Les
Libanais se perdent en conjectures sur les motifs ayant favorisé
la libération des Libanais détenus dans les prisons syriennes
(notre photo). En effet, ils s’interrogent sur son timing. Comme il y a
eu deux précédentes “grâces spéciales” en des
circonstances déterminées, on présume que celle d’aujourd’hui
pourrait être en rapport avec la bataille présidentielle...
Un ministre proche de Damas nie vouloir ouvrir, prématurément,
cette “bataille”, après avoir lâché un ballon d’essai
ayant produit un effet contraire à celui qu’il voulait atteindre...
A la suite de la libération, en deux groupes, de cent vingt-et-un
Libanais détenus depuis longtemps dans les prisons syriennes, le
service de presse du palais de Baabda s’est empressé d’annoncer
que, depuis son entrée en fonctions (il y a neuf ans), le chef de
l’Etat se serait penché sur ce dossier et l’aurait placé
en tête de ses préoccupations...
S’il en est ainsi, il a mis du temps pour convaincre Damas de libérer
plusieurs dizaines de personnes innocentes, arrêtées pour
la plupart au Liban, pour on ne sait quels motifs.
Ces malheureux “prisonniers” auraient dû être livrés,
dès leur arrestation, à la Justice libanaise, pour répondre
des chefs d’accusa-tion qu’on leur aurait éventuelle-ment attribués.
Or, dix-huit d’entre eux, seulement, sont gardés à vue, à
Beyrouth parce qu’ils sont l’objet de mandats d’arrêt pour divers
crimes ou délits dont on ne connaît pas encore la nature.
Pour en revenir à la libération de ces détenus
ayant passé tant d’années dans les prisons syriennes, il
est de notoriété publique que l’action intensive menée
en leur faveur, ici et à l’étranger, par Amnesty Inter-national
et d’autres organisations militant en faveur des droits de l’homme, ont
pesé dans la décision de les relâcher prise par Damas,
soucieux de sa crédibilité.
Fort heureusement, pour près de quatre-vingt-six de nos compa-triotes,
le calvaire a pris fin. Il importe, à présent, qu’ils n’aient
pas trop souffert d’une si longue incarcération dont on peut imaginer
la rigueur. Puisse-t-elle ne pas avoir laissé des séquelles
sur leur physique et, surtout, sur leur moral.
Cela dit, rappelons que deux grâces spéciales avaient
été accordées, au préalable, à des groupes
de Libanais emprisonnés dans le pays voisin: d’abord, en 1986, pour
renforcer, dit-on, la position d’Elie Hobeika, suite à son exclusion
du commandement des “Forces libanaises”, au lendemain de la signature de
l’accord tripartite; puis, en 1991, après le départ du général
Michel Aoun du palais de Baabda.
Ces amnisties étaient donc inter-venues aux deux dates mention-nées,
dans des circonstances déterminées et un but précis.
Qu’est-ce qui motive, à présent, l’élargissement des
cent vingt-et-un détenus libanais?
Les gens se perdent en conjectures, d’autant que cette “grâce
spéciale” intervient huit mois avant l’expiration du mandat présidentiel...
Serait-ce un prélude à une nou-velle révision
de la Constitution, afin de permettre la prorogation, une seconde fois,
de ce mandat?
D’ores et déjà, un membre du gouvernement proche de Damas,
en l’occurrence le ministre de l’Intérieur, s’est prononcé
lundi, en quittant le palais de Baabda, en faveur d’un nouvel amendement
de la Constitution. “pour ouvrir la voie à toutes les possibilités
et, en tout premier lieu, au président de la République,
parce qu’il a donné la preuve de sa compétence et de sa capacité
à prendre des décisions importantes” (sic)... Sans commen-taire.
Par ailleurs, peut-on s’attendre à la clôture définitive
du dossier des prisonniers, en échangeant les personnes détenues
dans les deux pays - le nombre des Syriens incarcérés chez
nous étant minime - par le canal de leurs institutions qualifiées?
Tel est le vœu des Libanais bien pensants qui souhaitent voir s’établir
les relations entre le Liban et la Syrie sur base du respect mutuel de
leur souveraineté et de leur indépendance. |