LA CABALE ANTI-GOUVERNEMENTALE GAGNE EN AMPLEUR ET S'ENVENIME...
HARIRI ACCUSÉ DE VIOLER LE "PRINCIPE DU DÉVELOPPEMENT ÉQUILIBRÉ",
BASE DE LA STABILITÉ POLITICO-SOCIO-ÉCONOMIQUE

 La campagne anti-gouvernementale ne cesse de prendre, chaque jour, plus d’ampleur. Elle n’est pas déclenchée, uniquement, par les membres de l’Assemblée et, en particulier, par les opposants parmi eux. Certains membres du Cabinet se joignent, maintenant, aux détracteurs du Premier ministre et c’est là où réside le danger.
 

M. Rafic Hariri.

M. Hussein el-Husseini.

M. Salim Hoss.
 

M. Nassib Lahoud.

M. Boutros Harb.

En dépit de cela, l’équipe ministérielle reste en place, sans changement, ni remaniement. La conjoncture régionale, dit-on, n’y est pas favorable. Hier, c’étaient les négociations de paix sur les volets palestino-israélien, syro-israélien et israélo-libanais. Aujourd’hui, on invoque la crise irako-américaine et l’éventuelle frappe US, soutenue par la Grande-Bretagne et d’autres pays alliés.
Pourtant, les opposants sont devenus légion et jouissent d’une large assise populaire, du point de vue politique, naturellement. Ce qui affectera la crédibilité du Cabinet haririen, à plus ou moins brève échéance.
L’opposition avait, tout d’abord, comme chefs de file les députés Najah Wakim et Zaher el-Khatib. Ils devaient être rejoints par Mohamed Abdel-Hamid Beydoun, Nassib Lahoud et Mme Nayla Mouawad.

L’OPPOSITION FAIT BOULE DE NEIGE
Maintenant, elle compte dans ses rangs des ténors de la Chambre et de la classe politique: Walid Joumblatt, ministre des Déplacés et son bloc parlementaire; les présidents Hussein Husseini, Salim Hoss, Omar Karamé, Issam Farès, Mohamed Youssef Beydoun, Boutros Harb, Pierre Daccache, etc...
Tammam Salam vient de se prononcer en faveur d’un changement gouvernemental, “parce que le Cabinet Hariri a perdu beaucoup de sa crédibilité”. Il faut y ajouter les députés qui adoptent une position intermédiaire, ceux-ci n’étant pas satisfaits de la gestion gouvernementale, mais ne poussent pas leur grogne jusqu’à l’attaquer, sauf entre quatre murs.
Ainsi, M. Issam Farès s’est demandé, mercredi dernier, comment le gouvernement peut faire œuvre utile, alors qu’il se trouve en mauvaise posture. “Le président du Conseil dit que ce Cabinet n’est pas le mien! Un ministre - celui des Affaires rurales et municipales - a présenté sa démission depuis plusieurs mois et il ne lui a été donné aucune suite jusqu’ici. Un autre laisse entendre qu’il choisira le moment propice, avec l’un de ses collègues, pour résigner leurs charges officielles.

LES MINISTRES-OPPOSANTS REFONT SURFACE...
“Enfin, des membres du gouvernement votent contre ce dernier à la Chambre, surtout, lors de la ratification du projet de budget...
“Des délégations officielles se rendent à l’étranger à l’insu des instances dont elles relèvent et sans coordination avec les autorités étatiques, ce qui surcharge le Trésor de dépenses non prévues par la loi de finances...”
Le député du Akkar déplore, aussi, le gaspillage et l’improvisation avec laquelle sont élaborés certains projets de lois et plans de développement, citant notamment celui des 150 milliards de livres - (qui a été porté à 991 milliards), sans qu’on soit fixé sur les sources de financement. “Ceci ne contribue nullement à réduire le déficit budgétaire; encore moins à promouvoir une politique de développement rationnelle, celle-ci exigeant de nouveaux impôts et taxes que le peuple n’est plus en mesure de supporter.”
M. Farès préconise, en conséquence, un dialogue à l’échelle nationale, à l’effet de jeter les bases d’une action en profondeur, destinée à redresser la situation au double plan socio-économique, “car, soutient-il, l’endettement à outrance et les nouvelles charges fiscales grèvent les citoyens dans leur ensemble, plus précisément la classe laborieuse.”

