DENONCANT LA SURTAXE DE 2% SUR LES IMPORTATIONS
LES EXPERTS ECONOMISTES PRECONISENT LA REFONTE DE LA POLITIQUE FISCALE

 
Les avis sont partagés au sein du gouvernement sur la justesse de la surtaxe de 2%.

 
 

Le règlement d’un problème en a engendré d’autres. En effet, au lieu de trancher l’affaire de l’échelle des salaires dans le secteur public, le projet y relatif a surchargé les citoyens de condition modeste et à revenu limité, d’une nouvelle surtaxe (de 2% sur les importations). 

Le projet a été examiné par étapes: la première, en Conseil des ministres qui l’a approuvé la semaine dernière après une longue gestation, la seconde étant encore plus dure, car il s’agit de trouver une source de financement pour couvrir les milliards que vaudra au Trésor son application au début de l’an prochain. 
Selon les études effectuées par les services qualifiés des Finances, la nouvelle échelle nécessitera le débours de 400 milliards de livres. Décision a été prise d’instituer une surtaxe de 2 pour cent sur les importations de produits non exemptés des taxes douanières. En plus de cela, une taxe de 10 pour cent sera imposée au tabac et tombac importés. 
Ces taxes assureront, dit-on, des recettes évaluées à près de 250 milliards. Où trouver le restant de la somme, l’argent nécessaire à cette fin devant couvrir une année? Or, le projet a un effet rétroactif à dater de 1996. Il faudra donc assurer des montants supplémentaires. 
Les présidents de la République et du Conseil avaient conféré, au préalable, avec le ministre d’Etat pour les affaires financières, avant de soumettre le projet mentionné au Conseil des ministres. 

TOLLÉ GÉNÉRAL... 
Les responsables ont cru, ainsi, prendre de court l’opinion publique et prévenir des remous au niveau de la rue. 
Or, non seulement un tollé général s’est manifesté dans les milieux populaires, mais les organismes économiques ont violemment réagi et protesté, comme ils l’avaient fait, précédemment, suite à l’institution d’une surtaxe d’un pour cent sur le chiffre d’affaires. 
Des signes de désapprobation devaient être détectés au sein de l’équipe gouvernementale. De fait, M. Nadim Salem, ministre de l’Industrie, a laissé entendre qu’il pourrait rendre le tablier, si la surtaxe de 2 pour cent était maintenue sur les matières premières importées destinées aux entreprises industrielles. 
Il a justifié sa position négative par sa crainte de voir le volume des importations régresser en raison de la nouvelle surcharge douanière. 
De son côté, M. Michel Murr, vice-président du Conseil, ministre de l’Intérieur, a insisté sur la nécessité de déterminer les sources de financement, avant d’approuver le projet de l’échelle des salaires, à l’effet d’éviter les réactions défavorables. 
En revanche, M. Mahmoud Abou-Hamdane, ministre de l’Habitat et des Coopératives, s’est prononcé en faveur de l’adoption, séance tenante, dudit projet, quitte à instituer un débat à la Chambre sur la question de son financement. Tout en préconisant de présenter la surtaxe d’un pour cent sur le chiffre d’affaires d’une manière différente, afin de la rendre acceptable par les milieux concernés... Autrement dit, de dorer la pilule pour que ces derniers puissent l’avaler... 

RENVOI DU PROJET AU FUTUR RÉGIME? 
Etant donné les réactions presque toutes défavorables, les observateurs s’attendent que la nouvelle échelle des salaires (à l’instar du mariage civil facultatif), soit renvoyé au futur régime, pour lui faire assumer la responsabilité de son adoption et, partant, de son financement. 
M. Elie Yachouhi, économiste, observe que le préjudice pouvant découler de l’institution de la surtaxe de 2 pour cent sur les importations et de celle de 10 pour cent sur le tabac et tombac importés, excède de loin leurs avantages présumés: “Comment, se demande-t-il, peut-on se permettre d’instituer de nouveaux impôts aujourd’hui, tout en reportant au début de l’an prochain le paiement des sommes dues aux fonctionnaires?” 
M. Yachouhi critique le moyen auquel recourt le gouvernement pour renflouer le Trésor, en élaborant des projets dont le financement n’est pas assuré à l’avance. Il suggère l’institution de taxes de 7 à 10 pour cent sur les produits de consommation importés de l’étranger et faisant la concurrence à des produits similaires de fabrication locale, surtout si ces derniers rivalisent en qualité avec les produits importés. “De cette manière, dit-il, nous ferons d’une pierre deux coups: assurer des revenus au Trésor et protéger, en l’encourageant, la production nationale.” 

