Exposant sa position envers les problèmes de l’heure, le député de saïda Moustapha Saad   “La situation générale évolue dans  un cercle vicieux et s’achemine vers l’effondrement”

 - Le vote mitigé du budget 98 traduit un manque de confiance dans le Cabinet Hariri

- Le peuple est empêché 
de manifester son mécontentement

- Je me suis toujours opposé à la reconduction 
du mandat présidentiel

- L’Etat semble avoir accepté l’idée 
de l’implantation 
des Palestiniens

 
 
 
 
 

La situation dans son ensemble évolue dans un cercle vicieux et s’achemine vers l’effondrement”, soutient M. Moustapha Saad, député de Saïda, président de l’Organisation populaire nassérienne. 
Il rappelle que les dissensions au sein de la troïka au cours des derniers mois de 1997, ont contraint la Banque du Liban à débourser plus de 600 millions de dollars pour stabiliser la parité de la livre. 
Puis, dénonçant la politique officielle à l’égard de l’audiovisuel, du mouvement syndical et des institutions de la société civile, il relève “la large brèche qui sépare le Pouvoir du peuple, lequel n’a plus confiance dans ses gouvernants.” 
M. Saad insiste sur la “nécessité d’organiser les élections présidentielles, pour réactiver la vie politique dans notre pays”. Enfin, il accuse l’Etat d’avoir souscrit, implicitement, à l’implantation (des Palestiniens) dans le cadre d’un règlement global du conflit régional. 

LE GOUVERNEMENT A ÉCHOUÉ 
“La situation générale évolue dans un cercle vicieux et le pays s’achemine vers l’effondrement total dans tous les domaines. Le capital sauvage sévit à tous les niveaux et dans tous les secteurs, alors que la misère et la famine se généralisent, accroissant de plus en plus la disparité sociale, au risque de provoquer une explosion populaire à plus ou moins brève échéance. 
“Le Pouvoir n’a plus aucune crédibilité, en dépit de ses tentatives avortées de présenter la situation sous un jour différent de ce qu’elle est en réalité. Au plan monétaire, la prétendue stabilité de la livre coûte, annuellement, plus d’un milliard de dollars. Tout le monde sait que les divergences de la troïka ont contraint la BDL à débourser plus de 600 millions de dollars au cours du dernier trimestre de l’année écoulée pour maintenir la parité de la livre.” 
- Comment expliquez-vous le vote mitigé du projet de budget 98 et cela traduit-il un manque de confiance dans le Cabinet Hariri, après que la dette publique eut atteint la ligne rouge? 
“Le vote de la loi de finance n’est pas l’unique indice de la perte de confiance. Le gouvernement n’épargne aucun moyen ni procédé pour empêcher le peuple d’exprimer son opinion, en interdisant les manifestations, en affaiblissant le mouvement syndical partant du principe: diviser pour régner; en resserrant l’étau sur les forces démocratiques et les institutions de la société civile; enfin, en bâillonnant l’information politique, tantôt sur terre et tantôt dans l’espace” (allusion à l’interdiction de l’émission, par satellite, des programmes politiques). 
“Tout cela prouve que le gouvernement redoute l’opinion publique et s’il parvient à se maintenir jusqu’ici, c’est grâce à une conjoncture régionalo-internationale. D’ail-leurs, la cohésion gouvernementale n’existe plus, preuve en est le fait pour le ministre des Déplacés, Walid Joumblatt et ses collègues menacent de démissionner, de même que les membres du Cabinet se réclamant du “bloc de la libération et du développement”, en signe de protestation contre le transfert de l’affaire Toufayli à la Cour de justice. Le ministre des Affaires municipales et rurales a déjà résigné ses fonctions et sa lettre de démission est gelée depuis des mois.” 

NON À LA RECONDUCTION DU MANDAT PRÉSIDENTIEL 
 - Les facteurs favorables à la reconduction du mandat présidentiel persistent-ils? Dans la négative, quel serait votre candidat à la magistrature suprême? 
“La cuisine où se concoctent les présidentielles n’est, malheureusement, pas libanaise. Il en était ainsi lors de la plupart des échéances présidentielles, bien qu’aujourd’hui l’image soit beaucoup plus claire. 
“C’est pourquoi, personne ne dispose encore du “mot de passe”. Quiconque a suivi l’évolution de la “bataille présidentielle” dans l’étape ayant précédé la prorogation du sexennat du président Hraoui, peut se faire une idée de la situation. 
“La plupart des blocs parlementaires, si ce n’est toute l’Assemblée et même le chef de l’Etat lui-même, étaient contre la reconduction. Puis, du jour au lendemain, la prorogation a prévalu, les opposants de la veille ayant invoqué je ne sais quelles “circonstances régionales” et des “impératifs inhérents à la sécurité intérieure” pour changer le fusil d’épaule. 
“J’ai toujours appelé à des élections présidentielles dans le passé et le présent. Il est honteux pour nos frères maronites qu’il soit dit que cette communauté ne compte pas dans ses rangs des personnalités représentatives aptes à assumer le Pouvoir. 
“C’est pourquoi, j’insiste sur l’organisation des présidentielles, en tant que moyen nécessaire pour réactiver la vie politique, dans l’espoir que le nouveau régime se montrera plus démocratique et procèdera au remplacement d’un Cabinet maintenu en place depuis plus de cinq ans, par un autre représentatif de tous les courants politiques et, surtout, incarnant l’entente nationale, comme le stipule l’accord de Taëf.” 

