ENTRETIEN AVEC LE MINISTRE DES AFFIRES SOCIALES AYOUB HMAYED:
"LE PARTI DONT JE ME RÉCLAME ŒUVRE EN FAVEUR DE LA PATRIE ET NON D'UNE COMMUNAUTÉ"

 
Le département ministériel dont il détient le portefeuille, couvre 40 à 50 pour cent des questions sociales, bien que ce département ne dispose pas du potentiel humain nécessaire, ni des crédits suffisants pour répondre aux besoins croissants des citoyens, surtout ceux de condition modeste et à revenu limité.
Il expose, chiffres et faits à l’appui, les activités du ministère des Affaires sociales dans les différents domaines relevant de sa compétence et de ses attributions.
Cependant, il ne limite pas ses déclarations à ce secteur et émet son opinion et celle du mouvement “Amal” dont il se réclame, à propos des problèmes de l’heure: à commencer par le cas Toufayli et son appel à la désobéissance civile, jusqu’à la Résistance, pour finir avec les élections municipales et présidentielles.

Le ministre des Affaires sociales répondant aux questions de notre collaboratrice.
 
• J’ai pu maintenir les prévisions budgétaires 
de mon département
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

• Oui aux mouvements revendicatifs, mais non 
aux procédés négatifs 
de leurs promoteurs
 

 

ACTIVITÉ POLYVALENTE 
A la question: “Votre ministère contribue, dans une large mesure, au règlement des problèmes de caractère social et combien nombreux sont-ils à l’heure actuelle. Comment procédez-vous pour les solutionner?”, M. Ayoub Hmayed reconnaît la multitude de ces problèmes et leur complexité, puisqu’ils englobent différents domaines: le développement social, l’analphabétisme, l’aide aux artisans et aux associations s’occupant des problèmes de la femme, de l’enfant, des personnes du troisième âge, les statistiques portant sur l’habitat, sans perdre de vue les services rendus aux handicapés, les problèmes de l’enfance, etc... 

- Considérez-vous suffisante l’assistance de votre ministère pour régler les problèmes sociaux au Liban? 
“Durant la guerre, le secteur privé a contribué à traiter tous les problèmes en l’absence des institutions étatiques. Après la fin des douloureux événements, le ministère des Affaires sociales, à l’instar des autres institutions étatiques, a repris ses activités, bien que son potentiel humain soit limité, nos fonctionnaires ayant besoin de s’initier aux techniques modernes dans le domaine de l’action sociale. 
“L’Office de développement social ne chôme pas, depuis qu’il dépendait du ministère du Travail; puis, du ministère de la Santé. Je ne prétends pas que mon département est en mesure de satisfaire tous les besoins, mais je peux assurer qu’il s’acquitte de ses lourdes responsabilités dans une proportion de 40 à 50 pour cent. Les ministères de la Santé, de l’Education, de l’Enseignement technique et professionnel couvrent une autre partie des besoins.” 

COORDINATION AVEC LES INSTITUTIONS SOCIALES 
- Comment s’effectue la coordination entre votre ministère et les institutions sociales, surtout celles dont les épouses des trois présidents assument la direction? 
“Nous coordonnons nos activités, non seulement avec ces institutions, mais avec 214 autres réparties sur tout le territoire libanais. Des commissions mixtes gèrent le volet financier, mais nous n’intervenons pas dans les détails, laissant ce soin à leurs cadres humains. 
“Nous nous limitons à coopérer avec les institutions et associations de caractère social, en veillant à ce qu’elles se conforment aux accords conclus avec leurs conseils exécutifs. Si elles les transgressent, nous leur adressons des mises en garde par l’intermédiaire de nos contrôleurs qui effectuent des visites périodiques aux institutions mentionnées, afin d’y assurer la régularité du travail et sa continuité dans les meilleures conditions. Faute de quoi, nous dénonçons l’accord signé avec l’association qui déroge à ses clauses.” 

- Le ministère des Affaires sociales envisage-t-il d’améliorer les conditions de vie et de détention des prisonniers? 
“Le problème des prisons fait l’objet de tractations entre les ministères de l’Intérieur et de la Justice, notre département ayant, pratiquement, un rôle modeste, limité à l’enfance et à la délinquance juvénile. 
“Quoi qu’il en soit, notre ambition est grande dans ce domaine, d’autant que nous avons commencé à faire face à la mendicité et au vagabondage, à travers une commission mixte comprenant des représentants des ministères de l’Intérieur, de la Justice et des Affaires sociales. 
“Au moyen de ladite commission, nous étudions ce phénomène qui a tendance à prendre de l’extension, à l’effet de le traiter d’une manière rationnelle. Du point de vue juridique, nous ne disposons d’aucun moyen pour traiter le cas des non-Libanais.” 

