Bloc - Notes

Par ALINE LAHOUD  
 

QUI SE BAT POUR SURVIVRE?

Curieux temps où nous voyons un Juif, le combien célèbre violoniste Yehudi Menuhin, faire entendre la voix de la raison à celui qui, à la Maison-Blanche, se prétend la conscience du monde et ne s’est révélé, à l’usage, que la caisse de résonance de Benjamin Netanyahu.
Yehudi Menuhin, ou plutôt lord Menuhin vient, en effet, de lancer un pressant appel à Bill Clinton et Tony Blair les conjurant d’éviter la guerre et les invitant à “exiger à la fois le démantèlement des armes de destruction massive irakiennes et israéliennes. Nous avons de puissantes forces de dissuasion financières et militaires et la capacité d’aider les pauvres peuples qu’on a trompés, en exerçant notre plus grande pression pour que Jérusalem devienne la capitale conjointe de deux peuples et une zone garantie par les trois principales religions sémitiques. Ce n’est que de cette façon que la guerre pourra être évitée... Cela contribuera à rétablir le prestige des Etats-Unis et leur crédibilité au Moyen-Orient”...
Ce dont apparemment Clinton s’en fiche. En effet, depuis Truman, les présidents américains (à part peut-être Eisenhower) ont tellement mariné dans le jus sioniste qu’ils ont fini, non par agir suivant une ligne politique logiquement structurée, mais à réagir - comme le chien de Pavlov - selon un réflexe conditionné et actuellement conditionné par Israël. Pour tout dire, Bill Clinton et son équipe de va-t-en-guerre donnent nettement l’impression de n’être plus en phase avec la réalité et d’avoir besoin d’une sérieuse remise à niveau.
La question serait de savoir si l’actuel occupant du Bureau Ovale, en provoquant - sans justifications majeures - cette spirale de la violence, se propose simplement de débarrasser ses amis sionistes de la menace irakienne (déjà réduite à sa plus simple expression), ou si ses motifs sont moins altruistes, l’Oncle Sam nous ayant habitués aux scénarios-catastrophes et aux coups tordus de la CIA.
Tout porte à croire que matraquer l’Irak n’est pas seulement destiné à gratter Netanyahu là où ça le démange, mais surtout à servir les intérêts stratégiques des Etats-Unis et à soulager la pression que le Monicagate exerce sur Clinton lui-même jusque dans sa chambre à coucher.
Pour ce qui est des intérêts des Etats-Unis, il n’est pas besoin d’être un fin politologue pour les soupçonner. D’abord, sonner le tocsin à travers la planète et crier à l’assassin, permet aux Américains d’imposer leur présence physique dans le Golfe, alors que sans la menace Saddam, elle n’aurait été ni tolérée ni même envisagée. Ensuite, cela leur offre une occasion en or (c’est le cas de le dire) pour drainer les pétrodollars arabes vers l’escarcelle américaine, en poussant les pays de la région - à force d’agiter sous leur nez la menace du croquemitaine irakien - à se précipiter pour acheter la panoplie entière d’armes tellement sophis-tiquées, qu’il faille des instructeurs américains pour faire semblant de leur apprendre à s’en servir.
De plus, Washington veut persuader les monarchies du Golfe, puisqu’il les défend contre l’Irak, qu’elles ont l’obligation de payer les frais de la guerre. Une guerre aventureuse qui serait sans aucun doute un désastre de première grandeur pour l’Irak mais, aussi, un coup de massue pour les Etats de la région s’ils devaient la financer. Déjà, la première guerre du Golfe avait coûté 60 milliards de dollars à l’Arabie séoudite et 100 milliards au Koweit. En outre, ces deux pays, pour la première fois depuis la découverte du pétrole sur leur territoire, ont été contraints de contracter des emprunts sur le marché international, avec un déficit budgétaire de 32 milliards pour l’Arabie séoudite et de 26 milliards pour le Koweit.
Une autre raison et non des moindres, explique la hâte que met Clinton à battre avec une telle frénésie les tambours de la guerre, c’est de détourner sa propre opinion publique et le Congrès US - où les démocrates sont en minorité - du fameux “monicagate”, dénommé aussi par les journaux “zippergate”.
Infortuné Clinton. Il aurait eu tout intérêt à vivre en France où le défunt président François Mitterrand avait exhibé, sans sourciller, maîtresse et fille naturelle sans s’attirer le moindre regard de travers. Malheureusement pour le président US, en Amérique, pays puritain par excellence, ses galipettes entre deux portes à la Maison-Blanche et ses dénégations risquent s’il est convaincu de mensonge, de lui valoir une procédure d’”impea-chment”. Autrement dit, le Congrès pourrait fort bien le prier d’aller se rhabiller en le destituant purement et simplement. Ce qui, pour le président des Etats-Unis, fait de la Monica en question quelqu’un d’infiniment plus dangereux que Saddam Hussein. Comme l’a dit un député communiste français: “Il est triste que le sort du monde soit suspendu à la braguette de Clinton”.
Pour en revenir à Yehudi Menuhin, tout cela prouve, hélas! si prestigieux que soit cet artiste de génie, que son appel demeurera “une voix qui crie dans le désert”. Il reste que ce peuple juif (ne pas confondre juif et sioniste) qui a donné tant de grands prophètes, tant de savants, tant d’artistes fabuleux, peut offrir le meilleur et le pire. Le meilleur du meilleur, un Yehudi Menuhin, le pire du pire, un Benjamin Netanyahu.

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