LE PRESIDENT YASSER ARAAT A MELHEM KARAM:
"NOUS AVONS SOUSCRIT AU RETRAIT DE 13% AFIN D'AIDER LES AMERICAINS A RELANCER L'OPERATION DE PAIX"

Le président Yasser Arafat est un homme occupé en permanence. Il est de ceux qui souhaitent que la journée soit de 48 heures, car les 24 heures ne suffisent pas et ne peuvent satisfaire ses besoins temporels. La cause palestinienne occupe, quotidiennement, 70 pour cent d’espace dans la Presse mondiale, ainsi que le montre la lecture minutieuse des journaux, l’écoute des bulletins de nouvelles radiophoniques et des journaux télévisés. Sans oublier l’intérêt qu’attachent à cette cause le président Arafat, l’OLP, les organisations palestiniennes, l’arbitraire israélien, la dureté à l’égard du peuple de Palestine; puis, les réunions de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité de l’ONU, les efforts déployés et les démarches effectuées aux niveaux européen et arabe. Ajoutez à cela les réactions, les propositions internationales; le fait pour le mot paix de se mêler aux termes de guerre et de terrorisme, en ce qui concerne l’affaire palestinienne. Ainsi que les dernières prises de position américaines, toutes les conférences mondiales et régionales tenues à cet effet, il apparaît que le problème palestinien accapare la majeure partie de l’activité médiatique et de l’opinion. Le président Arafat s’exprime durant la journée pendant plusieurs heures sous forme de discours et consacre des heures en pourparlers. Ensuite, il étudie ses dossiers à temps ouvert, préférant travailler la nuit, parce qu’il a la possibilité de revenir à lui-même dans un moment de quiétude dont a besoin tout leader, surtout quand il s’agit du chef d’une révolution. La rencontre a eu lieu au palais Al-Andalos au Caire à 20 heures et s’est terminée deux heures plus tard.
 

LE CHANGEMENT MINISTÉRIEL, NATUREL
Melhem Karam: Qu’est-ce qui vous a porté à envisager, sérieusement, de procéder à un changement ministériel: seraient-ce les critiques, le rapport de l’organisme de contrôle sur la corruption ou bien le gel des négociations de paix et les possibilités d’explosion sur le terrain?
Président Arafat: “D’abord, le rapport de l’organisme de contrôle ne parle pas de corruption, mais de certaines décisions prises, surtout quand nous avons accordé des facilités pour les investissements dans notre pays. Ce que nous avons offert aux investisseurs  est en-deçà de ce que nous devons donner.
“En ce qui concerne les impôts sur les revenants, est-il logique de surcharger le Palestinien qui réintègre sa patrie avec ses meubles? Au contraire, nous devons encourager les gens à revenir. De même, on nous demande pourquoi nous ne percevons pas les factures d’électricité des camps remontant au temps de l’intifada.
“Le changement ministériel est une chose naturelle après une longue période, d’autant que deux ministres sont morts: Elias Freij et Hassan Tahtouh, alors qu’un troisième est malade.
“Certains membres du Cabinet cumulent les fonctions et sept d’entre eux ont en charge deux portefeuilles, notamment ceux de la Culture, de l’Information, de l’Economie et du Commerce.”

LE SOMMET TRIPARTITE DU CAIRE
Melhem Karam: - Pourquoi le sommet tripartite qui vous a réuni dimanche au Caire avec le président Hosni Moubarak et le roi Hussein?
Président Arafat: “Nous avons jugé nécessaire de nous concerter à propos de l’action dangereuse engagée par le gouvernement israélien contre le peuple palestinien, l’opération de paix, les accords conclus; contre l’embargo et la fermeture qui nous coûte des pertes excédant dix millions de dollars par jour.
“Ce montant menace notre économie d’une grande catastrophe, d’autant que notre économie en est à son début.
“Nous avons échangé les idées sur ce que nous pouvons faire en cette phase grave que nous traversons avec la nation arabe. De même, nous avons pris connaissance de ce qui se passe à Jérusalem où les Israéliens élargissent les limites administratives de la Ville sainte à l’effet d’y construire de nouvelles colonies de peuplement et, partant, de judaïser la cité et d’y opérer un changement démographique. De ce fait, les chrétiens et les musulmans ne pourront plus avoir accès aux lieux de culte, ni réciter leurs prières dans leurs églises et mosquées.”

