Chronique


Par JOSE M. LABAKI  

 
DIATRIBES AMÉRICAINES ET EXCEPTION FRANÇAISE
La realpolitik américaine fait faillite. Le monde dont elle se veut, envers et contre tous, l’unique gendarme, en a marre de ses incartades et de son hégémonisme déroutant. Elle a choisi comme principal rival, la France, pour avoir refusé de s’aligner aveuglément au code de la mondialisation et de la pensée unique.
Experts, médias et magnats publicitaires américains s’activent au quotidien, à persuader l’opinion mondiale du triomphe de l’ordre industriel américain, face à l’anarchisme du système français de l’Etat providence. Les deux  “Cohen”: Roger du “New York Times” et William du Pentagone s’allient pour mener une campagne tous azimuts contre l’exception française.
“Les Français, disent-ils, ne comprennent rien à la modernité. De tout temps, ils n’aiment pas les Etats-Unis, s’accro-chent à un socialisme défaillant à tous les niveaux et dans tous les domaines, arguant que la France récalcitrante a choisi de devenir ce qui ressemble à un rival idéologique sérieux des Etats-Unis.
Le refus de la France de reconnaître la mondialisa-tion comme un code de conduite inévitable, n’est qu’un argument pour la préservation d’une idée qui lui est chère et qu’elle cultive, depuis la nuit des temps: la Francophonie.
Face à ces attaques infondées, c’est à la France qu’il incombe d’être sur la défensive, sans trop ménager la politique outre-Atlantique. Vouloir confondre, désormais, libre-échangisme et liberté, marché et démocratie, c’est emboîter les efforts des Etats-Unis à gérer les affaires de la planète, ce qui est impardonnable. Et dans cette optique, la France est l’adversaire préférentiel. Elle résiste à la baisse des salaires et à la révision du système de santé; ses syndicats combattent les réformes sociales, alors que le “management” américain y voit un élément décisif de la concurrence mondiale et, de surcroît, les Français conservent dans l’imaginaire américain une image de snobs.
Aux Etats-Unis, le téléspectateur le plus indifférent, ne peut ignorer que la France est un pays qui contingente les films américains, qui tente d’éradiquer les termes anglais de son vocabulaire. Autrement dit, un peuple “cabochard” qui persiste à naviguer à contre-courant de l’économie mondiale et de la culture anglo-saxonne; système de gouvernement intraitable, interdisant à ses citoyens de surfer sur les gammes de plaisirs sensuels, comme sur les ondes extatiques du commerce. “Un peuple rabat-joie”, décidé à gâcher la douce musique américaine que le monde entier brûle d’envie d’entendre. Autant de diatribes américaines, devenues coutumières, dont les Français de tous bords se moquent carrément.
Les procureurs qui mettent la France en cause sont légion. Le plus constant d’entre eux, est le “New York Times”, dont les éditorialistes et les correspondants en Europe ne cessent de harceler la France à tort et à travers. Thomas Friedman, éditorialiste du “New York Times” qui fut longtemps correspondant au Proche-Orient, dans un récent commentaire, crache tout son venin: “Les Français, dit-il, s’obstinent à vouloir entraver le puissant flot de l’Histoire. Ils sentent que le monde change, mais veulent en entraver la marche”.
Et dans un ton non moins cynique, le “Business Week”, enfonce le clou: “Imaginez un pays où un patron risque la prison, parce que les cadres de l’entreprise travaillent plus de trente-neuf heures sans être rétribués en heures supplémentaires. Le système français récompense les zélotes suivant le chemin qui leur est tracé, alors que le système américain invite les citoyens à manifester.”
En d’autres termes, le mal français ne relève pas de l’obstination de l’erreur économique, il est plutôt caractérisé par la lutte des bureaucrates contre les ayants-droit, de l’Académie française contre Internet, de l’élite contre la masse.
Dans un style un peu moins polémiste que de coutume, l’éditorialiste du “New York Times” écrit: “La France ne fait rien de moins que du pied aux ennemis de l’Amérique qui sont, souvent, les ennemis de la modernité”. Le moindre choix fait à Paris, dit-il, s’explique par des fabulations culturelles douteuses. L’aspiration à la grandeur, les prétentions excessives à la mode gaullienne, le sentiment d’occuper une position proche du centre du monde. Ces vanités, empêchent les Français d’embrasser l’exaltant avenir multiculturel, dont l’Amérique se veut l’épicentre.
Victimes de l’utopie gaullienne, d’une certaine idée de la France, ce pays serait en pleine léthargie, menacé par l’innovation, ses technocrates semblant dépassés par l’économie globale et ses syndicats arborant les fanions de l’illusion d’un socialisme épuisé, en dérive.
La France se trouvera-t-elle, effectivement, seule face à l’assaut supersonique des Etats-Unis, après tous les sacrifices qu’elle a dû consentir pour sauver, non seulement le vieux Continent, mais aussi et, surtout, les valeurs européennes aujourd’hui menacées?
Face à tous ces commérages ennuyeux à tous égards, la France n’est, certes, pas seule. Ses amis et alliés de par le monde, formeront, désormais, leurs bataillons à la défense d’une civilisation dont les incom-mensurables bienfaits au service de l’hu-manité sont toujours en vigueur. Car, c’est de la primauté de l’esprit qu’il s’agit et qu’elle a à sa charge depuis un âge lointain. 
 
 “L’exception française est une affaire de civilisation autant que de diplomatie et de militarisme”

Maréchal Lyautey
 

 

  

 


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