Dénonçant la politique du Sérail faite d’improvisation Boutros Harb: “Le Cabinet Hariri a fait faillite et nous réclamons sa démission, pour ne pas être de faux témoins”

   
 
 
 
 

• Bien que non encore décisif, le changement dans la majorité est très significatif  
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

• L’opposition est en pleine confrontation avec le Cabinet  

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 

 

 





Ancien ministre de l’Education nationale et des Travaux publics, Boutros Harb a été élu député, pour la première fois, en 1972. En 1992, il boycotte les législatives mais décide, en 1996, d’y participer et réintègre l’hémicycle en tant que représentant du caza de Batroun (Liban-Nord). 
Aujourd’hui, il est l’un des ténors de l’opposition parlementaire et tire à boulets rouges sur le gouvernement et son chef surtout, réclamant son départ. Il fait assumer à la présente équipe une faillite totale sur le plan politique, économique et social, qualifiant la situation de “grave” et dénonçant l’improvisation dans la gestion ministérielle. 
De plus, il affirme son attachement aux municipales, se prononce en faveur du mariage civil facultatif, critique la loi sur l’audiovisuel, qui “menace les libertés” au Liban, s’insurge contre la lenteur mise à résoudre le dossier des déplacés, tout en mettant en relief le rôle positif de l’opposition. 
IMPROVISATION ET ABSENCE DE PLANIFICATION 
- Au lendemain du vote de la loi de finances, le groupe de la “Rencontre nationale parlementaire”, dont vous êtes membre, semblait déterminé à présenter un recours en invalidation de la loi devant le Conseil constitutionnel. Par la suite, vous vous êtes apparemment rétractés. Etes-vous toujours décidés à le faire? 
“Il est certain que nous sommes en pleine confrontation politique avec le gouvernement, car nous ne croyons pas du tout en la politique qu’il est en train de suivre. D’ailleurs, nous nous demandons même s’il en a une, à part celle de l’improvisation, de la non-politique et de la non-planification. Mais ceci ne veut pas dire que nous sommes déjà au stade où nous pouvons nous permettre de faire de l’art pour l’art et de créer une situation chaotique dans le pays ou de vide, sur le plan législatif. 
“Pour cela, nous sommes d’accord au sein de notre groupe parlementaire sur le fait que, s’il y a certains articles importants entachés d’inconstitutionnalité, il faudra les attaquer devant le Conseil constitutionnel, mais nous ne voulons pas attaquer la totalité du budget.” 
- Pourquoi ce retard à prendre une décision, sachant que la loi a été publiée au Journal officiel le 6 février, alors que le délai pour la présentation d’une demande d’invalidation expire le 21 du mois courant? 
“Il ne s’agit pas d’hésitation. Mais au sein de notre groupe, il y a deux attitudes: l’une considère que les dérogations constitutionnelles ne sont pas graves au point de justifier un recours au C.C.; l’autre parmi laquelle je figure, juge que certains articles du budget 98 ont fait l’objet de vives controverses lors du débat parlementaire (dont l’article 6) et nécessitent un recours au C.C. pour obtenir leur annulation. 
“D’ailleurs, nous avons préparé une étude juridique et constitutionnelle sur la question et prendrons une décision, lors de la réunion du groupe le lundi 16 février.” 
NDLR: Cette question a été posée avant le lundi 16. Le groupe de la “Rencontre parlementaire” a décidé, ce soir-là, de ne pas s’associer au recours en invalidation du budget, mais de tenter de bloquer le projet d’emprunt de 2 milliards de dollars. 

