Bloc - Notes

Par ALINE LAHOUD  
 

LE ROI EST NU

Une grande première de l’Histoire, deux pays viennent de perdre une guerre qui n’a pas été livrée. Y a-t-il eu défaite? On le croirait volontiers rien qu’à voir la tête que font Bill Clinton et Benjamin Netanyahu, au lendemain de l’accord signé entre Kofi Annan, le secrétaire général de l’ONU et Tarek Aziz, l’inséparable compagnon de Saddam Hussein et son vice-Premier ministre. 
Contrairement à Kofi Annan qui cachait mal sa jubilation, Clinton et Netanyahu ne cherchaient même pas à dissimuler leur consternation, voire leur frustration. Entouré des grands barons de son administration, depuis le vice-président Al Gore, en passant par William Cohen et Madeleine Albright qui affichaient des visages de Carême (c’est le moment ou jamais), Clinton a averti, menaçant, que si l’Irak ne respectait pas à “notre satisfaction” ses engagements, “les Etats-Unis auront le droit unilatéral de riposter au moment, à l’endroit et de la manière qu’ils souhaitent”. 
A part le fait que Freud aurait eu beaucoup à dire sur l’emploi, dans ce contexte, du verbe “souhaiter”, on aurait cru rêver si ça n’avait pas été un tel cauchemar. N’est-ce pas ces mêmes Américains qui nous ont rebattu les oreilles en claironnant partout - depuis l’invasion du Koweït en 1990 - qu’ils n’avaient personnellement rien contre l’Irak et qu’ils n’étaient, en l’occurrence, que les mandataires du Conseil de Sécurité? 
Dans ce cas, comment expliquer la hargne de Washington, alors que le Conseil de Sécurité s’estime satisfait? Et comment interpréter son acharnement haineux, alors que Saddam Hussein, sciemment ou à son corps défendant, n’a fait jusqu’à présent que servir les intérêts américains? L’infortunée April Glasbie aurait eu pas mal à dire là-dessus, si elle n’avait pas été purement et simplement, retirée de la circulation. A charge de revanche d’ailleurs, puisque Clinton vient de lui renvoyer l’ascenseur en transformant - à force de persécuter l’Irak - le bourreau du Koweït, unanimement haï en 1990, en champion de l’arabisme. En somme, la campagne tous azimuts de Washington pour justifier une nouvelle guerre dans le Golfe n’aura réussi qu’à redorer le blason de Saddam Hussein. 
Beau résultat, en vérité. Bien sûr, les Américains peuvent continuer à crier qu’ils n’y mettent rien de personnel. Mais alors, pourquoi, dans ce cas, les Nations Unies se sont-elles démarquées de leur entreprise? Comme disait l’autre, conceptualisons: ce n’est pas une guerre de conquête. Ce n’est qu’une affaire entre les Etats-Unis et l’Irak. Ce n’est pas pour diviser l’Irak et par contre-coup les autres Etats de la région. Ce n’est pas non plus pour se débarrasser de Saddam Hussein. Que Bill Clinton nous dise donc qu’est-ce que ce n’est pas encore, pour que nous arrivions à visualiser ce que ça pourrait être. 
Loin de nous l’idée de prendre le parti d’un tyran sanguinaire qui a, sans la moindre justification, attaqué, occupé, ravagé et soumis à un traitement inhumain le Koweït, un pays dont aurait dû le rapprocher la consanguinité de la race, la fraternité de la religion et de l’Histoire et la communauté du destin. Mais depuis, beaucoup d’eau a coulé sous le pont sans toutefois améliorer l’image de marque du dictateur irakien, mais en le dépouillant de 80% de son potentiel militaire. Prétendre, aujourd’hui, après la sévère raclée de la première guerre du Golfe qu’il détient des armes de destruction massive, capables de ravager le Moyen et le Proche-Orient, y compris l’intouchable Israël, est pure fabulation, comme l’ont révélé les services secrets français. 
En effet, grâce à un satellite-espion, les Français semblent avoir découvert que, non seulement l’Irak ne détenait plus des armes de destruction massive, mais que les armes encore en sa possession ne pouvaient menacer sérieusement personne, à plus forte raison un pays comme Israël qui possède dans ses arsenaux l’arme nucléaire. 
Ainsi démystifié, Clinton n’a trouvé inconditionnellement  à ses côtés que Netanyahu qui a fait son cinéma à grands coups de masques à gaz, de boîtes de conserves et de matériel pour abris anti-aériens, contre une aviation ennemie qui n’existe plus. 
Il y a aussi Tony Blair. Mais l’Angleterre a toujours soutenu les Etats-Unis, surtout depuis la Seconde Guerre mondiale. On raconte, à ce propos, que s’étant rendu, en pleine guerre, à Washington, en visite de concertation, Winston Churchill - qui logeait à la Maison-Blanche - avait été surpris, par Roosevelt, sortant du bain en tenue d’Eve après la pomme. Devant la mine confuse de Roosevelt, Sir Winston, sans tenter de se couvrir, avait laissé tomber avec un flegme tout britannique: “- Comme vous voyez, le Premier ministre de Sa Majesté n’a rien à cacher au président des Etats-Unis.” 
Aujourd’hui, juste retour des choses, c’est le pré-sident des Etats-Unis qui se retrouve tout nu devant le Premier ministre de Sa Majesté et le reste du monde. De quoi rabattre le caquet de Madeleine Albright, mais d’alimenter, par contre, celui de Monica Lewinsky. Mais ça, c’est une autre histoire.

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