Tout
le monde, le monde entier l’aura vue, que ce soit sur les pages des journaux
ou sur les écrans des télévisions: l’image de MM.
Clinton et Blair rigolards. Cette image a été saisie au moment
où M. Clinton et M. Blair pénétraient ensemble dans
la salle des conférences de presse de la Maison-Blanche. Pourquoi
riaient-ils? On ne l’a pas su; mais c’est à ce moment même
que, parvenus à leurs pupitres respectifs, ils ont annoncé
à l’univers qu’ils étaient décidés, tout à
fait décidés, à bombarder l’Irak.
Il y avait, en effet, de quoi être joyeux. On partait en guerre,
la fleur au chapeau... Mais de là à rire?...
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Au moment où nous écrivons ces lignes, le “suspens” persiste.
Bombar-dera, bombardera pas?
Toute cette armada anglo-américaine rassemblée dans le
Golfe, à laquelle on adjoint tous les jours de nouvelles unités
et des escadrilles de chasseurs-bombardiers et de “marines” comme s’il
n’y en avait pas déjà assez pour effacer l’Irak de la surface
du globe, n’a pas été réunie là pour un simple
exercice militaire.
C’est bel et bien une opération de guerre.
Une guerre de deux géants contre une population désarmée.
On l’avait déjà triomphalement proclamé, en 1991,
après le succès (facile) des opérations menées
alors pour délivrer le Koweit: l’Irak a perdu ses capacités
militaires.
Et alors qu’on pouvait dans cette lancée éliminer Saddam
Hussein, on l’avait sauvé... pour recommencer aujourd’hui, en précisant
bien d’ailleurs, que le but ne serait pas de le supprimer (Clinton dixit);
mais de détruire ses derniers stocks d’armes cachés et de
poursuivre, ensuite, les inspections, parce que les résolutions
de l’ONU l’exigent. Or, tant que Saddam Hussein est au pouvoir, il est
bien évident que les Etats-Unis ne seront jamais rassurés.
Une capacité militaire peut toujours être reconstituée
et Saddam Hussein s’y emploiera, s’il le peut. Dès lors, les inspections
continueront et l’embargo qui en est le corollaire obligé et ses
conséquences humaines.
C’est une histoire sans fin.
***
Ainsi, il semble bien, si l’on veut trouver une explication à
cet harcelèment américain, que l’Irak n’est finalement qu’un
prétexte pour maintenir une présence militaire américaine
en Proche-Orient, consolider une alliance militaire, de fait ou de droit,
entre les Etats-Unis et les monarchies du Golfe qu’on s’ingénie
à apeurer et continuer à surveiller de près l’Iran.
Le pétrole n’est pas seul en cause. L’Amérique n’est
pas le premier client des pétroles du Golfe; elle ne l’est que pour
18% de ses besoins. C’est la protection d’Israël qui est prioritaire.
M. Butler, le chef de la commission d’inspection de l’ONU en Irak, avait
laissé échapper à ce sujet une réflexion suffisamment
significative sur laquelle il avait dû revenir devant le tollé
qu’il avait soulevé: Tel-Aviv pourrait être entièrement
détruit par un missile irakien, prévenait-il. Et M. Netanyahu
en a profité aussitôt, malgré les démentis de
M. Butler, pour proférer des menaces contre l’Irak (sans oublier
l’Iran qui pourrait être sa prochaine cible).
Sur ce, le gouvernement anglais a fait de la surenchère: les
armes biologiques de l’Irak peuvent détruire l’humanité,
a annoncé le Foreign Office.
Tout ce qui est exagéré ne compte pas, avait dit jadis
un diplomate célèbre. Mais la diplomatie britannique semble
avoir perdu l’habitude de la litote.
Aujourd’hui, on est en pleine hystérie guerrière. Et
le Russe qui s’emploie pourtant à calmer le jeu, a pu pousser les
enchères jusqu’à prévoir une troisième guerre
mondiale si les Anglo-Américains mettaient leurs menaces à
exécution.
Cela n’a pas empêché M. Clinton et M. Blair, en pleine
crise de fou rire, d’annoncer qu’ils iraient jusqu’au bout.
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Que veut-on réellement: La paix ou la guerre?
Quiconque doté d’un minimum de bon sens vous dira que la cause
du surarmement des pays du Proche-Orient remonte à 1955 provoqué
par les dérobades d’Israël à toute formule de conciliation
et de paix et par son agression de 1956 contre le canal de Suez; il suffirait
que cet Etat accepte de se plier à la loi internationale, pour que
la paix devienne possible, ainsi que le désarmement et le début
d’une ère de développement humain et de confiance.
L’Amérique s’est trompée d’objectif ou alors elle a choisi
de jouer sur les tensions pour continuer d’exercer dans cette région
un impérium militaire, quitte à empêcher, pour longtemps
encore, les régimes politiques des pays du Proche-Orient d’évoluer
vers une forme de démocratie et de respect des droits de l’homme.
Car cette politique américaine ne fait que paver la voie aux violences
populaires, au fondamentalisme juif et islamique et à l’extension
des aires d’insécurité, à la répression et
à l’instabilité.
Eh! bien non, il n’y a pas de quoi rire. |
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