À L’OCCASION DU MOIS DES SOLDES |
||
C’est
à ne pas y croire! Et pourtant, plus c’est tordu, plus on a de la
chance de taper dans le mille en y croyant, tant ce pouvoir, qu’on nous
a infligé, est coutumier de l’exception, de l’invraisemblable, de
l’effronterie dans le culot.
Au début, ils ont voulu nous faire croire qu’ils maniaient Toufayli avec des gants, soucieux qu’ils sont, de l’unité nationale (morte et enterrée celle-là depuis belle lurette). Ils ont prétendu, ensuite, qu’ils ne donnaient de la corde à cheikh Soubhi que pour mieux se pendre et que le cheikh en question n’agitait sa “révolte des affamés” sous leur nez que comme moyen de chantage et qu’enfin, de toutes façons, ses tartarinades n’étaient que des gesticulations à l’usage de ses propres supporters. D’accord, nous sommes bêtes. Bêtes à pleurer. D’ailleurs, les Libanais, dans leur ensemble, sont stupides, ne serait-ce que pour continuer à tolérer au pouvoir ceux qui y sont actuellement. Stupides, mais pas complètement idiots pour ne pas savoir qu’un pouvoir tellement mince qu’on y voit à travers comme le nôtre n’aurait jamais osé toucher à un cheveu de Toufayli s’il était encore sous l’ombrelle iranienne et la couverture syrienne. Ce n’est que quand Téhéran et Damas ont donné le feu vert que nos preux chevaliers sans peur et sans reproche ont ordonné à l’armée de passer à l’action. Bon. C’est le résultat qui compte, dira-t-on. L’affaire, par décision du Conseil des ministres, vient d’être déférée devant la Cour de Justice, une juridiction d’exception qui tranche en premier et dernier ressort. Autrement dit: pas de recours après le passage devant cette juridiction. Samir Geagea, qui est un vieux routier de cette Cour, en sait quelque chose! Malheureusement, à peine la décision prise en ce qui concerne Toufayli, qu’il y eut une invraisemblable levée de boucliers, à croire que la Cour de Justice ne fonctionne actuellement que pour l’usage exclusif de Samir Geagea. Ce sont d’abord les ministres de la milice Amal, les hommes lige de M. Nabih Berri qui ont mené grand tapage, suivis de près par cheikh Mahdi Chamseddine, cheikh Hussein Fadlallah, le mufti Kabbani et j’en passe... Pour eux, l’affaire Toufayli n’est pas d’une telle gravité pour se retrouver devant la Cour de Justice. Parce que, peut-être, tuer - entre autres - un officier, un sous-officier et un soldat de l’armée libanaise est un banal fait divers qui mériterait, tout au plus, la correctionnelle! En quoi la vie de ces militaires est-elle moins précieuse que celle d’un haut personnage de l’Etat, par exemple? Sitôt que la théocratie se fut prononcée (car d’une certaine façon, nous vivons en théocratie de la main gauche), les autruches du gouvernement se sont empressées d’enfuir leur tête dans le sable. Pour Bahige Tabbara, benoîtement notre ministre de la Justice, c’est sur décision du président de la République et du président seul, que la proposition a été soumise au Conseil des ministres, laquelle initiative a surpris (et sous-entendu) mécontenté plus d’un. Pourtant, lorsque son collègue de l’Information, Bassem Sabeh a lu, aux journalistes, le communiqué officiel, il a précisé que la décision avait été prise à l’unanimité. Pourquoi essayent-ils alors de se cacher derrière leur petit doigt? De quoi ont-ils peur? Et qu’est-ce qui pousse ces braves Ponce Pilate à se bousculer pour se laver les mains? Dans l’ignorance du psychisme de cette classe de héros, je me suis prise de nostalgie pour notre Premier ministre en train de bonifier de sa présence le sol de la Malaisie avant celui de l’Azerbaïdjan. N’aurait-il pas dû être là, à nos côtés, pour faire face à ses responsabilités? Mais les voies de cheikh Rafic, comme ceux de la Providence, sont impénétrables. A le voir ainsi (à la télévision) fouler d’un pas possessif le tapis rouge malais - car notre Premier ministre ne marche pas, il prend possession du terrain - je me suis surprise à me demander - idée saugrenue s’il en fut - s’il ne s’apprêtait pas à étendre jusqu’à Kuala Lumpur et Bakou les ailes tutélaires de Solidere. Absurde! Bien entendu, mais moins absurde, en tout cas, que la déclaration de M. Bahige Tabbara. Au reporter d’une des chaînes de télévision qui lui demandait s’il n’y avait pas un mandat d’arrêt à l’encontre de cheikh Soubhi Toufayli, le ministre de la Justice n’a-t-il pas déclaré: “- Non. Il n’y a pas de mandat d’arrêt. Le mandat émis par la justice militaire est nul du fait même que l’affaire a été déférée devant une autre juridiction”... A se demander si - comme le disait un confrère humoriste - à l’occasion du mois du shopping, nos autorités, dites compétentes, ne s’apprêtent pas à solder l’affaire Toufayli avec un rabais de 50%. |
![]() |