POUR UN CHANGEMENT GOUVERNEMENTAL 
- Avez-vous l’espoir d’obtenir les dix signatures requises à une telle requête? 
“La difficulté n’est pas à ce niveau. Nous avons plutôt un problème avec l’autre groupe parlementaire qui envisage d’attaquer, lui, la totalité de la loi de finances, d‘après une étude juridique préparée par Me Hassan Rifaï. Or, nous ne sommes pas d’accord avec ce groupe.” 
- Le budget a été voté à une faible majorité. Qu’est-ce que cela signifie, politiquement? 
“Le budget reflète la politique économique, sociale et monétaire du gouvernement. En 1997, ce projet de loi avait obtenu cent votes favorables contre onze négatifs. 
“En 98, cinquante-neuf députés l’ont approuvé contre trente refus explicites, dont vingt-et-un non et neuf abstentions. 
“Cette chute libre vis-à-vis de la politique gouvernementale veut beaucoup dire. Le changement dans la majorité n’est, peut-être, pas encore décisif, mais il est déjà, très significatif.” 
- Etes-vous de ceux qui réclament un changement gouvernemental? 
“Au départ, je n’avais pas accordé la confiance à ce gouvernement, car je ne croyais pas en sa possibilité d’honorer sa déclaration ministérielle et ses engagements. Aujourd’hui, mes appréhensions sont plus que jamais confirmées: l’échec est absolu et c’est une faillite extraordinaire. 
“Le gouvernement se contente de donner des calmants aux citoyens, car il n’a pas les moyens de résoudre les problèmes qu’il a lui-même créés. Il “s’oxygène” de temps à autre, en recevant un dépôt séoudien de 600 millions de dollars, ou koweitien de 100 millions, sans plus.” 

NE PAS ÊTRE DE FAUX TÉMOINS 
- Les possibilités d’un changement gouvernemental sont quasi-nulles à l’heure actuelle, à en croire les déclarations au plus haut niveau! Que faire? 
“Les possibilités de changement sont très minimes, mais si nous ne réclamions pas sa démission, nous serions de faux témoins. Au nom du peuple, nous demandons à cette équipe de s’occuper de ses affaires personnelles et de céder la place à une autre capable de faire œuvre utile, à travers une politique transparente et un plan d’action clair et rationnel.” 
- Les décisions ne sont pas en fait entre les mains des Libanais, mais des “décideurs”. A quoi mènerait un changement gouvernemental, s’il était possible à réaliser? 
“Même si quelques décisions sont prises d’avance par les “décideurs”, visibles et invisibles, la majorité des décisions reviennent aux Libanais. L’opposition a son mot à dire et a réussi à changer plus d’une décision officielle. 
“Pour cela, quel qu’il soit, un changement gouvernemental est préférable, car il produira un changement de mentalité, de style, de plan, de conception et de politique.” 
- Même si Hariri succédait à lui-même? 
“Pas avec une équipe pareille à la sienne, prête à exécuter ses ordres à l’aveuglette. Si Hariri devait revenir au Sérail pour une raison ou une autre, c’est la formation du cabinet qui est importante. Lorsque M. Hariri ne disposera plus d’une majorité écrasante de “ministres” acquis à sa cause, mais de personnes capables de dire “oui” ou “non”, selon leur conviction, il y aura un espoir de changement.” 

