Entre-temps, il y a eu en novembre 1995 celle du Premier ministre libanais,
Rafic Hariri. Autant de “déplacements”, pour prouver les relations
excellentes existant entre le Liban et l’Argentine qui compte, il ne faut
certes pas l’oublier et selon le recensement effectué par l’ambas-sade
du Liban à Buenos Aires, plus d’un million et demi de Libanais d’origine
ayant fondé un nombre important d’institutions, de clubs, d’associations
et de congrégations religieuses.
Le président Carlos Menem - lui aussi péroniste - a effectué
un séjour de deux jours au Liban les 3 et 4 février 98, entre
une réunion à Davos (Suisse) où a lieu le Forum annuel
industriel et avant d’inaugurer au Caire un réacteur nucléaire
fabriqué par une entreprise argentine.
A la demande expresse et personnelle du Premier Argentin, cette visite
a eu lieu, M. Menem étant accompagné d’une délégation
très importante formée de ministres, d’hommes d’affaires,
du gouverneur de Santa Fe, d’origine libanaise M. Jorge Alberto Obeid,
province de plus de 133.000 km2 comptant plus de trois millions d’habitants;
de même que la fille du président, Zuleima Menem.
En plus des entrevues officielles, les dîners qui ont eu lieu
au palais de Baabda et à l’hôtel Marriott, où a séjourné
M. Menem, ainsi que sa suite, il est prévu d’activer des accords
à caractère commercial, ainsi que les échanges culturels.
Un premier pas avait été fait dans ce sens, à l’époque
du président Camille Chamoun.
Pour le président argentin qui a déjà à
son actif nombre de voyages et de rencontres avec les souverains et les
chefs d’Etat, cette visite a revêtu un caractère personnel;
c’est, en quelque sorte, un retour aux sources à l’instar, peut-être,
de son voyage en Syrie en 1994. Depuis cette date, l’envie est restée
“d’arriver” jusqu’à Beyrouth. D’où son insistance à
y accorder plus de temps que celui prévu initialement.
PREMIÈRE GÉNÉRATION D’UNE
FAMILLE D’ÉMIGRÉS
En ce sens, le parcours du président Carlos Menem, élu
pour un second mandat au suffrage universel avec une confortable majorité,
promoteur des changements socio-économiques profonds qui ont propulsé
l’Argentine sur la voie du troisième millénaire, est assez
particulier. Il reflète ce rêve “américain” ayant mené
nombre d’habitants du vieux Monde à la rencontre du Nouveau.
M. Menem est, après la destitution du Libanais d’ori-gine Boukaram
(Equateur), l’unique chef d’Etat dans le monde ayant des origines levantines.
Il est né à La Kioja, pro-vince argentine assez pauvre, le
2 juillet 1930. Son père Saul a fait la traversée de l’océan
en 1912 et sa mère Mohibé Akil est venue en Argentine, bien
des années plus tard. C’est à Anillaco qu’ils s’établirent
et se marièrent dans ce petit village qui, dit-on, a maintes ressemblances
avec Yabrud, la terre des ancêtres.
C’est là, aussi, que le futur chef d’Etat fait ses études
primaires et secondaires. En 1950, il rencontre à Buenos Aires le
général Perón et sa femme Eva au cours d’un voyage
organisé par une association estudiantine. Une rencontre qui l’a
marqué à vie. A l’université de Cordoba, faculté
de Droit, il milite pour ses idées politiques.
DÉFENSEUR DES DÉTENUS POLITIQUES
De retour chez lui, en juillet 55, jeune avocat fraîchement émoulu
de la faculté, il se charge de défendre les prisonniers politiques,
arrêtés à la suite du putsch militaire, qui mit fin
au régime du général Perón en 1955.
En 1956, il est arrêté pour son activisme politique. Un
an plus tard, il fonde le jeune parti péroniste de La Rioja et devient
le conseiller juridique de la confédération des travailleurs
de sa province.
En 1958, sa candidature pour le poste de sénateur national,
au sein du “Parti populaire uni” est refusée. Il n’a pas l’âge
requis. Mais en 1968, il est élu député dans
sa province un nouveau coup d’Etat met fin à son mandat.
En 1964, il accomplit le premier pélerinage à la terre
des ancêtres, accompagné de ses parents. C’est là,
qu’il rencontre Zulema Fatima Yoma, Syrienne, native de Palmyre, avec qui
il se marie deux ans plus tard. Au cours de la même année,
il rencontre le général Perón, exilé à
Madrid. Il est élu gouverneur de sa province le 11 mars 1973.
Trois ans plus tard, en 1976, il est arrêté par
les militaires qui ont pris le pouvoir et destitué la veuve du général
Perón, Isabel, laquelle avait remplacé ce dernier, après
son décès, à la tête de la République
argentine.
L’incarcération de Menem a duré cinq ans. Il a été
déplacé d’une prison à une autre jusqu’au 17 février
1981. Avec l’avènement de la démocratie, il a été
élu gouverneur de sa province le 30 octobre 1983 avec 54% de votes;
puis, réélu en 1987 avec plus de 63%.
En 1988, il gagne les élections internes du parti justicialiste
(péroniste) et se porte candidat à la présidence de
la Nation à laquelle il accède en 1989. A la faveur
d’une réforme constitutionnelle qui modernise la Constitution du
pays, confirme son système présidentiel démocratique
et, surtout, permet un second mandat, le président Menem est réélu
le 14 mai 1995 avec plus de 50% des suffrages.
Derrière le personnage sympa-thique, charismatique, se dévoile,
l’homme politique de grande envergure, qui symbolise les grands changements
accomplis en faveur de son pays, afin qu’il puisse suivre la marche du
siècle.
Consolidation des institutions, arrêt de l’hyperinflation et
stabilité de la monnaie nationale, ainsi qu’une pacification nationale,
basée sur une vie démocratique digne des nations les plus
évoluées, autant de signes avant-coureurs d’une Argentine
qui recouvre une place de choix et veut jouer un rôle prépondérant
dans la région, au sein du “Mercosur”, marché latino-américain,
qui se veut à l’image de la CEE et dont l’Argentine constitue le
principal catalyseur.
AVEC LE LIBAN
L’importance de cette visite au Liban revêt un caractère
multiple. Etant donné les liens tramés, à travers
les décennies et à cause de ces milliers de Libanais, qui
se sont établis, là-bas et qui, grâce à leurs
efforts, ont été un apport considérable dans l’édification
de la nation argentine. A tous les niveaux: politique, professionnel et
des affaires, les Libanais se distinguent.
Sur un autre plan, évidemment pour ce qui a trait aux accords
économiques et culturels qui seront conclus ou remis à jour.
Au plan politique, la position du président Menem en faveur
de la paix au Proche-Orient est connue. Sa solidarité avec le Liban
s’est manifestée à maintes reprises. N’a-t-il pas envoyé,
au Liban-Sud une mission humanitaire - les casques blancs, ce fameux
contingent dont le rôle est de jouer les soldats de la paix au lendemain
du massacre de Cana en 1996?
En plus de cela s’inscrivent l’amitié et l’intérêt,
tissés à travers les océans, pour une petite nation
qui n’en finit pas de panser ses plaies, de la part d’une autre nation,
tellement plus vaste qui, elle aussi, a enduré des épreuves
non moins dures.