LE SCRUTIN MUNICIPAL, UNE ÉCHÉANCE DÉMOCRATIQUE 
- Les élections municipales et des moukhtars auront-elles lieu dans le délai prévu et comptez-vous y participer? 
“Nous préparons le scrutin municipal et, à cet effet, effectuons des contacts pour assurer le succès de cette échéance démocratique. 
“Je crois que les municipales se dérouleront aux dates initialement fixées par le gouvernement, pour la simple raison que ce dernier n’a plus, aucun argument valable pour les ajourner. D’autant que ces élections sont réclamées par l’écrasante majorité du peuple. Naturellement, elles ne sont pas accueillies avec enthousiasme par les tenants du pouvoir, car elles peuvent les ramener à leur juste dimension.” 
- Vous aviez rencontré le président Hariri il y a cinq ans: sur quels points précis étiez-vous tombés d’accord? Etes-vous disposé à constituer avec lui une liste d’entente aux municipales de Saïda? 
“On avait donné à la rencontre plus d’importance qu’elle en avait en réalité. Ce fut, en fait, une rencontre de caractère social, à l’occasion de la fête du Fitr, au cours de laquelle j’ai exposé mon point de vue à propos de certains projets d’équipement et de développement à réaliser à Saïda et dans ses alentours. La capitale sudiste mérite qu’on s’occupe d’elle, en vertu du principe du développement équilibré consacré par l’accord de Taëf. 
“En ce qui concerne l’entente en prévision des municipales, nous ne pouvons prendre une décision à ce sujet sans revenir à notre base populaire, aux partis et forces politiques alliés avec lesquels nous coopérons, dans le cadre d’un projet politique opposé à celui de l’autorité politique.” 

JE DÉNONCE LA POLITIQUE OFFICIELLE À JEZZINE 
- Jezzine est l’otage des Israéliens et constitue une “bombe à retardement” que l’ennemi utilise contre le Sud, Saïda et la paix civile: l’action de l’Etat libanais suffit-elle à normaliser la situation au Liban-Sud et à le libérer de l’occupation? 
“Nous avons pleinement conscience de ce qu’endurent nos parents à Jezzine, dont le drame est identique à celui de nos frères vivant dans les différents villages du cordon frontalier. Avec la différence que l’ennemi veut faire de Jezzine une carte en vue d’un compromis avec l’autorité politique au Liban et un espace géographique qu’il sème de mines dont l’explosion fait des victimes parmi la population civile. Et ce, afin d’y impliquer la Résistance et de l’accuser d’être à l’origine de ces actes criminels pour semer la zizanie au sein de notre peuple. 
“Nous avons confiance dans l’institution militaire, dans son commandement et son rôle. En revanche, nous dénonçons la politique suivie par l’Autorité à l’égard du Sud et, spécialement, de Jezzine, que ce soit au plan du soutien à la résistance des Libanais dans ces régions ou au plan de la position politique officielle, l’Autorité considérant la Résistance comme un fardeau et non un mouvement de libération du territoire et de consolidation de la paix civile interne.” 

QUID DU RETOUR DES DÉPLACÉS? 
- Qu’en est-il du retour des personnes déplacées à l’est de Saïda? 
“La base fondamentale de ce retour dans n’importe quelle région, réside dans la décision politique susceptible de le favoriser. Cette base existe par rapport aux localités de l’est de Saïda depuis 1987, date à laquelle nous avons appelé nos frères sinistrés à réintégrer leurs maisons et leurs terres. 
“Quant aux autres facteurs de nature à hâter le retour des déplacés, dont celui de l’argent, ils relèvent du pouvoir qui est tenu d’assurer les fonds nécessaires au dédommagement des sinistrés pour leur permettre de restaurer ou de reconstruire leurs demeures. 
“Les rapports amicaux et fraternels que nous entretenons avec nos frères et compatriotes de l’est de Saïda ont trouvé leur confirmation lors des élections législatives, puisqu’ils nous ont accordé leurs suffrages. Nous sommes fiers de leur confiance et de leur soutien.” 

NON À L’IMPLANTATION PALESTINIENNE 
- A votre avis, l’implantation palestinienne est-elle encore envisagée? 
“Le gouvernement nie son intention de favoriser l’implantation, alors que ce projet, et il le sait, fait partie du plan de règlement de la crise régionale auquel le Pouvoir semble avoir souscrit. 
“Ainsi, les négociations multilatérales partent du principe que le problème des réfugiés palestiniens ou ce qu’on appelle l’implantation, que ce soit au Liban ou ailleurs, figure en tête du règlement global du conflit israélo-arabe. 
“L’Etat libanais a donc accepté, implicitement, l’idée de l’implantation, laquelle fait l’objet de concertations, en dépit du gel des négociations bilatérales. 
“De notre côté, nous avons rejeté ce projet et continuons à nous opposer à son application. Cependant, nous établissons une distinction entre l’implantation et les droits civiques et sociaux du peuple palestinien établi au Liban depuis 1948. Ce peuple frère et hôte doit être traité de la même manière que le fait la Syrie avec les Palestiniens établis sur son territoire.” 