MUNICIPALES: LE GOUVERNEMENT EST COINCÉ 
- Venons-en aux municipales. Vous étiez de ceux qui ont refusé le principe des nominations, lors du vote du projet de loi relatif aux municipalités. Puis, suite à une déclaration, il semblait que vous aviez fait volte-face, pourquoi? 
“C’est la “dactylo” qui l’a insinué dans un but qui n’échappe à personne. 
“Lors du débat parlementaire sur cette question, l’opposition tout en refusant le principe des nominations, avait proposé un nombre déterminé de candidats ou de sièges par quartiers dans les grandes villes et régions délicates, en vue d’assurer une véritable représentativité des citoyens. 
“A Beyrouth, par exemple, on déterminerait, le nombre de sièges pour les quartiers d’Achrafieh, de Basta, de Ras-Beyrouth, de Médawar... 
“Cette proposition a été rejetée. Par la suite, lors d’une visite au président de la République, j’ai suggéré, de revenir à cette idée. 
“Dans la loi sur les élections municipales qui a été votée, il est dit que, dans les municipalités qui englobent plusieurs villages à la fois, lors de la convocation des citoyens au vote, le ministre de l’Intérieur détermine le nombre de sièges par villages. J’ai proposé au chef de l’Etat d’ajouter un terme à la loi pour que le principe de la détermination des sièges englobe, aussi, les quartiers dans certaines grandes villes. Je n’ai pas du tout parlé de nominations. Mais on a, volontairenent, déformé ma proposition pour porter atteinte à la crédibilité de l’opposition. C’est tout simplement malhonnête.” 
- Reste à savoir si les municipales vont avoir lieu, au mois de mai? 
“L’opposition a mené une vaste campagne avec les citoyens pour aboutir aux municipales et acculer le gouvernement à les organiser dans le délai prévu. Il ne faut pas oublier que nous nous sommes adressés au Conseil constitutionnel pour abroger une loi prévoyant l’ajournement du scrutin. Je crois que le gouvernement est coincé et le ministre de l’Intérieur en est  conscient. Je suis même désolé de dire qu’il a été à deux reprises dupé par le Cabinet et placé dans une situation embarrassante. 
“Les chances sont grandes, cette fois, quoique la réserve de 1% formulée dans les milieux loyalistes, qui ne sont pas très enthousiastes pour ces élections, ne rassure guère. Le 1% l’emportera-t-il sur les 99%? Les semaines à venir nous le diront.” 

LA CRISE IRAKIENNE ET SES IMPLICATIONS 
- On entend, surtout, dire que d’une part, la crise irakienne et l’échéance présidentielle, de l’autre, pourraient renvoyer une fois de plus ces élections? 
“Si le gouvernement est réellement décidé à les organiser, elles auront lieu. Sauf si la question de l’Irak va s’avérer beaucoup plus grave qu’on le pense. Certaines analyses parlent d’une catastrophe qui secouerait toute la région et entraînerait une partition de l’Irak en trois Etats, ce qui pourrait menacer l’unité de tous les pays du Proche-Orient.” 
- Quelle est votre perception de la crise irakienne? 
“Je crois, très objectivement, que le président Saddam Hussein est en train de commettre de nouveau une grosse erreur, en exposant son peuple à d’autres mesures de représailles. Nous suivons avec beaucoup d’inquiétude les souffrances du peuple irakien, le drame poignant des enfants qui meurent par manque de médicaments et de nourritures. 
“Cela ne veut pas dire, pour autant, que l’attitude de l’Occident et de l’Amérique se justifie. Elle l’aurait été si la politique des Etats-Unis et des Nations Unies exigeaient, partout ailleurs, l’application stricte des résolutions du Conseil de Sécurité, tel que cela est demandé à l’Irak. Exiger d’Israël, par exemple, son retrait inconditionnel du Liban-Sud en application de la 425 et du Golan par l’application des 242 et 338. Or, les pays sont traités de façon inégale, non pas en fonction des normes internationales, mais des intérêts des grandes puissances.” 

VERS UNE CATASTROPHE POLITIQUE ET SOCIO-ÉCONOMIQUE 
- Etes-vous pour l’adoption du mariage civil facultatif? 
“Oui, absolument. Tout en étant un chrétien croyant et pratiquant, je suis pour la laïcité aux plans politique et social. D’ailleurs, au sein de la société libanaise, aussi bien du côté chrétien que musulman, on assiste à une certaine ouverture à des formules nouvelles. Avec le temps, si elles sont adoptées de façon facultative, elles contribueront, progressivement, à consolider l’union nationale, à faire prévaloir l’appartenance à la citoyenneté.” 
- Concernant la situation socio-économique on entend, de plus en plus, dire que les mesures adoptées sont improvisées. Est-ce vrai? 
“Pour ma part, à un certain moment, j’avais accordé à Hariri beaucoup plus de crédit qu’il mérite, croyant qu’il avait un grand projet. 
“J’ai découvert, par la suite, que je me trompais. Hariri a une politique, oui, mais faite d’improvisation. Il se limite à exécuter des projets avec une mentalité d’entrepreneur et non de chef de gouvernement.” 
- Où cela va-t-il nous mener? 
“La situation est grave. Pour cette raison, je suis contre le Cabinet. Sur le plan humain, je n’ai rien contre le personnage. C’est une personne avenante entretenant d’excellentes relations sociales, mais n’a pas la patience du politicien, son “open-minded” et son acceptation du dialogue. 
“La situation présente peut nous mener à une catastrophe politique, économique et sociale. M. Hariri devrait, soit changer d’attitude, pour adopter une politique transparente, soit rendre le tablier.” 

