Editorial


Par MELHEM KARAM 

 
VISITE RÉUSSIE DE CLINTON EN CHINE
PÉKIN N’EST PAS L’ÉTAT DE LA RÉPRESSION MAIS UN PARTENAIRE STRATÉGIQUE DE L’AMÉRIQUE
Sa visite en Chine, le président Bill Clinton a voulu la rendre plus importante et réussie que celle de Nixon, promoteur de la première idée et de l’ancien secrétaire d’Etat Henry Kissinger, ce dernier s’étant infiltré à Pékin avec une équipe de tennis.
Le chef de la Maison-Blanche fait le pari de porter Jiang Zemin à s’engager à faire adopter la démocratie par la Chine. En dépit de l’impossibilité d’une telle éventualité, il persévère dans ses efforts, persuadé de réussir en définitive.
La visite de neuf jours en Chine avec son épouse Hillary est la première de son genre après ce qui s’est passé au printemps 1989. Ses réunions avec son homologue Jiang Zemin dans la capitale chinoise, ont servi à mettre au point tout l’ordre du jour de la visite et des entretiens. Ces derniers portent sur l’affaire de Hongkong, le Dalaï Lama sous l’angle de l’allègement de la pression sur le Tibet, sur Shanghaï et Guillin.
Cette visite est considérée comme l’une des plus dangereuses et l’événement diplomatique le plus important de la dernière décennie, car elle consacre les relations au niveau du partenariat stratégique entre les deux pays, déjà approuvé lors de la visite que Jiang Zemin a effectuée l’an dernier aux Etats-Unis.
Dès son arrivée en Chine, Clinton a défendu sa politique quant au dialogue politique avec Pékin, annonçant qu’une aube nouvelle s’est levée pour la Chine et son peuple. “Beaucoup d’Américains, dit-il, se demanderont si l’établissement de liens intimes entre la Chine et l’Amérique est une bonne chose et une réalisation positive.
“La réponse, je la dirai à haute voix: Il s’agit d’une chose positive et utile, immanquablement”. Il l’a déclaré devant des centaines de Chinois rassemblés près des grandes portes de la place Tiananmen. Il a dit encore: “Les étapes que nous franchirons au cours de la semaine prochaine, pourraient comporter une grande évolution dans l’intérêt des deux pays et des deux peuples dans les années à venir.”
Le président américain a vanté la Chine pour l’aide qu’elle a offerte en tant que force régionale, que ce soit dans le sous-continent coréen ou en Asie méridionale.
Le voyage entrepris par le président Clinton a suscité maintes oppositions aux Etats-Unis. Deux quotidiens à fort tirage: le “New York Times” et le “Washington Post” ont accusé la Maison-Blanche d’exagérer, de faire montre de complaisance et de transiger. Le premier journal a écrit que le président Clinton a hâté la visite de la Chine pour qu’un accueil solennel lui soit fait sur la place Tiananmen, à l’effet d’honorer le souvenir des victimes de la “répression” de 1989.
Le but de cette visite étant, précisément, de montrer que la Chine ne se réduit pas au massacre de  Tiananmen et qu’elle est une partenaire stratégique de l’Amérique, comme se plaît à le répéter la Maison-Blanche. La visite a pris fin après que Clinton soit parvenu à convaincre que la Chine n’est pas avec la répression.
La visite avait commencé par la signature de contrats et de promesses d’investissements de milliards de dollars avec la Chine, par des firmes américaines. Et ce, en dépit de la crise financière asiatique ayant provoqué une baisse dans le budget chinois au cours des cinq premiers mois de l’année courante, due à une hausse inattendue des dépenses, contre une baisse dans les revenus, ainsi que l’a souligné le ministre américain des Finances.
Les revenus de l’Etat ont augmenté dans une proportion de 7,7 pour cent entre janvier et mai, par rapport à la période correspondante de 1997. On signale, également, une baisse de l’ordre de 102% de l’excédent prévu pour cette année. Jiang Zemin en s’adressant à la commission permanente de l’Assemblée nationale populaire, avait qualifié la situation financière de “relativement dangereuse”, mais sans révéler le chiffre du déficit budgétaire fin mai. Dans une initiative de bonne intention, Pékin a réactivé et relancé le dialogue avec Taiwan, ceci étant l’un des sujets de discussion entre la Chine et les Etats-Unis sur le détroit de Taiwan. Le grand négociateur de l’assemblée pour les relations avec la Chine a été invité à rencontrer à Pékin son homologue chinois pour tenter un rapprochement grandissant entre les deux responsables.
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 La rencontre et la visite de Clinton avaient tout l’air d’une rencontre de géants ayant œuvré à la fin du XXème siècle et du second millénaire. Ils se sont rencontrés au summum de leur influence et à l’heure où la Chine assiste à un accroissement de sa capacité dont on ne peut jauger de la dimension.