ÈRE DE L’IMPROVISATION
C’est, peut-on dire, l’ère de l’improvisation; preuve en est, le projet des 150 milliards de livres destiné à financer le plan de développement de la Békaa, aux fins de traiter les séquelles de la “révolte des affamés”. Ce plan a été remplacé, la semaine dernière, par un autre plus coûteux, puisque son exécution requiert des crédits de l’ordre de 991 milliards, le Liban-Nord, le Mont-Liban et la Békaa devant en bénéficier. Mais où obtiendra-t-on l’argent nécessaire? Sans doute en recourant à de nouveaux emprunts.
Le président Nabih Berri ne cache pas son désappointement de la façon d’agir du chef du gouvernement, tout en blâmant,  également, le chef de l’Etat, pour avoir soumis au Conseil des ministres des projets et des textes de lois sans l’en informer au préalable ou sans prendre son avis à leur sujet. L’affaire Toufayli a constitué la goutte qui a fait déborder le vase, celle-ci ayant été déférée à la Cour de justice sans que le chef du Législatif soit consulté.
La fête de Saint-Maron est venue à temps pour atténuer le début de tension qui commençait à caractériser les rapports entre Baabda et Aïn el-Tiné. Les chefs de l’Etat et du Législatif devaient, en effet, s’entretenir dans le cadre de leur rencontre hebdomadaire qui avait été différée de 24 heures...

CONFRONTATION HARIRI-HUSSEINI
Le président Hussein Husseini, auquel le Premier ministre a répondu en termes quelque peu désobligeants, attend le retour de ce dernier des multiples voyages, pour lui dire les quatre vérités, au cours d’une conférence de presse. A commencer par le rôle, quelque peu ambigu, joué par M. Hariri à la réunion de Taëf, où il a préparé le terrain à son accession au Pouvoir, œuvrant à l’effet de rapprocher les vues des principaux antagonistes.
Cependant, le fait pour le président du Conseil de s’en prendre à ses détracteurs, en dépit des conseils de modération prodigués par Damas, dévoile son intention de provoquer un changement ministériel, dans le but d’exclure de son équipe - s’il est chargé de former le nouveau Cabinet - les “ministres frondeurs”.

DÉMISSION DE JOUMBLATT?
Entre-temps, M. Walid Joumblatt a laissé entendre qu’il pourrait démissionner avec son collègue de l’Environnement “au moment opportun”.
Le ministre des Déplacés a décoché ses critiques venimeuses au Premier ministre, qualifiant de “piège” son ”plan de développe-ment” (plan de 991 milliards), “car celui qui porte en main une grosse pierre ne s’en sert pas.”...
Il a dit encore que “ce projet a pour but de provoquer des dissensions interrégionales et de faire profiter la coterie des gouvernants.”
Ainsi, le gouvernement Hariri aura subi deux revers en moins d’une semaine: Primo, suite au rejet de son ”plan de développe-ment” par les ministres se réclamant de “Amal”. Secundo, par les attaques inopinées déclenchées par M. Joumblatt.
Conformément à la décision qu’il a prise de répliquer à ses détracteurs, M. Hariri a riposté en termes autant violents que sarcas-tiques au ministre des Déplacés, mettant ainsi fin au “pacte sacré” qu’il avait conclu avec le “maître de Moukhtara”, lequel vient de tendre la main aux partis (chrétiens), rendant visite, successivement, au PNL aux Kataëb, au Bloc national, après avoir conféré avec un porte-parole du courant aouniste.
Ce rapprochement joumblattiste aurait-il, uniquement, pour but de préparer la voie à la constitution de listes de coalition aux élections municipales, ou constitue-t-il un prélude à la mise sur pied d’un large front politique d’opposition?
Les observateurs s’attendent à une confrontation acharnée entre M. Hariri et les ministres qui n’hésitent plus à le prendre à partie, publiquement, l’accusant de violer le “principe du développe-ment équilibré” que la Consti-tution (de Taëf) considère comme la base de la stabilité politico-socio-économique.
 

NADIM EL-HACHEM


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