Depuis, Clinton était demeuré son maître. Le personnage le séduisait, ses idées et son style aussi. En y ajoutant la convergence quasi totale des points de vue américain et britannique sur la plupart des dossiers dans le monde, on comprendra l’attitude du jeune Premier ministre lors de sa visite d’Etat de quatre jours, effectuée début février, aux Etats-Unis.
MON AMI BILL
L’admiration que porte Tony Blair à Bill Clinton l’a incité
à prendre sa défense dans l’affaire Lewinsky. Il a stigmatisé
les débordements de la presse dans une interview accordée
au “Daily Telegraph”, estimant que “des deux côtés de l’Atlantique,
nous avons une presse qui est parfois plus intéressée par
des vétilles que par les vrais enjeux politiques” et déplorant
que les journalistes se placent “à l’opposé des “priorités
des électeurs”. Il a réitéré ces mêmes
propos au “Washington Post”, définissant les remous suscités
par le “Monicagate” comme “une turbulence médiatique à court
terme”, renouvelant son soutien au président qui effectue “un excellent
travail” et rejoignant curieusement Fidel Castro, lequel a estimé
que “le président américain est victime d’une conspiration”
(...) Nous ne nous en réjouissons pas. Tout au contraire, nous lui
souhaitons sincèrement de les surmonter.”
Les propos de Tony Blair ont déchaîné contre lui
les médias britanniques qui l’avaient porté aux nues et lui
ont reproché de soutenir les frasques du président américain
pour mieux couvrir celles de Robin Cook, secrétaire au Foreign Office
lequel, en d’autres temps et d’autres lieux, aurait été contraint
de démissionner. Mais en Grande-Bretagne comme aux Etats-Unis, Tony
Blair poursuit une même tactique: séparer la vie privée
de la vie publique d’un homme politique. Les sondages sur la popularité
de Clinton lui ont donné raison, outre-Atlantique.
D’ailleurs, le Premier ministre britannique a pu constater de visu
jusqu’où les journalistes américains pouvaient aller lors
de la conférence de presse conjointe tenue à la Maison-Blanche
et au cours de laquelle le président américain a dû
répondre, ou s’en abstenir, à des questions fort embarrassantes.
L’amitié indéfectible de Blair a été saluée
par un accueil royal à la Maison-Blanche où un dîner
de 200 couverts avait été offert en son honneur. Tout le
gratin de Hollywood y avait été convié: Harrison Ford,
Tom Cruise, Barbara Streisand. La soirée de gala avait été
animée par Elton John et Stevie Wonder.
![]() David Kendall, avocat personnel de Bill Clinton, fait peser sur le procureur Kenneth Starr la menace de poursuites judiciaires. |
![]() A l’origine de la “filière asiatique”, Yah Lin Trie convoqué au district court à Washington. |
LA GRANDE-BRETAGNE, PREMIER ALLIÉ DES
ETATS-UNIS
En outre, Tony Blair s’est réjoui d’être l’hôte
de Blair House en face de la Maison-Blanche et il l’a dit aux lycéens
qu’il était allé visiter dans le Maryland, accompagné
de Bill Clinton et dont l’établissement était désigné
sous le nom de Blair de Montgomery. Vous comprenez que “je me sens un peu
chez moi ici.”
L’enthousiasme sans limites de Tony Blair s’est traduit au niveau de
plusieurs dossiers. Tout d’abord, celui de l’Irlande du Nord où
il s’est félicité de l’attitude de Clinton sollicitant, en
outre, le lobby américano-irlandais d’inciter l’IRA à poursuivre
la trêve qu’elle observe en Ulster.
Là où la machine a grincé, c’est lorsqu’il a fallu
aborder la question de la Libye, de l’Iran et de la loi d’Amato qui veut
interdire, sous menace de sanctions, les sociétés étrangères
qui investissent, pour un montant dépassant les 40 millions de dollars,
dans le secteur des hydrocarbures de ces deux pays. La Grande-Bretagne
y a des intérêts tout à l’opposé de ceux des
Etats-Unis.
Mais l’appui est massif et total aux Etats-Unis au sujet de la crise
irakienne. Tandis que la France, la Russie, la Chine et la quasi totalité
des pays arabes privilégient la voie diplomatique et réprouvent
le recours à la force en Irak, seule la Grande-Bretagne se déclare
prête à s’engager dans la guerre contre un pays qui, estime-t-elle,
pourrait anéantir la planète.
Selon un rapport du Foreign Office, les experts de l’UNSCOM sont parvenus
à détruire en Irak 38.000 armes chimiques, 48 missiles opérationnels,
30 têtes de missiles, 6 lanceurs de missiles, 680 tonnes d’agents
chimiques actifs et 3000 tonnes de précurseurs chimiques.