La première visite d’un président américain en Chine depuis 1989 revêt un cachet symbolique et une gravité stratégique. L’un des objectifs de la Maison-Blanche consiste à faire évoluer la vision américaine de la Chine actuelle, comme l’explique le professeur David Shambaugh, spécialiste des affaires chinoises et conseiller en vue du président Clinton. Les Occidentaux ont de la Chine une vision émanant d’un système dictatorial et des droits violés de l’homme. Cependant, la Chine a changé d’une manière incroyable au cours de dix ans; le public doit en prendre connaissance.
Quant au dossier taiwanais, la visite a permis son étude d’une manière détaillée; elle aidera à traiter ce sujet et tous les problèmes qui se posent aux deux “empires”.
Taiwan, province rebelle qui entretient des relations privilégiées avec les Etats-Unis, a constitué le sujet le plus important des entretiens, à partir de la vision chinoise. Pékin a souhaité voir les Etats-Unis s’engager à ne plus vendre des armes à Taiwan et exercer leur influence sur cette province pour la réunifier avec la Chine. Mais la force des lobbies taiwanais était efficace, la diffusion du nouveau communiqué sino-américain autour de Taiwan ayant été différée.
Du côté américain, les sujets d’ordre commercial ont la priorité, le déficit commercial des Etats Unis avec la Chine ayant atteint 50 milliards de dollars l’an dernier. L’entrée de la Chine dans l’Organisation mondiale pour le commerce ne paraît pas avoir la priorité pour Pékin, en dépit de la persistance des négociations. De même que les problèmes stratégiques, surtout l’exportation des missiles vers des pays comme l’Irak et le Pakistan.
Cependant, l’évolution dans le cadre international a été sur la liste des sujets à débattre dans les négociations: les essais nucléaires effectués par l’Inde et le Pakistan et la chute de l’ancien dictateur Suharto en Indonésie. Ajoutez à cela les développements survenus dans la crise asiatique qui ont rendu nécessaire ce sommet, pour résoudre des problèmes impérieux. Ainsi, après avoir surnagé pendant plusieurs mois, Hong Kong, l’ancienne colonie britannique, est revenue l’année dernière à la Chine, occasionnant une crise financière qui s’est étendue à toute l’Asie.
Le marasme économique affecte tous les secteurs. Quant au yen japonais qui a commencé à chuter depuis début juin, il a favorisé un rush sur le yuwan chinois, unique monnaie dans la région avec le dollar de Hong Kong à n’avoir pas été dévaluée. Les autorités chinoises se sont engagées à ne pas modifier le cours des deux monnaies cette année. Mais les pressions sur le mouvement des exportations rend difficile le respect de cet engagement. Depuis quelques jours, Pékin a lancé un avertissement et les Etats-Unis ont tendu la main pour soutenir le yen, provoquant une remontée éphémère de sa valeur.
Selon les experts, la globalisation de l’économie paraît comme si toute dévaluation du yuwan chinois doit entraîner des “réactions descendantes” sur la planète financière.
Le rempart chinois semble faible et cette crise intervient dans les plus mauvais jours par rapport à Pékin, surtout pour le nouveau Premier ministre, Zhou Rongi qui a pris en charge ses fonctions depuis cent dix jours.
Le programme des réformes qu’il a élaboré, destiné à balayer les séquelles de l’économie communiste, même si certains le jugent nécessaire, fait l’objet de controverse. Jour après jour, la rénovation des institutions de l’Etat, la modernisation des entreprises, la réorganisation du système bancaire étant aux limites de la faillite, surtout après la reconversion des dizaines de millions d’employés du secteur public, tout cela exigeant une poursuite et un développement sain et fort.
La pompe du financement que constituait Hong Kong commence à s’assécher; les importations et les exportations s’amenuisent, de même que les investissements extérieurs. Les statistiques de fin mai dévoilent des résultats inférieurs à 8 pour cent du développement souhaité, qui a atteint 5,5%. Les réformes dans le domaine de l’habitat et le licenciement du tiers des fonctionnaires ont été ajournés dans les banlieues, alors que Pékin se prépare au débarquement américain avec une fébrilité rappelant les grands rendez-vous politiques et le climat recommence à connaître une tension sur le plan politique.
Un grand banquier dit que toute chose concernant l’avenir de la Chine est jouée lors de cette visite dont les résultats décideront de son sort. Il ajoute que si le gouvernement annonce de nouveaux grands investissements et proclame sa disposition à investir, la Chine pourra poursuivre son élan. Mais ces mesures suffisent-elles? Et les entreprises américaines accepteront-elles des participations politiques, si les intérêts de leurs investissements ne sont pas garantis?
Cette visite doit être décisive par rapport à Pékin. Le plus important dans la question et cela paraît étrange, réside dans le fait pour les USA d’aider la Chine, à condition de dépasser la phase qu’elle traverse. Tout en se débarrassant du doute dont les Américains sont affligés, à savoir qu’en entreprenant cette initiative, ils aident leur ennemi permanent et leur adversaire de demain. 
Photo Melhem Karam

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