Député de Koura Nicolas Ghosn “La nécessité d’un changement gouvernemental découle du manque d’entente entre les trente”

  Nicolas Ghosn  
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 

 

 

Nicolas  Ghosn fait son entrée, à la Chambre en 1996, comme député de Koura dans le mohafazat du Nord. En 1992, la chance ne lui avait pas été favorable. 
Issu d’une famille bien ancrée dans la tradition politique, son père, feu Fouad Ghosn, avait été député, ministre, vice-président de la Chambre et du Cabinet. Lui, considère sa députation comme une mission, sans nier la part de la tradition et de l’héritage familial. 
Licencié en droit de l’USJ, il s’inscrit au Barreau et pratique la profession. En 1974, il est nommé membre du Conseil général de discipline, avec rang de directeur général, poste dont il démissionne en 1992, pour se présenter aux législatives  et reprendre sa profession d’avocat. 
L’important pour lui, n’est  pas tant de faire de l’opposition, mais de “persévérer sans relâche” dans ses démarches pour obtenir du gouvernement la réalisation des projets socio-économiques intéressant sa circonscription. 
Quant à la faille essentielle dans la pratique du pouvoir, elle est due, à son avis, à l’innovation ayant nom “troïka”. 

AU SERVICE DES AUTRES 
- Est-ce en vertu de l’héritage familial que vous avez voulu entrer à l’hémicycle? 
“Plusieurs facteurs ont joué. Certes, nul ne peut ignorer la part de l’héritage familial, du  contexte social dans ses choix et comportements. Mais la députation répondait, aussi, à un désir personnel, à une mission que je remplissais bien avant d’entrer à la Chambre, celle d’être au service des autres et à l’écoute de leurs doléances. Aujourd’hui, cette mission a pris pour moi, une dimension nationale.” 
- Aux législatives de 1992, la chance ne vous avait pas souri et vous êtes revenu à la charge en 1996. Aviez-vous reçu des garanties quant à votre succès, de la part de Damas, notamment? 
“Le fait de revenir à la charge en 96, confirme que mon désir d’arriver à la députation n’était pas un simple hobby mais une vraie vocation, avec tout le sérieux que cela suppose. 
“Mais que vient faire Damas dans nos législatives? Est-ce elle qui vote ou bien les Libanais? Pourquoi, dès lors, cherche-t-on à expliquer la défaite des uns, par un  non-appui syrien et la réussite des autres par son soutien? Pourquoi marginaliser le rôle, pourtant primordial, de l’électeur libanais? 
“N’empêche que je suis en bons termes avec la Syrie, car on ne peut pas ignorer les relations spécifiques qui lient nos deux pays. Nous sommes voisins et avons des problèmes en commun. 
“Lors des législatives de 96, les deux listes électorales complètes au Nord, entretenaient de bonnes relations avec la Syrie.” 

“LES COMMISSIONS PARLEMENTAIRES SONT IMPOSÉES” 
- Le fait d’être sur une liste complète, a-t-il favorisé votre réussite? 
“Bien sûr. La base électorale de chaque membre de la liste donne une impulsion à l’ensemble, surtout lorsqu’il y a une entente et une compréhension entre les colistiers. 
“Mon alliance avec des candidats de différentes régions du Nord, ainsi que les relations personnelles remontant au temps de mon père et de mon grand-père au niveau de l’ensemble du mohafazat et que j’ai maintenues, ont donc joué en ma faveur.” 
- Faites-vous partie d’un groupement parlementaire? 
“Nous sommes six membres sur les neuf de notre liste, regroupés au sein du “bloc du développement et du  changement”. Nous adoptons les mêmes positions à la Chambre.” 
- De quelle commission parlementaire faites-vous partie? 
“Je suis membre de la commission des Travaux publics et de l’Economie nationale qui groupe, aussi, les Ressources hydrauliques et le Pétrole. 
“Toutefois, il est déplorable de relever que l’appartenance à une commission, ne se fasse pas sur base de candidatures et d’élections, car elle est plutôt imposée. Il faut accepter le fait, au risque d’être considéré comme défaillant aux responsabilités. 
“J’aurais préféré être dans la commission de l’Administration et de la Justice où, en tant qu’avocat et ancien directeur général dans l’administration, j’aurais pu jouer un rôle plus efficace.” 

