Chronique


Par JOSE M. LABAKI  

 

QUELLE HEURE EST-IL OUTRE-RHIN?

Et d’enchaîner: “C’est aux Allemands et aux Européens qu’il incombe de réaffirmer leur identité et leur capacité d’affronter les défis “multicivilisationnels” qui pointent à l’horizon. A coopérer loyalement en vue de préserver cet état de fait.”
Depuis la chute du nazisme, du Mur de Berlin et la réunification de l’Allemagne, la façon dont les Allemands redéfinissent et symbolisent leur identité nationale et européenne, a radicalement changé. La politique dépend désormais de plus en plus de facteurs socio-économiques plutôt qu’idéologiques. Les drapeaux hissés à l’envers, flottent haut et fort; le discours politique à plusieurs voix est un signe de cette transition. Les nouveaux ténors de la gauche plurielle allemande montent aux créneaux, signe des temps.
Sur le terrain, l’Allemagne est confrontée à des problèmes internes et à des compromis européens multidimensionnels, mais surtout à une lutte à multiples facettes sans précédent, entre différents partis politiques qui se disputent avec acharnement, non seulement pour la conquête du pouvoir, mais surtout et, d’abord, la primauté.
A en croire les sondages, depuis la montée en puissance du candidat-chancelier social-démocrate Gerhard Shroder au mois d’avril, l’astucieux Maître des Horloges Helmut Kohl risque de perdre le pari, à moins de rebondir, comme à l’accoutumée au dernier round d’une campagne électorale qui s’annonce déterminante. La perspective de cette alternance n’a pas l’air de susciter trop d’inquiétude outre-Rhin, surtout que le concurrent du chancelier Kohl, n’est pas prêt à inclure dans son programme électoral, le volet social pourtant prioritaire et non des moins inquiétants, pour l’Allemagne comme pour le reste de l’Europe. La société allemande considérée comme une des plus riches de l’Occident est loin de trop s’émouvoir. Non qu’elle ne soit pas concernée dans tout ce qui se passe en son sein et autour d’elle, malgré ses six millions de chômeurs, ses clochards et ses laissés-pour-compte, elle demeure une des plus aisées du Vieux Continent, pour prendre conscience de la crise qui la menace incessamment. Pessimiste quant à son avenir, elle est convaincue qu’un changement au niveau gouvernemental dont l’unique préoccupation est de protéger la classe possédante, devrait s’effectuer. Championne par excellence en matière d’exportation, elle doit être prête pour l’euro, grâce à un taux de productivité de 3,5% depuis 1997. Prospérant à toute allure, l’Allemagne de cette fin de millénaire, loin de s’enliser davantage dans le bourbier économique comme la plupart de ses partenaires, une stagnation politico-morale, l’atteint de plein fouet.
Après 16 ans au pouvoir, Helmut Kohl finit par où il devait commencer, bien qu’il trouve trop de déconvenues à surmonter. La consultation de septembre prochain, serait-elle le coup de grâce à un gouvernement en mauvaise posture?
Il est évident que les ambitions trop affichées du chancelier le desservent. Pris dans le feu croisé d’une opposition croissante et d’une opinion en colère, il tire à hue et à dia les réformes mises en chantier par son gouvernement, le plus souvent génératrices, de tout genre d’affrontement. La majorité des sondés ne croit plus à l’efficacité du gouvernement Kohl, à moins qu’une alternative crédible soit proposée. A en croire les indicateurs du baromètre électoral, il est fort douteux que l’actuelle classe gouvernante réalise ses ambitions de conquérir la majorité des voix, même pour les adeptes les plus chevronnés, les bavures inévitables de l’actuelle caste au pouvoir ne sont plus tolérées. Sa passivité devient navrante; il faudrait qu’elle plie bagage, avant que les provocations fassent des émules par milliers.
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Parler de stabilité en Allemagne, serait sous-estimer, le scrutin dans le Land de Saxe-Anhalt où 15% de l’électorat ont voté pour l’Union populaire allemande, un parti d’extrême- droite jusqu’alors inconnu, appelant de tous ses vœux à un vote protestataire sans précédent. Conséquence d’un demi-siècle de communisme, affirment les ténors de l’union démocrate-chrétienne au pouvoir. C’est plutôt, la faute aux promesses non tenues du chancelier Helmut Kohl, rétorquent les sociaux-démocrates, celles non moins graves du capitalisme sauvage et l’arrogance des Allemands de l’Ouest. Il y a, certes, dans tout cela une grande part de vérité.
D’autres voix non des moins soucieuses en Allemagne scandent haut et fort: “La peste brune fait peur, surtout dans un pays où la hantise des croix gammées et des crânes rasés, occulte le regard porté sur cette nouvelle engeance regroupée sous les étiquettes traditionnelles de l’extrême droite.”
Et d’ajouter: le vrai danger, ne réside pas dans un néo-nationalisme, mais dans l’émergence d’une opposition nationale capitaliste à l’encontre d’une marée immigratoire de plus en plus inquiétante, la société multiculturelle, la criminalité, le chômage et la baisse du niveau de vie, les exclus du turbo capitalisme et la kyrielle n’en finit pas. Les réactions de Bonn ne changeront rien, malgré son argumentation fallacieuse de créer 600.000 emplois temporaires subventionnés par l’Etat.
Les dirigeants allemands, qu’ils soient de droite ou de gauche, n’auront pas trop de peine à confesser à leurs concitoyens que l’avenir n’est pas aussi prometteur qu’ils le croient, l’Allemagne étant confrontée à des défis surprenants impliquant beaucoup de sacrifices. Les syndicats, eux, s’en tiennent à leur vieille thèse: “Conserver tous les acquis jusqu’au jour où la croissance que l’on préconise, nous ramènera au bon vieux temps.”
Dans l’Allemagne de cette fin de siècle, l’événement d’une révolution culturelle qui déclencherait irréversiblement des réformes sociales à l’air du temps, n’est certes pas pour demain. La prospérité de ce pays est encore suffisante pour permettre au système socio-économique de perdurer. Cependant, nul ne peut nier l’évolution galopante qui aboutira, désormais, à ce que de moins en moins d’actifs alimentent de plus en plus de chômeurs en colère.
Le modèle allemand en vigueur ne pourra jamais être un éternel recommencement. La politique pour le malheur des ayants droit, aura toujours le dernier mot.
Les Allemands du troisième millénaire sauront-ils apprendre à coexister ou bien leurs différences et leurs ambiguités les pousseront-ils, derechef, vers  un nouveau type de conflit idéologique plus violent que tous ceux qu’ils ont vécus durant un demi-siècle? L’avenir le prouvera. 

 
 “Les hommes d’Etat à poigne peuvent agir d’une façon constructive, à condition d’être conscients de la réalité et de la vivre au quotidien. A se préoccuper de la préserver et de la respecter. Cette prise de conscience est indispensable, voire impérative.”

Le chancelier Konrad Adenauer

 

 
 

 

  

 


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