Au
moment où le problème du désarmement de l’Irak est
repris en main par l’ONU, au moment où le monde arabe manifeste
ses réticences et même souvent son manque de confiance dans
la politique américaine, au moment où l’Iran donne des signes
de son désir de dialogue avec les Etats-Unis - et que diverses voix
s’élèvent pour inciter Washington à reprendre langue
directement avec Bagdad, à ce moment-même M. Neta-nyahu prépare
le terrain à un nouvel affrontement pour le cas où l’Irak
serait lavé de tout soupçon: M. Netanyahu reparle de l’armement
de l’Iran. N’ou-bliez pas l’Iran, envoie-t-il dire à M. Clinton.
La tactique est claire: tout faire et de toutes les manières
pour empêcher l’Amérique d’établir ses relations avec
les pays du Proche et Moyen-Orient sur des bases de confiance et la garder
militaire-ment mobilisée chaque fois sur un objectif nouveau.
Tous les peuples de cette région veulent la paix et des relations
amicales avec l’Amérique. Seul Israël met en avant sa sécurité
qu’il accuse le monde entier de menacer et dont il cherche la garantie
dans les moyens militaires des Etats-Unis. Quand Saddam Hussein a commis
l’erreur tragique d’envahir le Koweït (encou-ragé, dit-on,
par l’attitude ambiguë de l’ambassadrice des Etats-Unis, alors à
Bagdad), il a fourni à Washing-ton le motif idéal pour intervenir,
militairement, et donner raison à Israël.
Depuis huit ans, on continue dans cette voie. Et si l’Irak, grâce
à Kofi Annan (à la France, à la Russie et à
la Chine) peut, pour le moment, espérer sortir de ce jeu, voici
qu’on pointe du doigt la prochaine cible: l’Iran.
Pendant ce temps, il n’est plus question de la paix arabo-israélienne.
C’est ce que veut M. Netanyahu.
***
“Les Etats-Unis n’ont plus les moyens politiques de fonctionner comme
la puissance dirigeante dans les affaires du monde”.
C’est M. William Pfaff qui l’écrit dans “International Herald
Tribune” du 21 novembre 1997. Et il ajoute: “Il y a une contradiction fondamentale
entre ce que les Etats-Unis tentent de faire pour diriger le monde et ce
qu’ils sont capables ou désireux de faire pour justifier cette préten-tion...
Leur politique est trop souvent vaine et intellectuel-lement indéfendable.
Pour Washington, continuer dans cette voie, c’est risquer non seulement
de se discréditer, mais de nuire durablement à l’intérêt
national.”
C’est bien cet “intérêt national” que Mme Albright mettait
en avant au lendemain du retour de Kofi Annan de Bagdad, pour justifier
la prétention de Clinton d’être seul juge des résultats
de l’accord conclu entre l’Irak et l’ONU.
En quoi consiste donc, aujourd’hui, cet “intérêt national”
des Etats-Unis en Orient?
A détruire l’Irak? A entretenir la méfiance et l’hostilité
d’un monde arabe frustré de la paix qui lui avait été
promise? A refuser le dialogue avec l’Iran? A développer une nouvelle
forme d’hostilité à la Russie autour de la Mer Caspienne?
A encourager la Turquie dans sa politique chypriote et kurde? A développer
dans la région un nouveau courant d’instabilité et de troubles?
A relancer les violences populaires, l’intégrisme religieux, le
terrorisme?
Une politique résolue de compréhension, de paix et de
justice ne rendrait-elle pas à l’Amérique sa crédibilité
et ne serait-elle pas plus propre à garantir ce fameux “intérêt
national”?
L’intérêt national des Etats-Unis ne peut-il reposer que
sur les démonstrations de force et la menace?
***
On appelait cela, au XIXème siècle, la “diplomatie de
la canonnière”.
Environ deux siècles sont passés. Et on a inventé
l’ONU pour arbitrer les conflits et être la gardienne de la paix.
Et on l’a installée à New York, en territoire américain,
pour mieux souligner qu’elle n’est pas, comme le fut la SDN, sous l’influence
de l’Europe et de ses querelles - et que l’Amérique y est tout à
fait impliquée.
Maintenant, l’Amérique marginalise l’ONU quand cela lui convient
(singulièrement quand il s’agit d’Israël) - elle s’abstient
de payer sa quote-part pour mieux la tenir en laisse - elle a tenu à
éliminer Boutros Ghali qui n’était pas assez docile à
ses directives (spécialement parce qu’il avait accepté le
rapport de ses experts mettant en cause Israël dans le massacre de
Cana) - elle l’a remplacé par Kofi Annan qui lui paraissait plus
flexible. Kofi Annan vient de prouver, dans l’affaire irakienne, qu’il
savait garder sa liberté de jugement. M. Clinton n’en continue pas
moins d’user du langage de la force. Albright, Cohen, Berger, Richardson
(délégué au Conseil de sécurité) l’assistent
avec un zèle renouvelé. Ils s’emploient à entretenir
le doute sur les résultats acquis par Annan. Ils agitent des menaces.
A peine votée la dernière résolution du Conseil de
sécurité, à l’aube du 3 mars, approuvant l’accord
de Bagdad sans autoriser des ripostes automatiques en cas de violation,
réservant au Conseil le droit d’apprécier, que Washington
proclamait qu’il n’avait pas besoin de résolution pour frapper.
Où est l’intérêt des Etats-Unis? On souhaiterait
que ce soit explicité. Car tout le monde en est soucieux. Personne
ne veut faire du tort aux Etats-Unis, ni Hosni Moubarak, ni Hussein de
Jordanie, Ni Fahd d’Arabie séoudite, ni aucun émir du Golfe,
ni Hafez el-Assad... Mais qui alors? Nouhad Bouez peut-être? |
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