Le
président Hariri avec le patriarche Ignace IV Hazim
et les hauts prélats de la communeauté grecque-orthodoxe.
Pourquoi le “ballon d’essai” du ministre
de l’Intérieur?
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La planche
de salut est venue, cette fois encore, de Damas dont l’intervention a contribué
à rasséréner l’atmosphère - pour combien de
temps? - et à apaiser les esprits...
N’était-ce l’annonce d’un sommet libano-syrien imminent, les
divergences au niveau du Pouvoir se seraient perpétuées,
ce qui aurait eu des répercussions négatives sur la scène
locale, en particulier dans le domaine socio-économique.
Entre-temps, Michel Murr, ministre de l’Intérieur, proche de Damas,
surprenait tous les milieux en insinuant, à l’issue d’une entrevue
avec le chef de l’Etat, que la Constitution pourrait être amendée,
en prévision des présidentielles de l’automne.
Ceci permettrait, à son avis, plusieurs options, dont une nouvelle
reconduction du mandat du président Hraoui et la possibilité,
pour les fonctionnaires de la première catégorie et les officiers
supérieurs de l’Armée, de briguer la magistrature suprême!
La “sortie” de Murr a posé plus d’un point d’interrogation, bien
que ce dernier se soit empressé d’expliciter le fond de sa pensée,
en assurant qu’il n’avait fait qu’exprimer son opinion personnelle, tout
en niant son intention d’ouvrir, prématurément, la “bataille
présidentielle”...
POURQUOI CETTE HÂTE?
Tout compte fait, le dossier présidentiel devrait être ouvert
durant la session ordinaire de la Chambre - allant du 17 mars au 30 mai
- pour permettre l’éventuelle révision de la Constitution,
s’il était question de reconduire une seconde fois le mandat du
chef de l’Etat.
La hâte du ministre de l’Intérieur s’explique donc, quoiqu’elle
ait pris de court les milieux officiels et politiques. Ces derniers auraient
préféré que M. Murr gardât le silence à
ce sujet jusqu’après le prochain sommet libano-syrien...
Un autre sujet faisant l’objet de tractations est celui posé par
la décision gouvernementale instituant une taxe de un pour cent
sur le volume des affaires, entre autres moyens d’accroître les rentrées
du Trésor.
A ce propos, il y a lieu de signaler que M. Fouad Sanioura, ministre d’Etat
pour les affaires financières, n’est pas parvenu à faire
admettre cette nouvelle taxe par les organismes économiques. En
effet, la réunion qu’il a tenue avec les représentants des
commerçants et des industriels n’a donné aucun résultat,
ceux-ci s’étant opposés à cette surcharge fiscale
qui aurait des retombées négatives sur l’économie
nationale dans son ensemble, spécialement sur les secteurs productifs.
Quant aux concertations que le Premier ministre a effectuées avec
les divers milieux, elles ne semblent pas devoir donner les résultats
qu’il en escompte, surtout par rapport aux modalités de financement
de certains projets, sans envisager d’instituer de nouveaux impôts
et taxes.
RETOUR AU POINT DE DÉPART...
Pour cette raison, l’opposition s’attend que le Premier ministre revienne
au point de départ, celui-là même où il se trouvait
avant d’entreprendre ses consultations avec les instances politiques, religieuses,
économiques et syndicales...
Ainsi, le statu quo serait maintenu, en ce qui concerne le plan de développement
et d’équipement, quant à l’impossibilité d’en assurer
le financement. De ce fait, le Cabinet ne pourrait pas faire ratifier
la nouvelle échelle des salaires, ni assurer le retour des personnes
déplacées, encore moins exécuter des projets d’utilité
publique dans les régions sous-développées... Autant
de dossiers qui devraient être laissés au futur régime!
Sinon, pourquoi M. Hariri a-t-il reporté la réunion hebdomadaire
du Conseil des ministres, ce dernier étant censé examiner
et adopter le projet remanié relatif à l’échelle des
salaires?
Cela dit, un autre sujet risque d’accaparer l’attention et l’intérêt
des milieux officiels et parlementaires, à savoir: l’éventuel
amendement de la Constitution, en prévision des présidentielles.
