Je me considère comme un médiateur entre les partis
du Congrès et de la Réforme
La Grande-Bretagne a implanté l’Etat hébreu
au cœur du monde arabe et islamique
La Constitution yéménite protège la
liberté et la démocratie
L’intégrisme n’a pas droit de cité dans
notre pays
Le président Assad représente la fierté
arabe
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Cheikh
Abdallah Ben Hussein el-Ahmar, président de l’Assemblée nationale
yéménite, chef des tribus Hached, m’a reçu dans son
bureau, en sa résidence de Sanaa, à une heure de l’après-midi
(dite “Al-Mokbel”), au cours de laquelle les Yéménites se
retrouvent pour échanger les vues sur les problèmes politiques
et sociaux du moment, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur
du pays.
Notre entretien s’est déroulé en présence
de nombreux visiteurs, au su et au vu de ces derniers, les réponses
de cheikh Abdallah étant marquées par la clarté et
la franchise.
Notre première question a porté sur la situation au
Yémen au plan politique, sous l’angle de la pratique partisane et
démocratique. “Les pays arabes et du tiers monde, dit-il, sont logés
à la même enseigne et ceci nous console, bien que de certains
côtés, notre situation soit meilleure que celle des autres.”
RAPPORTS INTER-PARTIS
- Quelle est la position du parti du Rassemblement yéménite
de la Réforme, un an après avoir rallié l’opposition?
“Il se sent en meilleure posture, car sa présence au pouvoir
était de pure forme. D’aucuns prétendent qu’il a été
marginalisé, sans pouvoir s’acclimater au nouveau climat issu des
élections d’avril 1997. Mais ses rapports avec le Congrès
populaire sont meilleurs qu’avec les partis de l’opposition, car l’idéologie
du parti de la Réforme et du congrès populaire est la même
et, dans le passé, nous nous trouvions dans la même tranchée.”
- Un programme économico-administratif avait été
élaboré et approuvé en accord avec le Rassemblement
yéménite de la Réforme, au moment où ce dernier
était représenté au Cabinet de coalition. A présent,
vous critiquez ce programme et la politique du gouvernement dans le domaine
des réformes économiques. Comment expliquez-vous cela?
“La position du Rassemblement yéménite de la Réforme
est toujours la même, comme au temps où il partageait les
responsabilités du pouvoir. Même à ce moment, ses représentants
émettaient des réserves, en Conseil des ministres, à
propos de certaines dispositions imposées par la Banque mondiale.”
RELATION SOLIDE AVEC LE PRÉSIDENT SALEH
- Quelle est la nature de vos liens avec le président Ali
Abdallah Saleh?
“Ma relation personnelle et celle du “Rassemblement” sont solides,
nous ne le nions pas. Puis, nos relations sont stratégiques et comme
je l’ai déjà mentionné, nous nous trouvions dans la
même tranchée, prenant la défense du Yémen,
surtout au temps de l’ex-Union soviétique.”
- Dans une précédente déclaration, vous vous
considériez comme un dénominateur commun entre le parti de
la Réforme dont vous êtes le leader et le parti du Congrès
populaire. Peut-on dire que vous ne vous immiscez pas dans les positions
adoptées par votre parti, surtout lorsqu’il diffuse des manifestes
dirigés contre le Congrès populaire et ses dirigeants? Comment
évaluez-vous les rapports entre les deux formations politiques?
“Je me considère en tant que médiateur entre les deux
partis. Quant aux dénominateurs communs entre eux, c’est un fait
palpable.”
- On dit que l’influence tribale au Yémen entrave l’évolution,
la réactivation des institutions étatiques et l’application
des lois. Quel est votre avis à ce sujet?
“Ceci est inexact, car la contexture tribale chez nous est de nature
évolutive. Puis, l’existence de la tribu, ses us et coutumes ne
transgressent nullement l’autorité de l’Etat et ses lois ou règlements.
Cependant, la tribu au Yémen est au-dessus des partis et de l’esprit
partisan.”
