justicialiste (péroniste) et se porte candidat à la présidence de la Nation à laquelle il accède en  1989. A la faveur d’une réforme constitutionnelle qui modernise la Constitution du pays, confirme son système présidentiel démocratique et, surtout, permet un second mandat, le président Menem est réélu le 14 mai 1995 avec plus de 50% des suffrages.
Derrière le personnage sympa-thique, charismatique, se dévoile, l’homme politique de grande envergure, qui symbolise les grands changements accomplis en faveur de son pays, afin qu’il puisse suivre la marche du siècle.
Consolidation des institutions, arrêt de l’hyperinflation et stabilité de la monnaie nationale, ainsi qu’une pacification nationale, basée sur une vie démocratique digne des nations les plus évoluées, autant de signes avant-coureurs d’une Argentine qui recouvre une place de choix et veut jouer un rôle prépondérant dans la région, au sein du “Mercosur”, marché latino-américain, qui se veut à l’image de la CEE et dont l’Argentine constitue le principal catalyseur.

AVEC LE LIBAN
L’importance de cette visite au Liban revêt un caractère multiple. Etant donné les liens tramés, à travers les décennies et à cause de ces milliers de Libanais, qui se sont établis, là-bas et qui, grâce à leurs efforts, ont été un apport considérable dans l’édification de la nation argentine. A tous les niveaux: politique, professionnel et des affaires, les Libanais se distinguent.
Sur un autre plan, évidemment pour ce qui a trait aux accords économiques et culturels qui seront conclus ou remis à jour.
Au plan politique, la position du président Menem en faveur de la paix au Proche-Orient est connue. Sa solidarité avec le Liban s’est manifestée à maintes reprises. N’a-t-il pas envoyé, au Liban-Sud une mission humanitaire - les casques blancs,  ce fameux contingent dont le rôle est de jouer les soldats de la paix au lendemain du massacre de Cana en 1996?
En plus de cela s’inscrivent l’amitié et l’intérêt, tissés à travers les océans, pour une petite nation qui n’en finit pas de panser ses plaies, de la part d’une autre nation, tellement plus vaste qui, elle aussi, a enduré des épreuves non moins dures.


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