tribune
 
TONY BLAIR SUR LA POINTE DES PIEDS
Qu’est-ce que M. Tony Blair est venu faire à Jérusalem et à Gaza après avoir touché le Caire et Amman?
Donner des apaisements à M. Netanyahu et tromper l’attente de M. Arafat? Confirmer l’absence d’une politique européenne indépendante de celle de Washington? User de son charme personnel de jeune Premier ministre comme s’il s’adressait à ses électeurs? Mettre Hosni Moubarak et le roi Hussein dans son jeu?
Que vient faire Mme Albright à Londres le 4 mai? On le sait: rencontrer, séparé-ment, M. Netanyahu et M. Arafat que M. Dennis Ross, doublé de M. Martin Indyk, s’emploie ces jours-ci à préparer à cette rencontre (qualifiée, comme chaque fois, de “dernière chance”) en usant d’un argument tellement éculé qu’il ne fait plus aucun effet: Mme Albright, lassée, menace de renoncer à toute médiation. Ce n’est certainement pas M. Netanyahu qui en serait troublé.
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Tout se passe, depuis que M. Clinton a décidé de relancer le processus de paix, comme si les efforts américains et anglais se limitaient à convaincre les Palestiniens de modérer leurs ambitions et les Israéliens de se montrer plus “flexibles”. En vain, bien entendu; on le sait d’avance. A cet égard, il n’y a strictement rien de nouveau, pas la moindre initiative sortant de la routine d’une diplomatie sans imagination et sans courage. Il ne s’agit apparemment que de gagner du temps.
Peut-on prendre davantage au sérieux M. Kofi Annan quand il décide de mettre sous étude les modalités d’application de la 425 au Liban-Sud? Jusqu’ici, le secrétaire général de l’ONU n’a réussi, par des propos ambigus calqués sur ceux de Mme Albright, qu’à susciter l’inquiétude du Liban et la suspicion de la Syrie.
Dans tous les cas de figure de ces dernières semaines d’activité diplomatique, la seule donnée sûre qui ressort, c’est la conformité du comportement de tous les acteurs, Tony Blair, Madeleine Albright, Kofi Annan au bon plaisir de M. Netanyahu. Là où l’on attendait une pression énergique, on n’a vu que sourires et caresses. Tout est fait pour ne pas avoir l’air de vouloir prendre le chef du gouvernement israélien à rebrousse-poil. Cela était particulièrement remarquable au cours de la visite de M. Tony Blair qui avait renoncé à passer la nuit à Gaza, parce que M. Netanyahu ne le voulait pas; qui avait annulé une visite à un lycée, parce que cet établissement porte le nom d’Isaak Rabin; qui n’a pu déposer une couronne sur la tombe du signataire des accords d’Oslo assassiné que flanqué d’un ministre délégué par Netanyahu. Celui-ci avait, ainsi, tenu à surveiller toutes les démarches de son hôte, tout en l’encensant comme le fidèle ami d’Israël “depuis toujours”.
M. Tony Blair s’est laissé mener sans jamais se départir de son charmant sourire, en assurant à chaque pas qu’il n’irait pas sur les plates-bandes de Mme Albright. M. Netanyahu n’en demandait pas plus.
Le Premier ministre de Sa Majesté britannique aura réussi à faire oublier le chef du Foreign Office qui, lui, avait carrément mis les pieds dans le plat lors de sa récente visite à Jérusalem. M. Robin Cook avait eu la malencontreuse idée, sur la colline de Har Homa, de serrer la main d’un député israélien mais arabe et de proclamer le caractère illégal et illégitime de la colonisation. On se souvient que M. Netanyahu l’avait puni en le privant d’un dîner officiel. M. Blair, par contre, n’a reçu que des éloges.

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Les gouvernements arabes qui réclament des pressions américaines et européennes sur M. Netanyahu, savent maintenant qu’ils ne doivent rien espérer de ce genre. Au contraire, c’est sur les Palestiniens, sur Beyrouth et sur Damas que les pressions se concentrent. Et pour ce faire, on voit même que certains dirigeants arabes s’y emploient eux aussi, de concert avec les Américains et avec M. Annan, tout en prenant publiquement des positions fermes à l’appui des thèses libano-syriennes et des exigences de M. Arafat. Discours pour la consommation intérieure.
Depuis Madrid, les Etats arabes affrontent la diplomatie américano-israélienne en ordre dispersé. Pendant de nombreuses années, ils ont compté sur l’ONU et sur la loi internationale. L’ONU a été systématiquement marginalisée par Israël et par les Etats-Unis. Et quand ces derniers, dans leur souci de justifier leur intransigeance vis-à-vis de l’Irak, acceptent de revenir aux résolutions de l’ONU au sujet de la Palestine et d’Israël, c’est aussitôt pour soutenir qu’on ne peut plus les appliquer qu’en prenant en compte “l’évolution sur le terrain”. C’est-à-dire en légitimant les faits accomplis d’Israël. A aucun moment, en aucun cas, il n’est question de faire revenir Israël sur ce qu’il a accompli dans la plus parfaite illégalité, ou de lui faire indemniser ses victimes.
Le cas de l’annexion de Jérusalem est, à cet égard, le plus remarquable.
Les Arabes sont invités, une fois de plus, à se montrer réalistes.
La sécurité d’Israël demeure l’argument décisif. Et ce n’est pas sur des traités de paix fondés sur la restitution des territoires que M. Netanyahu entend bâtir cette sécurité. Il n’a pas confiance dans ses voisins. Il préfère s’enfermer dans son ghetto après l’avoir élargi. C’est aussi simple que cela.
Que Mme Albright renonce à s’entremettre pour la paix, qu’est-ce que cela lui fait? Il ne pourrait que s’en réjouir comme d’un succès de ses tactiques dilatoires.
Quant aux réactions de violence de ses victimes arabes, il croit pouvoir toujours y faire face. C’est un dangereux pari. 

 
 
 

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