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LA REVANCHE DE L’ONU |
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Face
au danger, à la duplicité de Saddam Hussein et, d’autre part,
à l’intransigeance jupitérienne de Bill Clinton, Kofi Annan
a gagné le pari et a réussi son premier grand test diplomatique.
Toutefois, pour mieux comprendre Saddam Hussein, il fallait se pencher sur l’histoire de ses ancêtres, Nabuchodonosor et Haroun el-Rachid, que sur les manuels de sciences po et les pratiques de la politicardie contemporaine. Kofi Annan, en bon vétéran diplomatique, l’a bien saisi. Dans cette épreuve de force, la France a pesé de tout son poids, en incitant celui-ci à entreprendre sa difficile mission de la dernière heure. Il était temps que l’ONU secouât la tutelle américaine et reprît son rôle d’arbitre. Toutefois, quelles leçons faut-il tirer de cette crise? Apparemment trois: la première c’est que les Nations-Unies ont récupéré leur rôle prééminent dans la gestion des affaires internationales jusqu’alors assurées par les Etats-Unis, envers et contre tous. L’accord que vient de conclure le secrétaire général Kofi Annan avec Bagdad, doit rappeler à chacun et à tous que le monde n’est guère unipolaire, ni bipolaire, mais multipolaire. L’événement en lui-même est lourd de significations et devrait amener l’administration américaine et les faucons du Pentagone à réviser sérieusement la manière dont ils devraient désormais assumer leurs responsabilités, dans un monde en perpétuelle mutation qui refuse l’hégémonie d’où qu’elle vienne, surtout quand elle est exercée arbitrairement. L’Amérique est investie d’une mission qu’elle s’est attribuée de conduire unilatéralement le monde. Or, ce modèle est révolu. Et l’ironie de l’histoire a voulu que ce gendarme de la planète soit l’ONU, dont le secrétaire général vient de prouver d’être l’homme qu’il faut, non seulement pour gérer les conflits mondiaux, mais aussi pour aider pacifiquement à leur solution. Deuxième leçon à retenir et qui nous concerne en
premier, c’est que l’administration américaine ne dispose d’aucune
stratégie viable pour le Proche-Orient. Elle s’entête à
utiliser la force contre l’Irak, qu’elle qu’en soit l’issue sans aucune
raison politique valable qui puisse convaincre l’opinion mondiale, ni ses
partenaires occidentaux, encore moins ses alliés arabes les plus
proches, surtout que la situation qui prévaut dans la région
diffère de celle de 1991. L’embargo imposé à l’Irak,
dont sont victimes des milliers de nourrissons manquant de médicaments
et de nourritures, - un enfant sur six meurt toutes les six minutes selon
l’Unicef, - sans feindre d’oublier les bombardements successifs américains
en 92, 93 et 96 témoignent d’un acharnement anti-irakien arbitraire
dont les principales pertes sont civiles et ne font que sensibiliser davantage
les pays arabes à fraterniser avec le peuple irakien, en dépit
de leur méfiance affichée à l’égard de Saddam
Hussein.
Troisième leçon la plus décevante, peut-être:
l’attitude de l’Europe face à l’hégémonie rampante
américaine devenue incontournable.
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![]() “Au nom de la libre circulation de l’information et de la diffusion des images, l’Amérique tient à la fois à faire connaître son mode de vie, ses valeurs et briser le perfectionnisme du génie français.” IRWIN WALL
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