Editorial


Par MELHEM KARAM 

 
L’AMÉRIQUE, LA GRANDE-BRETAGNE, LES “JUSTIFICATIONS”
DES FRAPPES CONTRE L’IRAK... ET LA SOURDE OREILLE

A l’instar du refus de souscrire à l’arrêt de la Cour internationale de justice quant à sa compétence de sta-tuer sur l’affaire de Lockerbie, il en est de même avec l’Irak. Les commandants des flottes et des troupes ne cessent d’affluer, comme si la guerre devait éclater aujourd’hui. Ou comme si l’Amérique et la Grande-Bretagne étaient persuadées qu’un conflit allait se produire dès l’application des clauses de l’accord signé entre l’ONU et Bagdad, aussitôt suivi d’une intervention militaire et d’un bombardement de Bagdad pour sanctionner la capitale irakienne.
Ce qui s’est passé entre Nizar Hamdoun et Richard Butler, chef des inspecteurs, à propos de la partie habilitée à déterminer les sites à inspecter, a tout l’air d’un avertissement. Surtout que cela est doublé de paroles faisant état de la nécessité de renverser Saddam Hussein, ceci étant de nature à accroître la crédibilité de l’Amérique, comme le soutiennent les membres du sénat. Et c’est pourquoi, ils incitent le président Clinton à opter pour la manière forte.
L’Irak a souscrit à toutes les conditions relatives à la liberté d’inspection comme à son délai illimité. De leur côté, l’Amérique et la Grande-Bretagne ont accepté ce qu’ont décidé Kofi Annan et Tarek Aziz, de même que l’augmentation des quantités de pétrole irakien destinées à la vente. Cependant, les deux initiatives sont apparues en tant que tentative visant à assimiler les deux grandes puissances à Mère Teresa ou à l’Association de bienfaisance islamique des Makassed. Et ce, afin d’obtenir plus de rigueur dans le contrôle de l’application de l’accord. Pour qu’au cas où une défaillance se produisait, il serait procédé aux frappes douloureuses planifiées.
Pourtant, tous ont assuré que l’Irak ne constituait plus une menace militaire pour personne, en tête desquels Jean-Pierre Chevè-nement, ministre français de la Défense sous le mandat Mitterrand, qui avait démissionné en signe de protestation contre l’attaque dont l’Irak était la cible.
Bien que Madeleine Albright ne soit ni la loi, ni l’autorité, ni le destin, l’alliance avec les Américains ne signifiant pas la soumission à leur hégémonie, mais le respect mutuel et la prise en considération des intérêts, une logique européenne émerge, affirmant que le fait pour la paix au Proche-Orient de s’enliser dans les sables mouvants, en plus d’une offensive susceptible de paralyser l’Irak, peut enflammer la braise fondamentaliste islamique.
Les Américains tournent l’oreille sourde, étant déterminés à provoquer la catastrophe et à avancer les prétextes les plus futiles pour la déclencher. C’est ce qu’affirme, avec insistance, Tony Blair, Premier ministre britannique et son ministre des Affaires étrangères, Robin Cook. Ceci laisse craindre une confrontation avec le secrétaire général, Kofi Annan, qui a fait montre de fermeté et s’est mis en vedette. Mais ceci n’a pas l’heur de plaire à Washington, la capitale fédérale ne voulant voir personne marcher sur terre grisé par une victoire qu’il a réalisée. De même, elle pro-clame, spontanément, son hostilité à quiconque s’enorgueillit de quelque exploit.
Le président George Bush a refusé, en 1991, d’investir Bagdad pour trois raisons, comme l’indique l’information occidentale: Primo, il n’a pas voulu dépasser le mandat à lui confié par les Nations Unies, après des négociations et des tractations aussi douloureuses que l’extraction des dents. Secundo, il n’a pas voulu former des équipes d’occupation. Tertio, parce qu’en faisant exploser l’Irak, il aurait ébranlé les régimes de la plupart des Etats de la région.
Ces causes qui étaient pressantes dans le passé, persistent aujourd’hui. A moins qu’elles soient dominées par l’arrogance, autant que par la divergence de l’école et de la formation politiques.
Ce qui se confirme sans l’ombre d’un doute, c’est qu’aucun équilibre n’est possible au Proche et au Moyen-Orient, sans la participation de toutes les parties et la préservation de leurs intérêts propres, non ceux des Américains et des Occidentaux.
Un autre fait joue contre les plans qui se dessinent dans les têtes, laissant libre cours aux ambitions: les Etats-Unis n’ont pas exercé leur poids pour assurer le succès de l’opération de paix proche-orientale, ni réussi à empêcher Benjamin Netanyahu de torpiller le processus amorcé à Oslo.

Photo Melhem Karam

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