HARIRI N’A PAS LE SENS DE LA CRITIQUE 
- L’argument de taille de M. Hariri est le suivant: l’opposition me critique, mais ne propose rien en contrepartie. 
“Ce n’est pas vrai! Nos critiques s’accompagnent toujours de solutions de rechange. Ainsi, lorsqu’on s’est opposé à l’article 6 du projet de budget et à celui des deux milliards, nous avons affirmé que la solution était dans le changement de la loi sur les impôts et dans l’assainissement de l’administration. Mais M. Hariri qualifie nos propositions de négatives. Il nous attaque, disant que nous détruisons le pays et qu’il est lui, le sauveur. Il n’a pas, hélas! le sens de la critique.” 
- Vous vous êtes opposé au projet des 991 milliards de L.L. pour le développement des régions déshéritées et réclamez le retour à celui des 150 milliards de L.L. Pourquoi? 
“Pas du tout! Là aussi, la “dactylo” travaille pour induire l’opinion publique en erreur. Dans le projet des 150 milliards, 13 milliards étaient attribués à Batroun, ma circonscription électorale. Dans celui des 991 milliards, la part n’était plus que de 20 milliards. Pour cela, j’ai réagi en réclamant une répartition équitable des crédits en vue d’un développement équilibré des régions, tel que cela est dit, explicitement, dans la Constitution. 
“D’ailleurs, dans cette affaire des 150 ou des 991 milliards, le Cabinet est en train de donner la meilleure preuve de sa politique d’improvisation. Suite à ma réaction et parce que d’autres ont dû réagir, un comité s’est réuni, sous la présidence de M. Hariri pour envisager de revenir au projet des 150 milliards. Par la suite, tous les projets étaient remis en question. Que dire, aussi, des crédits (150 milliards) qui n’étaient pas assurés? Et où vont-ils trouver les 991 milliards? 
“Telle est donc la politique du gouvernement! Nous n’avons rien contre les personnes pour lesquelles nous avons de l’affection. Nous dénonçons leur politique.” 

DEUX DOSSIERS BRÛLANTS: LES DÉPLACÉS ET L’AUDIOVISUEL 
- La question du retour des déplacés semble être aussi sans issue! 
“Pourtant, c’est une question primordiale, sans laquelle le Liban ne sera pas réunifié. Pour cela, avant de percer des routes et de construire des ponts, il faut régler cette affaire et assurer le climat permettant aux déplacés de revenir chez eux en toute dignité et sécurité. 
“Or, la politique suivie par l’Etat concernant ce problème a été totalement négative et même destructrice. Peut-on croire que, dans le budget de 1998, aucun crédit n’est alloué au retour des déplacés? Se taire serait une participation au crime qui se commet contre l’unité du pays. C’est de la mauvaise foi, ni plus, ni moins.” 
- Le 11 février, une réunion a groupé au “Riviera” des représentants des médias et des parlementaires de l’opposition pour réclamer la réouverture du dossier de l’audiovisuel. Que peut-on en attendre? 
“Nous avons sans cesse réclamé la réouverture de ce dossier qui, à la base, a été mal traité. Ce dossier est honteux, car de quel droit les gens au pouvoir ou occupant des postes-clés s’octroient-ils des licences de télé et de radio, sans même remplir les conditions juridiques et techniques requises? De plus, ils refusent ce droit à d’autres qui, pourtant, ont les conditions voulues parce qu’ils se réclament de l’opposition. 
“C’est un problème très grave posé au niveau des libertés. On ne peut ni ne doit d’aucune manière le négliger, car il menace le système démocratique, qui régit notre pays. 
“Les libertés sont en danger au Liban! D’ailleurs, j’ai le sentiment que la LBC risque d’être pénalisée, car elle a pu détourner les dispositions stupides de la loi interdisant la transmission, par satellite, des émissions à caractère politique, en se tournant vers l’Internet. Ce gouvernement qui se dit avant-gardiste, ne réalise-t-il donc pas que les développements technologiques dépassent les mesures qu’il est en train de prendre et les rendent caduques?” 
- Qu’avez-vous décidé au cours de la réunion du “Riviera”? 
“Un comité de suivi a été formé en vue de transformer les suggestions et observations en proposition de loi que nous présenterons à la Chambre. Comme vous le voyez, l’opposition ne se contente pas de critiquer, mais propose des solutions.” 