Mais la commission d’enquête des Nations Unies a en vain cherché
la trace de 600 tonnes d’éléments chimiques permettant la
fabrication de l’agent mortel VX dont “une seule goutte pourrait tuer et
200 tonnes exterminer la population de la planète”. “Si on ne le
met pas sous surveillance, Saddam Hussein peut fabriquer des armes chimiques
et bactériologiques en quelques semaines, des missiles de longue
portée en un an seulement et se doter de l’arme nucléaire
en cinq ans.”
Robin Cook, venu en tournée dans la région du Golfe,
a tenté de souligner les hauts risques encourus par le stockage
des armes chimiques et bactériologiques en Irak, où 78 sites
présidentiels échappent toujours aux inspecteurs. Tout en
partageant ces inquiétudes, les dirigeants arabes sont loin de créer
l’unanimité qui avait permis à George Bush de mener, en 1991,
l’opération “Tempête du désert”.
Le soutien logistique de la Grande-Bretagne aux Etats-Unis s’est exprimé
par l’envoi dans le Golfe d’une flotte navale et aérienne. L’ensemble
de l’arsenal guerrier se chiffre, aujourd’hui, à 400 avions de combat,
trois porte-avions que rejoindront bientôt 2200 marines supplémentaires.
Tandis que Bill Richardson, ambassadeur américain à l’ONU,
estime que “la diplomatie est à bout de souffle” et que les émissaires
russe et français poursuivent leur médiation, Bill Clinton
indique toujours ses préférences pour une solution négociée,
par l’accès sans conditions aux sites présidentiels irakiens
et la destruction totale des armes chimiques et bactériologiques.
“Si cette solution demeure hors d’atteinte, nous devons nous préparer
à passer à l’action et nous le sommes”. Dans la conférence
de presse conjointe tenue à la Maison-Blanche, Tony Blair a fermement
soutenu les propos de Clinton qui semblait mener jusque-là seul
le combat. Il a sollicité l’appui du Premier ministre australien,
a fini par recevoir celui du chancelier Helmut Kohl qui s’est déclaré
prêt à ouvrir l’espace allemand aux troupes américaines
en cas d’attaque contre l’Irak.
La nature de cette attaque ne fait toujours pas l’unanimité
aux Etats-Unis. Si la majorité des Américains y sont favorables,
le Congrès entend aller plus loin que la Maison-Blanche et en finir,
une fois pour toutes, de Saddam Hussein, de même que de ses sites-symboles,
sa garde républicaine, son ministère de la Défense.
La France privilégie toujours la voie diplomatique. Son ministre
des Affaires étrangères, Hubert Védrine soutient que
la commission d’experts de l’ONU s’est montrée bien plus efficace
que la guerre du Golfe au niveau de la destruction des armes irakiennes.
![]() Clinton et Blair: un café au bureau ovale. |
![]() Cherie et Hillary, deux avocates talentueuses et célèbres. |
LE “MONICAGATE” TOUJOURS SUR RAILS
A l’heure où la guerre se prépare sur tous les fronts
et que les émissaires défrichent la région du Golfe,
Bill Clinton n’en a pas fini avec les scandales présumés
ou réels qu’il traîne dans son second mandat.
Yah Lin Trie, dit “Charlie”, accusé d’être à l’origine
de la “filière asiatique” qui a permis de réunir des fonds
de l’ordre de 650.000 dollars, alimentant la dernière campagne présidentielle,
a refait surface après une disparition d’un an.
Américain d’origine taïwanaise, Charlie Trie, 49 ans, riche
homme d’affaires a été accueilli à l’aéroport
Washington-Dulles par des agents du FBI pour se présenter devant
la cour de justice et être relâché sous une caution
de 200.000 dollars. L’affaire conduite par le ministère de la Justice
est en cours et échappe au procureur indépendant Kenneth
Starr.
Starr est sujet à une contre-attaque menée par un avocat
de Clinton. David Kendall estime que les fuites sur l’affaire “Monicagate”
qu’il a distillées à la presse dans le but de faire pression
sur des témoins, peuvent faire l’objet d’une action en justice.
Starr sur la défensive mais, inflexible affirme: “Je ne cherche
que la vérité”. Tandis que Bill Clinton soutient toujours
avoir dit la vérité et n’avoir jamais menti. “Jamais”.
Dans ce que Kendall qualifie de “vaste conspiration”, Betty Curry, secrétaire
personnelle du président, a été appelée à
témoigner. Elle a pu affirmer que Clinton et Monica avaient été
seuls mais qu’elle n’avait rien vu d’autre. Quant à l’avocat de
Monica William Ginsburg qui commence à perdre patience, il sollicite
toujours l’immunité judiciaire pour sa cliente, afin qu’elle puisse
déposer “face à face” du grand jury. Il a même proposé
qu’elle se soumette au détecteur de mensonges.
Une affaire de mœurs qui devient une affaire d’Etat comme l’a voulu
la droite ultra-conservatrice; cela ne se passe qu’en Amérique.