EN MAI 99, J’AURAI LE DROIT DE PROCLAMER L’ÉTAT PALESTINIEN
Melhem Karam: - Pensez-vous que les accords d’Oslo ont été dénoncés unilatéralement et que le plan de retrait a perdu tout effet?
Président Arafat: “Les accords stipulent que la période de cinq ans est transitoire. Cela veut dire qu’en mai 1999, j’aurai le droit de proclamer l’Etat palestinien.
“S’il plaît à Dieu, nous pourrons tenir les promesses faites à notre peuple et notre nation arabe. Cependant, le sujet n’est pas personnel; il concerne, aussi, la communauté internationale. Ce n’est pas par pure coïncidence que l’Union européenne a reconnu dans son dernier communiqué le droit à l’autodétermination du peuple palestinien et son droit à créer un Etat. Rappelons-nous ce qu’a dit l’épouse du président Clinton à propos de cet Etat. Ce ne sont pas des propos en l’air: ils sont importants et ont des portées positives, à l’instar de la position des Nations Unies.
“D’autant que l’ONU est saisie de deux questions importantes que l’Assemblée générale doit débattre: Primo, l’élévation de la représentation palestinienne dans les institutions internationales. Secundo, la proposition présentée par le groupe arabe pour faire face aux dangers qui menacent Jérusalem, en raison des décisions dangereuses prises par le gouvernement israélien et la municipalité contre les habitants palestiniens, chrétiens et musulmans; et contre le cachet religieux, culturel et démographique de la Ville sainte.”

Melhem Karam: - Qu’est devenu le rôle du parrain américain dans la crise? Auriez-vous fait un mauvais pari sur l’Administration US, alors que les Syriens ne se sont pas aventurés dans le jeu des accords bipartites?
Président Arafat: “Il nous faut admettre que le président Clinton ne cesse d’œuvrer avec Mme Madeleine Albright pour relancer l’opération de paix. L’Administration US a demandé à l’Union européenne de surseoir à son initiative, afin de permettre à celle de Washington d’aboutir. Effectivement, les Européens ont ajourné leur initiative, mais jusqu’ici Netanyahu et son gouvernement continuent à tergiverser et refusent les propositions américaines.”

NETANYAHU MENACE DE RÉOCCUPER LA BANDE DE GAZA
Melhem Karam: - L’été palestinien à l’ombre de la situation actuelle serait-il chaud et devrait-on s’attendre à un nouveau soulèvement (intifada)? Ne craignez-vous pas dans ce cas, une nouvelle invasion israélienne et la réoccupation des villes de Cisjordanie?
Président Arafat: “Oui, nous prenons en considération une telle éventualité grave pour laquelle planifie Netanyahu, ainsi qu’il l’a laissé entendre clairement depuis quelques jours, à l’occasion de l’incident qui s’est produit à Gaza et a failli faire exploser la situation.
“La radio de l’armée israélienne a même menacé d’investir la bande avec ses chars et ses véhicules blindés. Effectivement, “Tsahal” a renforcé ses effectifs et on s’attendait au pire, s’il n’avait pas été décidé de tenir dimanche dernier une réunion palestino-israélienne pour examiner les moyens de pacifier le secteur. Le fait le plus grave a consisté en l’évacuation des colonies de peuplement par leurs habitants, ce qui signifiait que l’armée israélienne était déterminée à recourir à l’escalade.”

Melhem Karam: - On dit que la police palestinienne et les “faucons” de Fath se préparent à faire face à cette éventualité. Etes-vous prêts à la confrontation?
Président Arafat: “Comme je l’ai proclamé à la Ligue arabe dans un discours prononcé devant le Dr Esmat Abdel-Majid, cheikh Tantaoui de l’Azhar et le pape Shenouda, toutes les éventualités sont ouvertes devant le peuple palestinien. Nous considérons que ce sujet est fondamental pour nous. J’ai réitéré mes mises en garde dans le discours que j’ai prononcé il y a quelques jours devant le Conseil législatif palestinien à Ramallah.”

HAMAS AGIT EN TOUTE LIBERTÉ...
Melhem Karam: - Ne croyez-vous pas que le fait d’avoir pourchassé les membres de “Hamas” dans le cadre de la coopération sécuritaire avec Israël n’a pas servi votre cause et a donné à ce dernier des cartes qu’il a exploitées au plan de l’hégémonie et de la judaïsation?
Président Arafat: “Hamas agit en toute liberté en tant que parti politique. Mais en tant qu’Autorité nationale et non à partir de toute autre considération, nous avons le droit d’infliger un châtiment à quiconque perturbe la sécurité, quel qu’il soit; qu’il se réclame de Fath, du “front populaire” ou de “Hamas”. Il subit la sanction prévue dans les lois en vigueur.”

Melhem Karam: - La prochaine étape pourrait assister à une alliance entre l’Autorité palestinienne et “Hamas” pour faire face aux développements. Comptez-vous élargir les membres de ce mouvement?
Président Arafat: “L’Autorité palestinienne n’a aucun détenu politique. Les personnes incarcérées ont commis des actes criminels et ont été condamnés selon la procédure légale.
“Ainsi, cheikh Ahmed Yassine est revenu de son périple avec beaucoup d’argent et entreprend d’intenses activités avec “Hamas” sans être inquiété.”