POUR UNE ATTITUDE FERME DU CABINET CONTRE LES
AUTEURS DES KIDNAPPINGS
- Vous aviez fait état de récompenses financières
que le gouvernement aurait promis d’accorder aux auteurs des kidnappings,
pour les porter à libérer leurs otages. Peut-on en déduire,
que les autorités n’ont pas pris des mesures fermes à
l’encontre des éléments qui procèdent à l’enlèvement
des étrangers, ce qui a aggravé de telles opérations
répréhensibles au Yémen?
“J’ai dit que le gouvernement fait montre de peu de fermeté,
non qu’il a promis de récompenser les auteurs des enlèvements.”
- Quelle est, à votre avis, la raison ayant poussé
le Dr Faraj Ben Ghanem à démissionner de la présidence
du Conseil?
“Il est préférable de poser cette question au Dr Ghanem
en personne.”
- Les membres de l’opposition soulèvent fréquemment,
la réconciliation nationale. Comment concevez-vous cette question?
“S’ils étaient soucieux de favoriser la réalisation de
l’entente nationale, ils auraient pu le faire avant de proclamer la rupture.
Mais prétendre souhaiter la réconciliation après avoir
perpétré ce crime abject et la grande trahison prête
à rire.
RIEN NE MENACE L’UNITÉ NATIONALE
- L’unité yéménite est-elle menacée
de se disloquer ou bien ce danger s’est-il dissipé définitivement?
“Ce danger s’est estompé dès le moment où l’unité
du peuple yéménite a été réalisée.
C’est pourquoi, par le fait même pour les traîtres d’avoir
proclamé la rupture, le peuple s’est levé comme un seul homme
pour défendre l’unité et poursuivre les séparatistes.
L’unité est sauve et rien ne la menace.”
- En ce qui concerne le jugement rendu par le tribunal dans l’affaire
de la guerre et du mouvement séparatiste en été 1994,
en vertu duquel cinq membres du “groupe des 16” ont été exécutés,
ce verdict a-t-il été équitable?
“Il a été plus clément qu’équitable.”
- On dit que le parti de la Réforme a une position déterminée
envers la création de zones franches au Yémen. De plus, il
s’oppose aux investissements de capitaux étrangers dans les îles
yéménites. Qu’auriez-vous à dire à ce sujet?
“Ceci est inexact. Le parti de la Réforme bénit ces initiatives,
de même que la privatisation et l’engagement vis-à-vis de
ce qu’on appelle l’économie de marché, tout en accordant
des facilités aux investisseurs, que ce soit dans la zone franche
d’Aden ou d’autres régions yéménites. Nous bénissons
cela; d’ailleurs, il existe une société d’investissements
ayant à sa tête cheikh el-Alem Abdel-Majid Zandani. Ceci prouve
l’agrément par le parti de la Réforme de cette tendance.”
LE PROBLÈME DES FRONTIÈRES YÉMÉNO-SÉOUDITES
- Où ont abouti les pourparlers autour du problème
des frontières yéméno-séoudites auxquels vous
avez participé?
“Ils se poursuivent avec un esprit ouvert, compréhension et
fraternité.”
- Que pensez-vous des opérations qu’entreprend l’armée
turque contre les Kurdes?
“La pratique de l’armée turque laïque et athée va
à l’encontre des valeurs de l’Islam et de la démocratie qu’ils
se targuent de sauvegarder.”
- La Grande-Bretagne estime que la paix au Proche-Orient sera compromise,
si rien n’est fait pour sortir son processus de l’impasse; partagez-vous
cet avis?
“Il serait étrange que certains dirigeants arabes croient, vraiment,
que le Premier ministre britannique est sérieux quand il prétend
se soucier de la paix au Proche-Orient et de restituer ses droits au peuple
palestinien. N’est-ce pas son pays qui a implanté l’Etat hébreu
au cœur du monde arabe et islamique?”