DES PROMESSES DU PREMIER MINISTRE 
- Avez-vous ratifié, avec votre bloc le projet de budget 98? 
“Lors des débats parlementaires, nous avons exprimé notre point de vue et formulé notre opposition concernant plusieurs articles de la loi de finances. 
“Avant le vote, nous avons obtenu du chef du gouvernement, Rafic Hariri, la promesse formelle d’accorder au Liban-Nord toute l’attention qu’il mérite sur le plan socio-économique. Il s’est engagé à exécuter les projets vitaux que nous avions déjà consignés dans notre programme électoral. Car la région du Nord est négligée et demeure en marge du développement équilibré préconisé par Taëf. 
“Suite à ses promesses, nous avons voté les prévisions budgétaires.” 
- Quels sont les problèmes spécifiques à votre propre circonscription? 
“Le Koura souffre d’une négligence chronique au niveau de l’infrastructure et des services: routes, eau, électricité, téléphone. Beaucoup de villages n’ont pas le téléphone. Ce caza est nettement défavorisé par rapport à d’autres. 
“Certains pensent qu’en faisant de l’opposition et en attaquant le gouvernement, on arrive à un résultat. Je ne le crois pas! L’important, à mon avis, est de persévérer sans relâche et de réclamer sans répit jusqu’à ce que le gouvernement réponde à nos requêtes. 
“Mon combat ne se limite pas à mon caza, mais s’étend à l’ensemble du Nord en tant que circonscription unique. Car tout projet réalisé pour la région tels: l’aéroport René Mouawad de Kléïate, le port de Tripoli, le Centre des expositions internationales Rachid Karamé, sera bénéfique à tout le district.” 

ABSENCE D’ENTENTE ET DE CONFIANCE ENTRE LES “TRENTE” 
- Il existe, aujourd’hui, dans le pays, un fort courant d’opposition qui réclame le départ du Cabinet. En faites-vous partie? 
“La nécessité d’un changement gouvernemental n’est pas une revendication de l’opposition, mais découle des défaillances à l’intérieur du Cabinet lui-même. 
“Le manque d’entente et de coordination entre les ministres, constitue une raison suffisante pour le départ de l’équipe ministérielle. 
“Ainsi, à titre d’exemple, lors du vote de la loi de finances, certains ministres se sont absentés, d’autres ont voté contre le projet de budget. Pourtant, ce dernier est l’œuvre du gouvernement et reflète sa politique générale. Comment peut-on voter contre soi-même? 
“Par leur comportement, les membres du gouvernement prouvent qu’ils n’ont pas confiance en eux-mêmes.” 
- N’empêche qu’ils sont cramponnés au pouvoir. 
“Oui, pour des raisons personnelles que nul n’ignore. Car chaque ministre a un projet donné et le ministère est une autorité en soi. 
“Le fond du problème découle de la troïka et d’une mentalité donnée qu’elle a créée au niveau du partage du pouvoir. Pour cela, aussi, toute réforme devrait se faire au niveau des mentalités avant les textes.” 

QUID DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE? 
- Que dire de notre situation économique? 
“Il faut le demander aux responsables et, surtout, aux membres de la troïka. Ils n’ont ni une même vision, ni des perspectives communes de la situation économique. Le président de la Chambre approuve, par exemple, les études établies par les institutions internationales, sur notre situation économique et qui ne sont pas toujours rassurants. Le Premier ministre lui, se montre plutôt confiant. 
“Mais, de fait, nul ne sait, où cette situation va nous mener.” 
- Y aura-t-il, à votre avis, des élections municipales? 
“En tant que citoyens et parlementaires, nous devons croire et espérer qu’elles auront lieu. Une échéance a été décidée; à nous de travailler avec tout le sérieux voulu pour assurer ces élections.” 
- Aviez-vous voté contre le projet initial relatif aux nominations au sein des conseils municipaux? 
“Au départ, la tendance était en faveur du renvoi des municipales et nous étions treize députés à refuser ce renvoi. Par la suite, j’ai voté contre les nominations, parce qu’anti-démocratiques.” 
- La loi votée vous paraît-elle satisfaisante? 
“On ne pouvait faire mieux. Mais une crainte persiste et qui, je l’espère, ne sera pas justifiée. Pour cela, on se demande s’il ne faudrait pas adopter, certaines normes, des garde-fous, en quelque sorte pour assurer une représentativité équilibrée. 
“Vu le climat exacerbé régnant dans le pays, je ne suis pas sûr que ces élections vont pouvoir se dérouler dans un climat d’entente islamo-chrétienne qui prévalait, autrefois, dans nos us et traditions. D’où une inquiétude latente.” 
- Avez-vous entamé la campagne des municipales au Koura? 
“Pour ma part, j’ai une seule demande à formuler: l’entente. Car les élections municipales sont dans l’intérêt commun et sans cette entente, elles ne peuvent aboutir aux résultats souhaités. 
“Partout, dans les villages du Koura, j’appelle à la concorde dans l’intérêt de tous.” 