TAËF, FORMULE DE COMPROMIS 
- Regrettez-vous, aujourd’hui, d’avoir été à Taëf? 
“Non, pourquoi? Mon pays était en train de se détruire, les Libanais de s’expatrier et nous étions dans une impasse. Il y avait une lueur d’espoir dans la volonté de la communauté internationale pour nous aider à restaurer l’unité du pays, les institutions et l’Etat de droit. Je ne crois pas qu’un homme sensé, assumant la responsabilité de ses décisions, aurait hésité à le faire.” 
- Vous reconnaissez, quand même, la nécessité d’amender cet accord? 
“Bien sûr. Taëf a été une formule de compromis qui a permis d’arrêter les combats. Il aurait fallu, par la suite, l’exécuter correctement; puis, le rectifier. Ce qui n’a pas été fait, à cause des changements de la conjoncture internationale. 
“En ce qui concerne la restauration de la souveraineté nationale, les Libanais ont une marge de manœuvre très réduite. Seule une volonté internationale peut mettre fin à l’occupation israélienne et à la présence syrienne. 
“Sur le plan interne, les décisions prises à Taëf ont été le fruit de longues discussions. On le sait, on n’a pas abouti à la formule idéale et j’avais proposé, à mes collègues réunis à Taëf, certains changements qu’ils n’ont pas pris en considération et dont ils réalisent, aujourd’hui, la nécessité. 
“Il faudrait commencer par mettre en application Taëf, pour être en mesure de juger de la valeur de cet accord et de la nécessité de favoriser son évolution.” 

OUI AUX PRÉSIDENTIELLES 
- Y aura-t-il des présidentielles à votre avis? 
“Je le souhaite, car le Liban est basé sur l’alternance et le respect de la Constitution. Je suis contre son amendement, même si cela devait être au profit d’un ami.” 
- Etes-vous resté proche du président Hraoui? 
“Oui, sur le plan personnel. Sur le plan politique, je ne le suis plus depuis longtemps, car nos idées divergent. Je ne suis pas à même de le juger, mais j’essaye d’être conséquent avec moi-même.” 
- Votre nom figure parmi les présidentiables. Etes-vous candidat? 
“J’ai un long discours politique qui me place parmi les candidats éventuels. Quoiqu’au Liban, il n’y a pas de candidatures aux présidentielles, mais davantage des circonstances et une approche de la tâche. Aux autres d’en juger. Certes, j’ai mes ambitions personnelles, - et celui qui s’en cache, n’est pas sincère - mais je ne ferais aucun compromis concernant mes principes et mes convictions pour accéder à la première magistrature.” 

