BRUITS DE BOTTES ET SCANDALES
BLAIR, L’INCONDITIONNEL, À LA RESCOUSSE DE CLINTON

Lors de sa campagne électorale, Tony Blair avait envoyé des experts en communication aux Etats-Unis pour étudier les stratégies clintoniennes qui avaient si bien réussi. Y puisant des méthodes de travail, il avait tenté d’imiter celui qui était devenu son modèle. Et cela lui avait à son tour réussi. Un véritable raz-de-marée avait porté le 1er mai 1997 le New Labour au pouvoir en Grande-Bretagne après 18 ans de règne conservateur.
Bill et Hillary Clinton reçoivent Tony et Cherie Blair, lors d’un dîner d’Etat.

Depuis, Clinton était demeuré son maître. Le personnage le séduisait, ses idées et son style aussi. En y ajoutant la convergence quasi totale des points de vue américain et britannique sur la plupart des dossiers dans le monde, on comprendra l’attitude du jeune Premier ministre lors de sa visite d’Etat de quatre jours, effectuée début février, aux Etats-Unis.

MON AMI BILL
L’admiration que porte Tony Blair à Bill Clinton l’a incité à prendre sa défense dans l’affaire Lewinsky. Il a stigmatisé les débordements de la presse dans une interview accordée au “Daily Telegraph”, estimant que “des deux côtés de l’Atlantique, nous avons une presse qui est parfois plus intéressée par des vétilles que par les vrais enjeux politiques” et déplorant que les journalistes se placent “à l’opposé des “priorités des électeurs”. Il a réitéré ces mêmes propos au “Washington Post”, définissant les remous suscités par le “Monicagate” comme “une turbulence médiatique à court terme”, renouvelant son soutien au président qui effectue “un excellent travail” et rejoignant curieusement Fidel Castro, lequel a estimé que “le président américain est victime d’une conspiration” (...) Nous ne nous en réjouissons pas. Tout au contraire, nous lui souhaitons sincèrement de les surmonter.”
Les propos de Tony Blair ont déchaîné contre lui les médias britanniques qui l’avaient porté aux nues et lui ont reproché de soutenir les frasques du président américain pour mieux couvrir celles de Robin Cook, secrétaire au Foreign Office lequel, en d’autres temps et d’autres lieux, aurait été contraint de démissionner. Mais en Grande-Bretagne comme aux Etats-Unis, Tony Blair poursuit une même tactique: séparer la vie privée de la vie publique d’un homme politique. Les sondages sur la popularité de Clinton lui ont donné raison, outre-Atlantique.
D’ailleurs, le Premier ministre britannique a pu constater de visu jusqu’où les journalistes américains pouvaient aller lors de la conférence de presse conjointe tenue à la Maison-Blanche et au cours de laquelle le président américain a dû répondre, ou s’en abstenir, à des questions fort embarrassantes.
L’amitié indéfectible de Blair a été saluée par un accueil royal à la Maison-Blanche où un dîner de 200 couverts avait été offert en son honneur. Tout le gratin de Hollywood y avait été convié: Harrison Ford, Tom Cruise, Barbara Streisand. La soirée de gala avait été animée par Elton John et Stevie Wonder.
 


David Kendall, avocat personnel de Bill Clinton,
fait peser sur le procureur Kenneth Starr la menace 
de poursuites judiciaires.

A l’origine de la “filière asiatique”,
Yah Lin Trie convoqué au district court à Washington.

 