IL EST PRÉMATURÉ DE PARLER DES PRÉSIDENTIELLES 
- La deuxième échéance importante est celle des présidentielles. Etes-vous pour une élection ou pour la prolongation du mandat du président Hraoui? 
“Il est, à mon avis, trop tôt d’en parler, car nous ne sommes pas dans une situation régionale stable, ni normale. Je peux, aujourd’hui, vous donner un avis et demain un facteur régional pourrait changer toutes les données; chaque chose en son temps.” 
- Auriez-vous un candidat déterminé? 
“Il faut, au préalable, connaître les candidats et définir les qualités requises les habilitant à accéder à la première magistrature.” 

OUI, AU MARIAGE CIVIL 
- Etes-vous pour le mariage civil tel que proposé par le président Hraoui? 
“Oui, j’approuve ce projet. D’ailleurs, qu’on soit pour ou contre, le mariage civil est admis au Liban, tout en étant contracté à l’extérieur. 
“Pourquoi, dès lors, ne pas le mettre dans un cadre légal libanais, surtout qu’il a été proposé de façon facultative? 
“Le tollé soulevé contre ce projet rejoint notre inquiétude concernant des dérapages aux municipales et la nécessité d’adopter certaines normes, pour maintenir l’équilibre entre les différentes communautés.” 
- Au parlement, vous avez voté, contre la loi d’amnistie des trafiquants de drogue. Pourquoi? 
“La majorité de la Chambre était contre cette loi, qui a passé de justesse, sans conviction. 
“Comment admettre une telle amnistie? Demain, d’autres citoyens commettront des infractions dans l’espoir d’être amnistiés et ainsi de suite. La présente loi a couvert 32.700 personnes. Est-ce logique?” 

LE SUD, NOUVEAU POINT CHAUD 
- Les entretiens du Premier ministre Hariri avec les différents blocs parlementaires donneront-ils un résultat positif? 
“Je n’y crois pas trop. Pour la simple raison que ni le gouvernement, ni le parlement, qui est à la base du pouvoir législatif, ne s’acquittent vraiment de leur rôle. 
“Le parlement est formé de groupes dont la majorité  est représentée au sein de l’équipe ministérielle qu’ils appuient sans conviction.” 
- Que dire de la situation au Liban-Sud? 
“Je partage l’avis de ceux qui disent que dans les mois à venir, le Sud subirait des secousses. 
“Dans cette région du globe, toutes les crises sont liées et après le refroidissement du côté de l’Irak, il ne peut y avoir qu’un point chaud, celui du Sud, car le Liban est le maillon le plus faible de la chaîne. 
“Tout ce qu’on peut espérer, c’est voir se maintenir la résistance sudiste, car personne n’a autant pâti qu’eux de l’occupation depuis plusieurs dizaines d’années.” 
- Appuyez-vous l’action de la résistance islamique? 
“Tout Sudiste est un résistant exposé dans sa vie quotidienne aux bombardements et à la mort. Certes, il y a une résistance militaire, représentée par le “Hezbollah” et “Amal”, que nous appuyons, mais il y a surtout la résistance silencieuse des citoyens. 
“Ceux qui sont morts en dehors du front, sont beaucoup plus nombreux que ceux qui tombent  les armes à la main. Rappelez-vous le cas de Cana. 
“Nous devons donc fournir aux Sudistes les moyens nécessaires pour les maintenir sur leurs terres.” 


Home
Home