Le mois de mai marquera le dernier délai pour la révision
constitutionnelle, ce qui pourrait contraindre le Sérail à
ajourner, une fois de plus, les élections municipales!
LE SOMMET LIBANO-SYRIEN
M. Hariri s’était rendu, dernièrement, sur les bords du Barada
pour faire part de ses préoccupations quant au problème gouvernemental
et juger de la disposition des “décideurs” à favoriser un
éventuel remaniement ministériel...
Il semble que ces derniers aient conseillé un certain attentisme,
de crainte de remous sur le plan libanais, très peu recommandés
en raison de la conjoncture régionale peu propice à un changement
au niveau du Cabinet.
Aussi, les trois présidents (Hraoui, Berri et Hariri) multiplient-ils
les concertations, d’autant que les contacts intensifs entamés par
Tel-Aviv en Europe, aux Etats-Unis et ailleurs, à l’effet d’expliciter
leur position envers l’application de la 425, appellent la troïka
à plus de vigilance.
Ceci exige un nouvel échange de vues avec Damas, les deux pays insistant
sur le fait que la résolution mentionnée, votée par
le Conseil de Sécurité il y a près de vingt ans, exige
le retrait immédiat et inconditionnel de “Tsahal” du Liban-Sud et
de la Békaa ouest, alors que l’accord mixte d’armistice de 1949,
régit les rapports entre le Liban et l’Etat hébreu. Il n’est
donc pas question “d’arrangements de sécurité”, comme le
réclame Israël.
La position libanaise sera notifiée, de vive voix, à MM.
Kofi Annan, secrétaire général des Nations Unies et
Robin Cook, chef du Foreign Office, lors des visites qu’ils effectueront
à Beyrouth dans la seconde quinzaine du mois courant.
Le Liban s’informe, en même temps, de la teneur des pourparlers que
Benjamin Netanyahu a eus avec ses homologues européens et Mordehaï,
ministre israélien de la Défense à Paris et, surtout,
de leurs résultats sur le plan pratique.
Ceci a imposé le nouveau sommet libano-syrien, davantage que les
sept heures d’entretiens que le chef du gouvernement a eus à Bkerké
avec les prélats maronites, le cardinal Sfeir en tête. Car
en dépit de son importance, cette rencontre du Premier ministre
avec les archevêques, ne semble pas devoir donner un résultat
à la dimension des espoirs qu’il y a fondés. En effet, avant
son départ pour la Cité du Vatican, le patriarche maronite
a dit que “certaines réponses du chef du gouvernement n’étaient
pas très convaincantes”, tout en se disant déterminé
“à se faire toujours l’écho de la voix du peuple.”
DANS LE CAMP CHRÉTIEN
Quoi qu’il en soit, M. Hariri a visé de sa visite au siège
patriarcal maronite; puis, aux chefs spirituels des autres communautés,
à améliorer son image au niveau de la rue chrétienne
où son crédit ne cesse de s’effriter. Et ce, partant de sa
conviction que le camp chrétien, qui se sent marginalisé
sous ce régime, serait acquis à l’idée qu’il faut
changer la situation au sommet de la pyramide, pour rendre possible un
changement à l’échelle nationale. On sait, d’ailleurs, que
le président du Conseil n’est pas très enclin à renouveler
le mandat présidentiel et il l’a clairement dit il y a quelques
semaines...
On s’attendait que M. Hariri mît fin à sa tournée auprès
des instances spirituelles; il n’en fut rien. En effet, il devait conférer
avec les patriarches grec-orthodoxe, S.B. Ignace IV Hazim; arménien-orthodoxe,
Kéchichian; arménien-catholique, Kasparian; puis, avec les
partis arméniens et les dirigeants syndicalistes et diverses personnalités
politiques.
En bref, le Premier ministre s’est employé à justifier sa
gestion de la chose publique, faisant retomber sur d’autres la responsabilité
de la politique qu’il a instaurée depuis la formation de son premier
Cabinet, en 1992...
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