Chronique


Par JOSE M. LABAKI  

 

L’ACCORD D’OSLO: LE COUP DE GRÂCE!

Et Yasser Arafat de renchérir: “la paix permet à la conscience arabe une profonde compréhension de la tragédie qu’a connue le judaïsme européen. Elle permet, également, à la conscience juive de comprendre la souffrance du peuple palestinien, résultant d’une croisée des chemins historiques. Elle trouvera, surtout, un écho dans l’âme juive torturée. Les peuples qui souffrent comprennent mieux qu’autrui la souffrance d’un autre peuple”. C’était le 10 décembre 1994 en recevant avec Rabin et Pérès, le prix Nobel de la paix.
Conclu le 10 septembre 1991 à Oslo et signé en grande pompe à Washington le 13 septembre 93, cet accord est considéré depuis plus d’un an, agonisant. Le processus de paix connaîtra-t-il un soubresaut? Le retrait proposé par B. Netanyahu, 8% de la Cisjordanie, suffira-t-il pour convaincre l’administration américaine, laquelle fait pression sur celui-ci pour un retrait substantiel d’au moins 15% de cette zone à majorité palestinienne et qui réclame le retrait total, en application de l’agenda établi à cet effet?
Le secrétaire d’Etat américain Madeleine Albright aurait dit à M. Netanyahu que l’actuelle politique israélienne porte, désormais, atteinte aux intérêts américains dans la région et qu’il n’y aurait pas de marché global en vue de négociations accélérées sur le statut final des “territoires” sans un deuxième retrait important israélien. Parallèlement, le président Jacques Chirac, le chancelier Helmut Kohl et le Premier ministre britannique Tony Blair ont exigé, récemment, de M. Netanyahu la relance du processus de paix et qu’il était grand temps de sortir de l’impasse.
En effet, jamais depuis l’avant-guerre du Golfe, la situation au Proche-Orient n’aura été aussi tendue, risquant de dégénérer en une escalade inévitable. L’enthousiasme suscité jadis par l’historique poignée de main à l’arraché, entre Yitzhak Rabin et Yasser Arafat, appartient-il au passé? La reconnaissance par l’OLP de l’Etat hébreu et la reconnaissance par celui-ci de l’Organisation palestinienne, relèvent-elles de la fiction?
L’accord d’Oslo, qui aurait créé pour un temps, l’illusion d’une paix juste et durable, une remise en cause des peurs, des anxiétés, des préjugés forgés au cours d’un siècle de conflits, de deux mille ans de persécutions anti-sionistes, - cet accord a, cependant, désorienté les Israéliens, inquiets, pour leur avenir, - alors qu’un pas décisif vers la paix, aurait aidé à surmonter cet état d’âme.
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La déclaration de principes des deux parties traçait non sans certaines ambiguïtés, le cadre d’une autonomie transitoire comme ultime étape vers un règlement total du sempiternel conflit et une perspective de coexistence entre un Etat palestinien et l’Etat d’Israël. En fait, ces principes n’ont été respectés ni par B. Netanyahu, ni par les durs du Likoud qui, depuis leur arrivée au pouvoir, ne font que les saboter.
La déclaration de Washington en septembre 93 affirmait textuellement: “Les deux parties considèrent la rive occidentale de la bande de Gaza comme une unité territoriale unique dont l’intégrité sera préservée”. Or l’Autorité palestinienne ne contrôlant effectivement que 7% de cette bande, la circulation prévue entre les zones autonomes comme avec celles occupées, est difficile; mais à l’exception de la bande de Gaza et des huit localités cisjordaniennes, les 4/5 de la ville d’Hébron inclues, aucun retrait significatif, n’a été effectué.
Les accords d’Oslo prévoyaient un passage sécuritaire entre la Cisjordanie et Gaza, jusqu’à présent fermé à la circulation. Il en est de même du port de Gaza et de l’aéroport dont l’exécution attend toujours l’accord d’Israël. Les accords d’Oslo excluaient, aussi, toute modification du statut des territoires occupés, alors que le nombre de colonies juives va de jour en jour crescendo, après l’arrivée du Likoud au pouvoir, passant de 150.000 à 165.000, sans compter le lancement de nouvelles colonies de peuplement à l’intérieur des frontières de la municipalité de Jérusalem, alors que le statut de la Ville Sainte était exclu en attendant les négociations finales. Déjà, la politique de facto prévaut dans la cité: colonisation, restriction du droit de résidence des Palestiniens, fermeture des institutions palestiniennes, pour ne citer que ces anomalies. A noter que Jérusalem-Est est déjà à majorité juive: 180.000 contre 170.000 Arabes.
Le bouclage quasi permanent des territoires occupés et la réduction de la main-d’œuvre palestinienne en Israël, va à l’encontre de la déclaration conjointe prévoyant une coopération promotionnelle pour le développement de la rive occidentale de la bande de Gaza. La déclaration stipulait, aussi, la libération des prisonniers palestiniens dans les geôles israéliennes depuis le début du conflit. Or il en reste encore plus de 4500, la plupart d’entre eux victimes de tortures, malgré les protestations réitérées de la commission onusienne des Droits de l’Homme et d’Amnesty International.

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Ce bilan suffit, à lui seul, à déterminer les responsabilités de l’impasse où se trouve le processus de paix au Proche-Orient, celle de Benjamin Netanyahu pesant de tout son poids, puisqu’il tient, quel qu’en soit le prix, à en finir avec les accords d’Oslo. Reste à savoir jusqu’où l’administration Clinton est prête à s’engager en évitant tout rafistolage de ces accords. La mise en application des engagements d’Israël est une condition sine qua non de toute relance des négociations sur le statut final de la Cisjordanie, de Jérusalem et de la bande de Gaza, telles que postulées dans la Déclaration de principes, “au plus tard au début de la troisième année de la période intérimaire”, entamée le 5 mai 1996.
Depuis un siècle, les Arabes voient leur terre leur échapper. La communauté juive “Yichouve” en possédait les 7%, et s’en est vu attribuer 55%. Selon le plan de partage du 29 novembre 1947, l’Etat juif devrait couvrir 14000 km2 et l’Etat palestinien 11.500 km2 auxquels s’ajoutait la zone internationale de Jérusalem. Au terme de la guerre 1947-1949, Israël en annexa 77% et, en 1967, il occupa le reste. De quel droit faudrait-il encore partager ces 23%? La Cisjordanie, Jérusalem-Est comprise, représente 5800 km2 et la bande de Gaza 370 km2. L’Histoire témoigne qu’il n’y aura pas de paix au Proche-Orient hors du cadre défini par l’ONU, à commencer par l’échange de la terre contre la paix.
La reprise des négociations israélo-palestiniennes à Washington va-t-elle aboutir à un commun accord sur le statut final d’un Etat palestinien, - où empêcher pour des générations, la naissance de cet Etat? Le choix est moral avant d’être politique. Mais M. Netanyahu renvoie déjà la balle: “Ce conflit arrivera à son terme, le jour où le monde arabe sera convaincu qu’Israël est là pour y rester.” 

 
 “L’accord d’Oslo est un des pactes les plus surprenants de l’histoire de la diplomatie. Décrié par ses adversaires, il a fait son chemin vers l’épicentre de la politique par sa simple logique et le réalisme de se principes.”

Abba Eban
(ex-ministre israélien des Affaires étrangères)
 

 

  

 


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