LA GRANDE-BRETAGNE, PREMIER ALLIÉ DES ETATS-UNIS
En outre, Tony Blair s’est réjoui d’être l’hôte de Blair House en face de la Maison-Blanche et il l’a dit aux lycéens qu’il était allé visiter dans le Maryland, accompagné de Bill Clinton et dont l’établissement était désigné sous le nom de Blair de Montgomery. Vous comprenez que “je me sens un peu chez moi ici.”
L’enthousiasme sans limites de Tony Blair s’est traduit au niveau de plusieurs dossiers. Tout d’abord, celui de l’Irlande du Nord où il s’est félicité de l’attitude de Clinton sollicitant, en outre, le lobby américano-irlandais d’inciter l’IRA à poursuivre la trêve qu’elle observe en Ulster.
Là où la machine a grincé, c’est lorsqu’il a fallu aborder la question de la Libye, de l’Iran et de la loi d’Amato qui veut interdire, sous menace de sanctions, les sociétés étrangères qui investissent, pour un montant dépassant les 40 millions de dollars, dans le secteur des hydrocarbures de ces deux pays. La Grande-Bretagne y a des intérêts tout à l’opposé de ceux des Etats-Unis.
Mais l’appui est massif et total aux Etats-Unis au sujet de la crise irakienne. Tandis que la France, la Russie, la Chine et la quasi totalité des pays arabes privilégient la voie diplomatique et réprouvent le recours à la force en Irak, seule la Grande-Bretagne se déclare prête à s’engager dans la guerre contre un pays qui, estime-t-elle, pourrait anéantir la planète.
Selon un rapport du Foreign Office, les experts de l’UNSCOM sont parvenus à détruire en Irak 38.000 armes chimiques, 48 missiles opérationnels, 30 têtes de missiles, 6 lanceurs de missiles, 680 tonnes d’agents chimiques actifs et 3000 tonnes de précurseurs chimiques.
Mais la commission d’enquête des Nations Unies a en vain cherché la trace de 600 tonnes d’éléments chimiques permettant la fabrication de l’agent mortel VX dont “une seule goutte pourrait tuer et 200 tonnes exterminer la population de la planète”. “Si on ne le met pas sous surveillance, Saddam Hussein peut fabriquer des armes chimiques et bactériologiques en quelques semaines, des missiles de longue portée en un an seulement et se doter de l’arme nucléaire en cinq ans.”
Robin Cook, venu en tournée dans la région du Golfe, a tenté de souligner les hauts risques encourus par le stockage des armes chimiques et bactériologiques en Irak, où 78 sites présidentiels échappent toujours aux inspecteurs. Tout en partageant ces inquiétudes, les dirigeants arabes sont loin de créer l’unanimité qui avait permis à George Bush de mener, en 1991, l’opération “Tempête du désert”.
Le soutien logistique de la Grande-Bretagne aux Etats-Unis s’est exprimé par l’envoi dans le Golfe d’une flotte navale et aérienne. L’ensemble de l’arsenal guerrier se chiffre, aujourd’hui, à 400 avions de combat, trois porte-avions que rejoindront bientôt 2200 marines supplémentaires.
Tandis que Bill Richardson, ambassadeur américain à l’ONU, estime que “la diplomatie est à bout de souffle” et que les émissaires russe et français poursuivent leur médiation, Bill Clinton indique toujours ses préférences pour une solution négociée, par l’accès sans conditions aux sites présidentiels irakiens et la destruction totale des armes chimiques et bactériologiques. “Si cette solution demeure hors d’atteinte, nous devons nous préparer à passer à l’action et nous le sommes”. Dans la conférence de presse conjointe tenue à la Maison-Blanche, Tony Blair a fermement soutenu les propos de Clinton qui semblait mener jusque-là seul le combat. Il a sollicité l’appui du Premier ministre australien, a fini par recevoir celui du chancelier Helmut Kohl qui s’est déclaré prêt à ouvrir l’espace allemand aux troupes américaines en cas d’attaque contre l’Irak.
La nature de cette attaque ne fait toujours pas l’unanimité aux Etats-Unis. Si la majorité des Américains y sont favorables, le Congrès entend aller plus loin que la Maison-Blanche et en finir, une fois pour toutes, de Saddam Hussein, de même que de ses sites-symboles, sa garde républicaine, son ministère de la Défense.
La France privilégie toujours la voie diplomatique. Son ministre des Affaires étrangères, Hubert Védrine soutient que la commission d’experts de l’ONU s’est montrée bien plus efficace que la guerre du Golfe au niveau de la destruction des armes irakiennes.
 


Clinton et Blair: un café au bureau ovale.
 

Cherie et Hillary, deux avocates talentueuses et célèbres.
 

LE “MONICAGATE” TOUJOURS SUR RAILS
A l’heure où la guerre se prépare sur tous les fronts et que les émissaires défrichent la région du Golfe, Bill Clinton n’en a pas fini avec les scandales présumés ou réels qu’il traîne dans son second mandat.
Yah Lin Trie, dit “Charlie”, accusé d’être à l’origine de la “filière asiatique” qui a permis de réunir des fonds de l’ordre de 650.000 dollars, alimentant la dernière campagne présidentielle, a refait surface après une disparition d’un an.
Américain d’origine taïwanaise, Charlie Trie, 49 ans, riche homme d’affaires a été accueilli à l’aéroport Washington-Dulles par des agents du FBI pour se présenter devant la cour de justice et être relâché sous une caution de 200.000 dollars. L’affaire conduite par le ministère de la Justice est en cours et échappe au procureur indépendant Kenneth Starr.
Starr est sujet à une contre-attaque menée par un avocat de Clinton. David Kendall estime que les fuites sur l’affaire “Monicagate” qu’il a distillées à la presse dans le but de faire pression sur des témoins, peuvent faire l’objet d’une action en justice. Starr sur la défensive mais, inflexible affirme: “Je ne cherche que la vérité”. Tandis que Bill Clinton soutient toujours avoir dit la vérité et n’avoir jamais menti. “Jamais”.


Deux S-3 Viking du USS Nimitz en opération de reconnaissance au-dessus du Golfe.

Dans ce que Kendall qualifie de “vaste conspiration”, Betty Curry, secrétaire personnelle du président, a été appelée à témoigner. Elle a pu affirmer que Clinton et Monica avaient été seuls mais qu’elle n’avait rien vu d’autre. Quant à l’avocat de Monica William Ginsburg qui commence à perdre patience, il sollicite toujours l’immunité judiciaire pour sa cliente, afin qu’elle puisse déposer “face à face” du grand jury. Il a même proposé qu’elle se soumette au détecteur de mensonges.
Une affaire de mœurs qui devient une affaire d’Etat comme l’a voulu la droite ultra-conservatrice; cela ne se passe qu’en Amérique.



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