OUI À LA MAJORATION DES TAXES DOUANIÈRES 
Contrairement à ceux qui s’opposent à la majoration des taxes douanières, M. Yachouhi est d’avis qu’il faut majorer ces taxes pour une période déterminée et non à longue échéance. “En vertu de l’accord de partenariat euro-méditerranéen et de l’Organisation mondiale du commerce, d’autant que nous sommes un Etat en voie de développement, nous avons le droit de relever les taxes douanières à titre temporaire, aux fins de soutenir nos secteurs productifs, lesquels ont un pressant besoin de cette mesure pour améliorer leur situation.” 
L’expert économiste doute, par ailleurs, de l’assertion de M. Fouad Sanioura, ministre d’Etat pour les affaires financières, selon laquelle la surtaxe de 2 pour cent sur les importations accroîtra les prix des produits importés dans une proportion n’excédant pas 2 à 2,5 pour cent. “Les prix renchériront davantage, soutient-il, étant donné l’inefficacité des organismes de contrôle étatiques.” 
Et d’enchaîner: “Le fonctionnaire ne touchera son nouveau traitement qu’à dater du 1er janvier 1999 et d’ici là, les prix auront flambé sur le marché local. Comment parviendra-t-il à assurer les besoins de sa maisonnée? Et à présent, on insinue que le prix de l’essence pourrait être relevé, ce qui  grèverait le budget des gagne-petits.” 
M. Yachouhi préconise, enfin, une refonte de la politique fiscale, pour pouvoir redresser une situation socio-économique défectueuse. “Ceci étant dû à l’absence de la mécanisation dans les services gouvernementaux et de conceptions économiques modernes.” 

BEYROUTH APPRÉHENDE UNE “EXPLOSION” 
L’Association des industriels ne cache pas son désappointement et s’élève contre la surtaxe de 2 pour cent “qui, dit son président, accroîtra le prix de revient de la production nationale, au point qu’elle cessera d’être compétitive.” 
Sur le plan syndical, la CGTL (indépendante) que préside M. Elias Abou-Rizk, menace de descendre dans la rue, d’organiser des sit-in et des grèves, en signe de protestation contre la “politique d’appauvrissement” suivie par le gouvernement. 
De son côté, M. Ghanim Zoghbi, président de la CGTL (reconnue par l’Etat), a annoncé l’annulation des meetings qui devaient marquer la fête du 1er mai et critique, ouvertement, la politique du Cabinet. 
Il en est de même pour les partis, forces nationales et la “Jamaa Islamiya” qui proclament leur opposition à l’institution de nouveaux impôts et taxes sur la classe laborieuse. 
Parallèlement au tollé général suscité par la surtaxe de 2%, les tractations autour de la résolution 425 continuent à préoccuper les milieux officiels qui appréhendent un retrait subit des forces israéliennes du Liban-Sud. Aussi, Beyrouth maintient-il le contact avec Damas qui se concerte avec Téhéran, en vue de coordonner les positions face aux manœuvres de l’Etat hébreu et, partant, de faire face à toutes les éventualités. 
Quoi qu’il en soit, la nature de l’action diplomatique libanaise ne sera définie que vers la mi-mai, dans l’attente des résultats de la rencontre quadripartite de Londres prévue pour le 4 courant. 
Comme on le constate, des pressions sont exercées sur les scènes locale et régionale qui risquent de déboucher sur une explosion, dont on ne sait où et quand elle se produira! 

 
 
 
 
 

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