UNITÉ DES POSITIONS 
- Qu’est-ce qui vous rapproche des différentes forces politiques et des blocs parlementaires et quels sont vos points de divergence? 
“Notre position politique est claire et nette, que ce soit à l’intérieur du parlement ou à l’extérieur. Nous sommes d’accord avec plusieurs forces politiques et personnalités autour d’un grand nombre de sujets politiques, sociaux et économiques et coordonnons notre action afin de définir notre attitude opposée à la politique suivie par le Pouvoir. 
“Nous œuvrons au sein d’une alliance nationale démocrate qui rassemble des députés, d’autres personnalités indépendantes et des intellectuels. Nous nous rencontrons, régulièrement et ouvrons le dialogue à tous ceux qui approuvent nos opinions”. 
- Après le déploiement de l’armée libanaise à l’est de Saïda, on a constaté un recul de la part de l’organisation populaire nassérienne quant à sa participation à la résistance. Comment expliquez-vous cela? 
“Il ne s’agit pas d’un recul au vrai sens du terme, mais d’une réduction de notre rôle. Nous disposons encore d’éléments œuvrant dans les rangs de la résistance et exécutant de temps à autre, des missions limitées. 
“Sur le plan politique, nous soutenons la résistance de toutes nos forces, car elle est l’unique moyen pour libérer la terre de l’occupation, les options politiques et diplomatiques ayant échoué à cause de la politique de deux poids deux mesures pratiquée par les Nations-Unies.” 

DANS L’ATTENTE DE L’ÉVACUATION DE JEZZINE PAR ISRAËL 
- Comment évaluez-vous la réouverture de la voie de passage de Kfarfalous? Pourquoi les dirigeants de Saïda n’ont-ils pas participé à la cérémonie de réouverture de cette voie? 
“Cette initiative n’est pas un exploit. Bien que nous approuvons toute mesure qui faciliterait les déplacements des habitants de Jezzine, nous ne considérons pas cette solution comme exemplaire. 
“Comment nous réjouir tant que l’ennemi et ses collaborateurs demeurent dans la région de Jezzine, le barrage des miliciens étant situé à des centaines de mètres du passage? 
“Notre joie ne sera totale que si Israël évacue Jezzine et les localités de la bande frontalière. Cet événement historique sera vécu dans la liesse à Saïda et Jezzine.” 
- On constate que les dirigeants de l’Organisation populaire nassérienne, base et partisans, ont désapprouvé votre rencontre avec le chef du gouvernement. 
“Cette réaction est naturelle, face à un événement imprévu. Nous avons déjà expliqué à notre base et à nos cadres que cette rencontre, en elle-même, n’était pas importante. L’essentiel est l’unité des rangs et ceci ne s’obtient qu’avec une position unifiée. Partant du principe démocratique, nous ne prenons aucune initiative sans nous concerter avec la base. Il n’y a donc aucune crainte sur l’unité de nos positions.” 

POUR LE MARIAGE CIVIL FACULTATIF 
- Quid du mariage civil? 
“Il n’est pas convenable de discuter de ce projet, alors que des dossiers brûlants politiques et économiques, tant locaux que régionaux, attendent d’être étudiés. Il faudrait aborder ce projet lorsque la situation socio-politique se serait normalisée. 
“Toutefois, je suis pour l’adoption du mariage civil facultatif, bien qu’il ne remplace pas l’union religieuse. Mais ceci convient aux personnes qui désirent contracter un mariage libre, non assujetti aux contraintes de l’Eglise et des tribunaux chériés.” 
- 1998 sera-t-elle comme les précédentes ou apportera-t-elle des développements en ce qui concerne l’application de la 425 et la conjoncture interne? 
“L’échec de la politique américaine dans la région, en ce qui concerne les arrangements conditionnés par l’Etat hébreu, s’explique par l’échec de la conférence de Doha et la réussite de celle de Téhéran. Celle-ci a jeté les bases d’une coopération entre les forces et tendances modérées, de façon à refuser tout arrangement pareil à celui appliqué en Jordanie et en Palestine. 
“La conjoncture régionale porte au pessimisme avec l’éventualité d’une intervention militaire américaine en Irak. La coalition américano-israélo-turque ouvre la voie à d’éventuelles opérations militaires. Celles-ci brouilleraient les cartes, ce qui serait à l’avantage des Etats-Unis et de leurs alliés israéliens. 
“Je crains que cette situation régionale se répercute au Liban, non seulement sur le plan interne, mais sous forme d’attaque israélienne de notre territoire.” 

 


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