BUDGET D’AUSTÉRITÉ 
- Etes-vous satisfait des prévisions budgétaires de votre ministère et suffisent-elles à répondre aux besoins? 
“En 1997, j’ai pu augmenter les crédits de 4 milliards de livres. Cette année, il s’agit d’un budget d’austérité, mais je suis parvenu à convaincre la commission parlementaire des Finances de ne pas réduire, exagérément, le budget de mon ministère. Le Conseil des ministres s’est montré également compréhensif. D’autant que les ministères de l’Education, de l’Enseignement technique et professionnel n’ont pu assurer une place à tous les enfants en âge scolaire. 
“Quoi qu’il en soit, nous n’avons pu obtenir que 94 milliards de livres, sur les 120 milliards initialement prévus; 92 milliards sont destinés aux associations civiles, le reste devant couvrir les traitements des fonctionnaires et les dépenses administratives.” 

- Obtenez-vous une aide des organisations internationales concernées par les problèmes sociaux? 
“Nous ne recevons pas d’aide à titre de subvention, mais concluons des accords avec le Fonds des Nations Unies pour le développement, en vue de l’exécution de projets en rapport avec le développement social.” 

OUI AUX MOUVEMENTS REVENDICATIFS... 
L’entretien porte, alors, sur les problèmes de l’heure et M. Hmayed émet ces réflexions à propos du “mouvement des affamés” de cheikh Soubhi Toufayli (avant l’affrontement armé de ce dernier avec nos forces régulières): “Nous sommes avec ceux qui réclament un développement global équilibré dans toutes les régions, notamment celles de la Békaa et, spécialement, de Baalbeck-Hermel, de Jbeil, d’Iklim el-Kharroub. C’est pourquoi, nous comprenons les mouvements revendicatifs et protestataires, sans souscrire aux procédés négatifs auxquels pourraient recourir leurs promoteurs.” 

- Pourquoi n’avez-vous pas, en tant que ministre des Affaires sociales essayé de répondre aux besoins des habitants dans les régions mentionnées? 
“D’abord, mon affiliation est d’ordre national, bien que je sois chiite. Puis, en tant que membre d’un parti (Amal), nous œuvrons en faveur de l’homme au Liban, non d’une communauté ou une confession. Nous agissons aux fins de faire reconnaître leurs droits aux citoyens; nous pouvons réussir ou échouer dans notre action, mais cela ne doit pas nous porter à désespérer, sinon nous ne pourrions pas freiner la marche vers le chaos sur le plan intérieur.” 

POURQUOI “AMAL” ET LE “HEZBOLLAH” NE FUSIONNEraieNT-ILS PAS? 
- Pourquoi “Amal” et le “Hezbollah” ne formeraient-ils pas un front commun de résistance, du moment que leur objectif est le même? 
“C’est une bonne question qui devrait être adressée à d’autres que nous. Nous sommes favorables à une coordination entre les forces qui ont foi en ce que l’ennemi israélien ne peut être confronté avec la diplomatie silencieuse ou même active, mais avec le fusil. Aussi, avons-nous appelé en permanence à une rencontre et à une coopération avec toutes les parties, depuis le lancement des “bataillons de la Résistance libanaise” de “Amal”, alors que beaucoup parmi ceux qui brandissaient le fusil et optaient pour la lutte armée, ont changé de tactique”. 

- Les milieux du “Hezbollah” considèrent que l’absence de coordination, voire l’existence d’une émulation entre les deux “résistances” affaiblissent leur combativité. Qu’en pensez-vous? 
“Comme je l’ai déjà dit, nous sommes favorables à la coordination et à la coopération, preuve en est que nous avons prôné à plus d’une occasion l’unité de feu des résistants face à l’ennemi israélien”. 

- Pourquoi n’y a-t-il pas eu de réaction positive à l’égard du projet élaboré par le secrétaire général du “Hezbollah”, en ce qui concerne le ralliement aux “cellules de la Résistance”, du moment que vous êtes partisans de la coordination? 
“Nous tendons la main à nos frères du “Hezbollah”, en rappelant que nous avions lancé, précédemment, les “bataillons de la Résistance libanaise”, ceci répondant au souhait de notre peuple de déconfessionnaliser la Résistance, pour en faire un mouvement national libanais face à l’ennemi israélien”. 

LA LIBÉRATION N’EST PLUS LOINTAINE
- D’aucuns prévoient des changements au niveau régional qui pourraient se répercuter sur la situation intérieure au Liban, à commencer par la scène sudiste; quel est votre avis à ce sujet? 
“Il va sans dire que des changements sont prévisibles au niveau de la région, résultant de la politique de Netanyahu qui a bloqué avec son gouvernement le processus de paix. 
“Toujours est-il que l’action diplomatique de la part tant de la Russie, que de l’Europe, jointe à celle des Etats-Unis, débouchera sur un style différent par rapport à la paix. C’est pourquoi, nous croyons que la libération du Sud, de la Békaa ouest et du Golan n’est plus lointaine. Car le Liban et la Syrie ont prouvé par leur position commune et solidaire, qu’ils incarnent l’ambition des Arabes et leurs espoirs et, surtout, qu’ils sont dans le droit chemin, contrairement à ceux qui ont eu hâte de signer des accords séparés avec Israël”. 

