tribune
 
Mme ALBRIGHT, TAMBOUR-MAJOR
 
Chargée de réaliser la paix au Proche-Orient, Mme Albright bat le tambour de la guerre. Si la situation n’était pas déjà assez dramatique comme cela, on pourrait lui chanter “La Madelon”.
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Que le régime irakien ne soit pas défendable, que son comportement à l’égard du Koweit en 1990 ait été condamnable, tout le monde s’accorde là-dessus. Les pays arabes s’étaient, alors, mobilisés autour de l’Amérique et de l’Europe pour sauver le Koweit et éliminer le potentiel militaire de l’Irak.
Aujourd’hui, l’acharnement des Etats-Unis contre ce pays pose un problème qu’il est impossible d’ignorer et auquel personne ne semble avoir de réponse satisfaisante: pourquoi l’Amérique s’arme-t-elle de toutes les résolutions de l’ONU pour soumettre l’Irak et ignore-t-elle les résolutions onusiennes qui concernent Israël ou, tout au moins, expose-t-elle leur application à négociation, c’est-à-dire au risque de n’être jamais respectées, comme on le  voit déjà depuis de nombreuses années? Israël a fait échec à toutes les tentatives de négociations depuis 1970. Ces résolutions ont été conçues pour instaurer la paix au Proche-Orient. Et une fois cette paix réalisée, l’ensemble de la communauté arabe ne se sentirait-elle pas tout à fait à l’aise pour collaborer, par exemple, à une politique de neutralisation de l’Irak?
A ces questions, que peut-on répondre?
Israël est exempt des résolutions de l’ONU. Il est libre de fixer ses frontières comme il l’entend. Il peut conserver ses armes de destruction massive. Il peut dénier aux Palestiniens, qu’il a dépouillés de leur pays, le droit d’avoir une identité nationale et de constituer un Etat. En cinquante ans, il a pris l’initiative de quatre guerres de conquête, (1956, 1967, 1978, 1982), continue de guerroyer au Liban et menace tous ses voisins et même au-delà... jusqu’à l’Iran. En somme, tout ce qui est interdit aux autres lui est permis.
Aucune contrainte ne lui sera imposée. Il est l’allié privilégié de l’Amérique qui l’arme et le finance (3 milliards de dollars par an).
Pourtant, Mme Albright et M. Clinton croient encore pouvoir obtenir des gouvernements arabes et de M. Arafat qu’ils matent les réactions populaires que suscite ce scandale permanent; ils leur demandent d’empêcher une nouvelle “intifada” devant l’échec du “processus de paix” et toutes les actions qu’ils groupent sous l’appellation de “terrorisme” et, en outre, de participer à une nouvelle action militaire contre l’Irak.
Comment cela peut-il s’expliquer?

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Le problème se pose aujourd’hui, comme il se posait au moment du déclenchement de la guerre du Golfe. Car c’est le même effort de mobilisation qu’entreprend Mme Albright.
Mais quand l’Irak menaçait d’occuper le Koweit et qu’il l’a effectivement occupé, les autres pays arabes avaient une raison propre pour se mobiliser et pour participer à une action internationale contre l’Irak: ils se protégeaient eux-mêmes contre les ambitions de Saddam Hussein et soutenaient le principe de l’intangibilité des frontières. La promesse américaine de leur donner, en contrepartie, son appui pour réaliser une “paix juste et globale” sur la base de la restitution des territoires occupés par Israël en 1967, apparaissait alors comme une décision de Washington pour mieux motiver le monde arabe. Et cela a marché. Il n’y aura plus, disait-on, deux poids et deux mesures. Le Proche-Orient pourrait se développer en paix, dans la coopération. Le beau rêve!
Sept ans sont passés là-dessus. Le processus de paix entre Israël et ses voisins est complètement bloqué. L’Amérique se refuse à exercer la moindre pression sur Netanyahu. Mais contre l’Irak, c’est un véritable déchaînement. On ne l’accuse plus de menacer le Koweit, mais... Tel-Aviv.
Et on veut que les Arabes, déjà frustrés de la paix qui leur était promise et qu’ils avaient acceptée sur des bases claires et précises, se mobilisent maintenant pour la défense de Tel-Aviv contre une menace hypothétique de Bagdad? Ou, plus officiellement, pour forcer Bagdad à exécuter les résolutions de l’ONU sans la moindre discussion, alors qu’Israël est exempt des résolutions qui le concernent, même quand ses voisins acceptent d’en négocier les modalités d’application. Il est même exempt de respecter les accords déjà signés avec les Palestiniens en présence de M. Clinton.
Qui a dit que la politique des deux poids et deux mesures, c’était fini?
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Par un comportement aussi contradictoire, quel objectif poursuit l’Amérique dans cette région du monde?
Quelle que soit la position qu’adopteront finalement dans cette affaire irakienne des gouvernements arabes généralement peu représentatifs, il n’en restera pas moins que pour l’opinion arabe, ici ou ailleurs, le seul problème, le seul sujet de préoccupation, la seule menace, en un mot le seul scandale s’appelle Israël et son refus de la paix, son refus de la justice, son refus de la loi internationale, l’annexion et la judaïsation de Jérusalem. Aux yeux du monde arabe, de l’Islam et de la Chrétienté d’Orient, que pèse un Saddam Hussein en face de cette énormité?
C’est là que réside le risque d’instabilité et de toutes les violences. Si la diplomatie américaine n’a pas encore compris cela, il n’y a rien à en attendre sinon un surcroît de malheurs. 

 
 
 

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