- Israël soutient que sans la menace et l’intransigeance syriennes,
le Liban aurait traité avec souplesse avec Israël...
“Au Yémen, nous vantons la position du peuple libanais et de
son gouvernement; nous les remercions et les respectons.
“Quant au président Hafez Assad, il représente la fierté
arabe. Nous soutenons ses prises de position. C’est le dirigeant arabe
qui a gardé la tête haute, tout en restant attaché
aux principes proclamés par la nation arabe tout entière,
principes qui ont été reniés par la plupart des Etats
membres de la Ligue.
“Nous remercions le président Assad et souhaitons qu’il montre
plus de force et de fermeté. Que Dieu lui vienne en aide.”
NOUS NE RECONNAISSONS QUE L’OPPOSITION DE L’INTÉRIEUR
- Où est l’opposition yéménite et dans quel
pays s’est-elle établie? A-t-elle récupéré
tous ses droits au double plan financier et foncier?
“Nous ne reconnaissons pas l’existence d’une opposition en dehors du
Yémen, mais de celle qui se trouve à l’intérieur du
pays où elle exerce son droit en toute liberté et démocratie.”
- Croyez-vous qu’en nommant pour la seconde fois Zalman Shoval en
tant qu’ambassadeur d’Israël à Washington, Netanyahu ait voulu
défier l’Administration américaine?
“En fait, l’entité israélo-sioniste bénéficie
du soutien de l’Amérique dont elle obtient l’appui total et le réarmement
pour que l’Etat hébreu maintienne sa supériorité militaire
sur tous les pays arabes du Proche-Orient et non-arabes de la région.
“Les déclarations des responsables US sont claires et franches
à ce sujet, Israël constituant une partie intégrante
des Etats-Unis. L’Amérique a appuyé l’Etat hébreu
et lui a livré des armes sophistiquées et non-conventionnelles,
y compris l’arme nucléaire, tout en l’encourageant à ne pas
appliquer les résolutions de la légalité internationale
et à ne pas signer le traité interdisant les engins atomiques.
Au Conseil de Sécurité, les USA usent du droit de veto pour
empêcher l’adoption de toute résolution hostile à Israël.
“Que pouvons-nous attendre des Etats-Unis et pourquoi nous leurrons-nous
en croyant qu’ils sont le parrain de la paix et un médiateur honnête?
Il ne reste plus aucune crédibilité à Washington dans
ce domaine.”
PAS D’“AFGHANS ARABES”
- D’aucuns disent que les intégristes bénéficient
d’un traitement privilégié au Yémen, surtout ceux
d’entre eux qui sont en mauvais termes avec les responsables de leur pays
qu’ils critiquent impunément...
“Au Yémen, nous n’avons pas de conflits d’aucune sorte, ni islamiques,
ni de gauche ni de droite. L’opposition yéménite dispose
d’une marge au sein de laquelle elle exerce son droit démocratique.
Puis, la liberté d’opinion et d’expression est garantie.
“Il n’existe pas non plus chez nous ce qu’on appelle les “Afghans arabes”.
D’ailleurs, nous n’admettons aucun terroriste.”
- La démocratie et la liberté de la Presse seraient-elles
menacées au Yémen?
“La Constitution et nos lois protègent la liberté et
la démocratie, en lui réservant un large espace au sein duquel
elles peuvent être exercées. Puis, il y a des constantes envers
lesquelles on doit s’engager.”
- A la fin de cet entretien, voudriez-vous ajouter quoi que ce soit,
surtout en ce qui a trait au Liban?
“Nous soutenons et appuyons le Liban dans toutes ses positions. Nos
sentiments sont avec lui. Nous sommes fiers du rôle dont s’acquitte
la résistance islamique au Liban-Sud, estimant qu’elle entreprend
ses opérations héroïques à la place des Arabes
qui somnolent. Nous lui souhaitons la victoire, le succès et la
persévérance dans son action. Notre cœur est avec le Liban.”
“La Revue du Liban”
(Sanaa)
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