- Comment imaginez-vous l’avenir de “Amal” en temps de paix: se transformera-t-il en parti politique ou bien persévèrera-t-il dans la résistance à des fins non locales? 
“Amal a porté les armes dans le cadre des “bataillons de la résistance libanaise” pour faire face à l’occupant israélien. Lorsque l’ennemi évacuera notre territoire, notre mouvement n’aura plus besoin d’agir sur le terrain, alors que l’Etat et ses forces régulières assureront la défense du territoire et des frontières. A ce moment, les “bataillons de la résistance libanaise-Amal” se tiendront aux côtés des forces de sécurité et leur apporteront leur appui moral et, si cela est nécessaire, ils les soutiendront avec le sang”. 

NOUS DÉSARMERONS NOS “BATAILLONS” APRÈS LE RETRAIT ISRAÉLIEN 
- Le chef de l’Etat a déclaré à “La Revue du Liban”, récemment, qu’en cas de retrait israélien, l’Armée se déploiera jusqu’aux frontières libanaises internationalement reconnues et il sera procédé au ramassage des armes dans toutes les régions du pays... 
“C’est un fait naturel. Quand les forces israéliennes se retireront du Sud et de la Békaa ouest, les gens n’auront plus besoin de garder leurs armes, sauf pour leur défense personnelle, en vertu de permis délivrés en bonne et due forme par l’Etat libanais, car les forces régulières seront responsables de la sécurité des citoyens”. 

- La position du “Hezbollah” à ce sujet sera-t-elle pareille à la vôtre? 
“Cette question doit être posée au “Hezbollah” et nos frères de ce parti ne sont pas moins soucieux que nous de préserver l’intérêt du Liban. Je crois qu’ils adopteront la même attitude”. 

NON À LA DÉMAGOGIE 
- Lors du débat sur l’audiovisuel, vous vous êtes opposé à la transmission de nos démêlés internes à l’étranger: notre linge intérieur est-il à ce point sale pour en avoir honte? Et quelle est la vérité des scandales dont on parle tant? 
“Le sujet doit être maintenu en dehors de la démagogie. Partant de là, nous sommes pour la liberté d’expression jusqu’à l’extrême limite, la Constitution consacrant cette liberté, autant que la liberté de croyance. 
“Cependant, nous ne tolérons pas les excès, car nous vivons dans la même maison et tout ce qui affecte l’un de nous se répercute sur l’autre. Je crois que tous sont jaloux de notre indépendance, de notre souveraineté et de la préservation de nos institutions. C’est pourquoi, il nous faut agir en conséquence”. 

- Peut-on déduire de vos propos qu’il existe, effectivement, un linge sale et des scandales? 
“Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. J’ai voulu parler simplement de l’émission, par satellite, des programmes politiques. Mais nous ne voyons pas l’utilité de la diffusion à l’étranger de faits pouvant porter préjudice au Liban”. 

- Vous avez été l’un de ceux qui ont douté de l’organisation des élections municipales et présidentielles; êtes-vous toujours du même avis? 
“Je ne vis pas dans ce climat. La présence des institutions étatiques dans les municipales et les préparatifs du scrutin, ne supposent pas l’élection d’un nouveau président de la République et ne dépendent pas de l’échéance présidentielle, cette dernière étant du ressort de la Chambre des députés et du rôle du Législatif, uniquement.” 

QUID DES MUNICIPALES ET DES PRÉSIDENTIELLES? 
- On constate, toutefois, que les membres de l’Assemblée sont plus intéressés que le peuple par les élections municipales... 
“Pour être équitable, je dirais que certains veulent placer l’échéance municipale dans ce cadre, leur objectif véritable étant de porter atteinte à la Chambre des députés et à son degré de représentativité. 
“Or, le peuple qui nous a élus est digne de respect et d’estime; aussi, avons-nous pleine confiance dans le niveau de son éveil avec lequel il exerce son devoir d’électeur”. 

- Vous attendez-vous à la reconduction du mandat présidentiel ou à l’élection d’un nouveau chef de l’Etat? 
“Je crois que beaucoup ont profité de l’expérience passée pour être plus réservés en parlant de cette échéance”. 

- L’insistance du président Hraoui à s’opposer à une seconde reconduction de son mandat, signifie-t-elle que la prorogation n’est plus possible? 
“L’échéance présidentielle comporte des facteurs internes et externes. Autrement dit, il ne s’agit pas d’une question purement intérieure, celle-ci ayant toujours été influencée par des facteurs extérieurs.” 

- La dernière fois, la Syrie était le seul électeur extérieur; croyez-vous que les Etats-Unis seront associés, cette fois, dans le choix du président libanais, d’autant plus que nous voyons de nouveau une présence américaine qualitative au Liban? 
“Il s’agit moins d’une présence qualitative, que d’une tentative d’améliorer l’image de cette présence et de ce rôle. En dépit de la visite de Mme Albright, de la réouverture du consulat US et du survol de certaines régions du Sud et du littoral, je pense que la présence et le rôle syriens auront plus d’impact par rapport à l’unité des Libanais et à la consolidation de l’action dans la bonne direction au cours de toutes les étapes futures.” 

 
 
Propos recueillis par HOUDA CHÉDID

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