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ÉTONNANTS CONTRASTES
Au moment où le président Hosni Moubarak faisait une visite d’Etat à la France, du 18 au 20 mai, les Français n’étaient informés que du développement des affaires judiciaires de la mairie de Paris. Sujet récurrent.
En résumé, pendant qu’une opposition RPR s’organisait à la mairie contre le maire RPR, Jean Tibéri, l’épouse de ce dernier, Xavière, accusée d’avoir bénéficié d’un emploi fictif, était placée en garde à vue. Et l’on découvrait, à cette occasion, 200 autres emplois fictifs dans cette mairie. Cette sorte de distribution de prébendes remonterait à l’époque où le maire s’appelait Jacques Chirac. Et voilà que certains évoquent la possibilité d’une comparution en justice du président de la République lui-même.
A sa sortie du palais de Justice, après huit heures de détention, Mme Tibéri apparaissait en public en compagnie de son époux à l’inauguration, par les présidents Chirac et Moubarak, de l’exposition: “La gloire d’Alexandrie”.
Sur les écrans de télévision, on nous montrait, ce soir-là, le président Chirac à son arrivée au Petit Palais, donnant l’accolade à Xavière et lui tapotant sur la joue comme pour la réconforter. Devant le colosse de Ptolémée, le président Moubarak suivait la scène avec une patience souriante.
Ce fut la seule image montrée de la visite d’Etat de trois jours que le président égyptien faisait à la France, en compagnie d’une centaine d’hommes d’affaires de son pays. Tout Paris était pavoisé aux couleurs de l’Egypte.
A l’issue de leur première entrevue, les présidents Chirac et Moubarak publiaient un long communiqué sur la situation au Proche-Orient et lançaient un solennel appel pour une nouvelle conférence internationale, en vue de faire redémarrer le processus de paix.
Le lendemain, le président Moubarak présidait un débat économique au centre des conférences internationales, Avenue Kléber. Il faisait salle comble. Les représentants de la presse étaient relégués, faute de place, dans une pièce voisine pour suivre le débat sur écran. Puis, ce fut une conférence politique à l’IFRI (Institut français des relations internationales).
A part un ou deux journaux (dont “Les Echos”), la presse française et les diverses chaînes de télévision ont complètement ignoré cette activité. M. Moubarak n’est apparu à la France qu’une seule fois, comme un comparse, au moment où M. Chirac donnait l’accolade à Mme Tibéri.
Il n’y avait ce jour-là qu’une vedette: Xavière.
Et qu’un sujet: les querelles politiciennes autour de la mairie.
Comment une grande puissance comme la France peut-elle fonder une politique étrangère sur l’ignorance où sa population est ainsi confinée? Ceci est une autre histoire.
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L’appel lancé le 18 mai par les présidents Chirac et Moubarak, est un texte historique qui mérite plus que les trois lignes que lui a  consacré “Le Monde”, pourtant toujours très attentif aux développements du conflit de Palestine.
Ce texte fait d’abord le point des efforts de la diplomatie américaine. Il met en relief l’acceptation par l’Autorité palestinienne des dernières propositions de Washington et renvoie la balle dans le camp israélien. Le gouvernement de M. Netanyahu est ainsi désigné, implicitement, comme le responsable du blocage de la paix.
Ce solennel appel, en même temps qu’un véritable réquisitoire contre la “déloyauté” dans l’application des accords d’Oslo, dans l’interprétation des résolutions 425, 242, 338 du Conseil de Sécurité et contre la “politique à courte vue” de M. Netanyahu, est un rappel et une confirmation des principes fondateurs du processus de paix. C’est une mise en garde contre le retour à la tension et à la violence.
C’est, enfin, une invite implicite aux Etats-Unis pour qu’ils adoptent, ouvertement et courageusement, la même méthode d’intervention publique.
Si cela n’est pas important, qu’est-ce qui l’est en ce moment?
Les démêlés judiciaires de Mme Tibéri et la menace d’y impliquer M. Chirac lui-même...
...De même que la menace proférée par Netanyahu de “mettre le feu à Washington” si le président des Etats-Unis s’avisait de le désigner comme responsable du blocage de la paix.
Du reste, il a pris les devants. Devant un groupe d’ambassadeurs accrédités en Israël, il s’est livré à un véritable procès de l’Autorité palestinienne. Sans vergogne. Il est lui-même l’innocence incarnée, “vêtu de pureté candide et de lin blanc.”

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Comme pour le démentir, le prix Albert-Londres (le Pulitzer” français) vient d’être décerné à un grand reporter, Catherine Jentile et à son cameraman, Manuel Joachim pour une enquête télévisée à Gaza.
On y voit le contraste entre, d’un côté, la misère et le désespoir des Palestiniens encerclés par les barrages de l’armée israélienne et les barbelés, privés d’eau, d’hôpitaux, de routes asphaltées, interdits de construire et, de l’autre côté, la prospérité, l’arrogance raciste, le confort des colons juifs (ils sont 5000 qui monopolisent 60% des ressources en eau, ne laissant que 40% à un million et demi de Palestiniens).
Pour mieux illustrer cette situation, les télévisions nous ont montré à la conférence du G8 de Birmingham, un étrange spectacle: M. Clinton et M. Blair sur scène exécutant un duo sur un air des Beatles à la plus grande joie d’un auditoire nombreux composé de personnalités officielles, experts, ministres, chefs de gouvernement, chefs d’Etat qui rythmaient la chanson en tapant des mains. Quelques-uns paraissaient tout de même un peu gênés de participer à cet enfantillage, tels MM. Kohl et Chirac.
“Tout va très bien madame la marquise”, chantait-on en 1939. Tragique précédent. 

 
 
 

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