J’AI MISÉ SUR LA RÉACTION  
DES ÉLECTEURS 
- Vous rendez-vous souvent à Damas? 
“Depuis les élections législatives de 1996, je n’y ai plus été. Alors qu’avant je me rendais tous les quelques mois pour m’entretenir de questions politiques avec les responsables syriens. 
“Durant la campagne électorale, il y a eu un veto, sur ma candidature, qualifiée de “syrienne”. A la demande du président Hraoui, je me suis rendu à Damas pour y rencontrer le vice-président Abdel-Halim Khaddam. Je lui avais demandé, alors, s’ils favorisaient au Liban des élections ou des nominations et m’enquérir sur ce veto contre ma candidature. Il m’avait assuré qu’il n’y avait pas de veto. Mais, il s’est révélé qu’il y en avait, en fait. A dater de ce jour, je n’ai plus été en Syrie, considérant que l’attitude syrienne lors de ma campagne électorale avait été incorrecte.” 
- Soyons objectifs, s’il y avait vraiment eu un veto, auriez-vous pu réussir aux élections? 
“Je suis très objectif. Car on cherche toujours à dire que le peuple libanais est incapable de faire un choix. Au cours du scrutin en 96, tout a été fait pour que je ne passe pas. Les deux premières listes me furent interdites pour me contraindre à abandonner la partie. Ils n’avaient pas tenu compte de la réaction des citoyens libanais sur lesquels j’ai misé et en qui j’ai confiance. Les électeurs du Nord ont relevé le défi en m’accordant cent mille voix. 
“Evidemment, si on était réellement déterminé à m’empêcher d’arriver à la Chambre, ils auraient utilisé d’autres procédés lors de ma campagne.” 

CRÉER UN COURANT POPULAIRE 
- En 1992, vous aviez choisi de boycotter les législatives. En 1996, vous y avez participé: Qu’est-ce qui est préférable, l’opposition de l’intérieur ou de l’extérieur? 
“Comme vous le dites, j’ai tenté les deux expériences et j’ai réalisé que l’opposition de l’extérieur est totalement inefficace. C’est un abandon du peuple. Comme si on participait, sans le vouloir, à le forcer au désespoir, à créer un vide qui serait comblé par des non-représentatifs. 
“La démocratie n’est pas un cadeau qui nous est offert. Nous ne sommes pas le seul peuple à avoir perdu sa démocratie et cherche à la restaurer. Nous devons en payer le prix et consentir des sacrifices pour la récupérer.” 
- Etes-vous efficace en tant qu’opposant de l’intérieur? 
“Croyez-moi, on a pu changer beaucoup de choses: empêcher l’ajournement des municipales, l’adoption de trois articles dans le projet de budget 1998, etc... Le plus important est qu’on a créé un courant populaire qui lutte à nos côtés.” 

L’OUVERTURE DE JOUMBLATT:  
UNE BONNE INITIATIVE 
- Le fait d’avoir transféré le cas Toufayli devant la Cour de justice a suscité des réactions de la part de la communauté chiite. Etait-ce la bonne solution? 
“Ces réactions sont d’ordre politique et ce transfert est, peut-être, au profit de Toufayli. Si j’avais à être jugé, je préférerais de loin que ce soit par la Cour de justice que par un tribunal militaire, dont on devrait, à mon avis, réduire les prérogatives.” 
- Que dire de l’attitude de M. Joumblatt qui s’ouvre au camp chrétien? 
“On a suffisamment critiqué Joumblatt pour son attitude agressive qu’il serait bon, cette fois, d’appuyer son ouverture, en espérant qu’elle continuera. Cela pourrait créer un climat politique favorable au retour des déplacés en toute dignité et sécurité. Ce qui se passe aujourd’hui aurait dû se produire en 1992. Mieux vaut tard que jamais.” 
- Vous n’avez jamais été membre d’un parti politique. Quelle est votre approche des partis? 
“Je n’ai pas été membre d’un parti, mais depuis un certain temps, je pense sérieusement à la possibilité de créer un parti politique sur des bases nouvelles. Je crois que l’avenir de la vie politique est pour les partis et non pour l’initiative privée.”  NELLY HÉLOU

  


Home
Home