Melhem Karam: - On dit que vous avez été gêné par la tournée de cheikh Yassine dans plusieurs pays arabes et islamiques. Et que vous êtes intervenu auprès de l’Irak, de l’Afrique du Sud et de Jordanie pour empêcher la visite de ces pays par le fondateur de “Hamas”?
Président Arafat: “Nous n’avons exprimé aucune inquiétude, ni n’avons été gênés ou contrariés par cette tournée. Cependant, nous avons été indisposés par les campagnes médiatiques qu’il a menées contre l’Autorité palestinienne. Il n’est pas vrai que nous serions intervenus auprès des Etats que vous avez signalés pour empêcher cheikh Yassine de s’y rendre.”

LE PEUPLE PALESTINIEN RESTE UNI
Melhem Karam: - Comment affrontez-vous Netanyahu, alors que votre unité intérieure est lézardée, un climat de méfiance et de suspicion planant sur la rue palestinienne?
Président Arafat: “Je rappelle la marche imposante qui a eu lieu le 15 mai dernier, suite à un appel lancé par l’Autorité palestinienne. Ce jour-là, plus d’un million de personnes sont descendues dans la rue. Ceci prouve sans nul doute la cohésion de notre peuple et sa détermination à défendre sa cause et ses droits.”

Melhem Karam: - Quels sont les positivismes de la coopération entre vos organismes sécuritaires et la CIA? Cela ne signifie-t-il pas que ce que le “Shin Beit” ne peut obtenir de vous, il l’obtient des Américains avec lesquels vous coopérez?
Président Arafat: “Une commission tripartite palestino-américano-israélienne a été constituée en vue d’assurer la sécurité. Malheureusement, cette commission ne se réunit plus depuis la dégradation de la situation.
“Une commission palestino-européenne a été formée, mais Israël a refusé de coopérer avec les Européens et de laisser l’Europe interférer dans toute question en rapport avec les accords que nous avons signés.”

QUE LE FDLP PRÉSENTE LES PREUVES DE SES ACCUSATIONS
Melhem Karam: - Le secrétaire général du FDLP, Nayef  Hawatmeh, réclame non seulement la destitution de certains ministres de votre Cabinet, mais leur jugement sous l’inculpation de corruption. Qu’auriez-vous à lui répondre?
Président Arafat: “Qu’il me présente ses renseignements par votre intermédiaire et je les soumettrai pour étude au comité exécutif dont fait partie le FDLP. M. Tayssir Khaled, membre de ce comité et représentant du FDLP, dirigera l’enquête.”

Melhem Karam: - Pourquoi le sommet arabe ne s’est-il pas tenu depuis quelques semaines? Son but était-il de vous tirer d’embarras, ainsi que l’a insinué le général Moustapha Tlass, ministre syrien de la Défense?
Président Arafat: “Le sommet arabe est toujours à l’étude à tous les niveaux arabes et Jérusalem n’est pas uniquement palestinienne; c’est une Ville sainte aux plans arabe, islamique, chrétien et palestinien.”

Melhem Karam: - Que pensez-vous du projet de référendum de Netanyahu à propos de l’exécution de la seconde étape du plan de redéploiement en Cisjordanie? Serait-ce une nouvelle manœuvre de sa part pour échapper à des engagements consignés dans un accord international ratifié par la Knesset?
Président Arafat: “Netanyahu s’est rétracté en renonçant au référendum et ce fut l’une de ses multiples tentatives pour gagner du temps.”

Melhem Karam: - Pourquoi restez-vous inactif face à la judaïsation de Jérusalem? Que fait le comité d’Al-Kods face à ce danger? Les tentatives de Netanyahu sont-elles une déclaration de guerre et comment ripostez-vous?
Président Arafat: “Nous n’avons pas croisé les bras et ne sommes pas restés inactifs. La rue palestinienne est en effervescence, la cause directe de cet état de choses étant ce qui se passe à Jérusalem qui vit des moments difficiles et décisifs.
“Nous avons adressé une lettre officielle au président Khatimi, en sa qualité de président du sommet islamique, demandant la tenue d’une conférence des ministres des Affaires étrangères des Etats membres, afin de débattre de cette question.
“De même, j’ai demandé au roi Hassan II de convoquer d’urgence le comité d’Al-Kods dont il assume la présidence pour une réunion extraordinaire le plus rapidement possible.
“Nous réclamons la convocation d’un sommet arabe dans le même but. Le Conseil de sécurité s’est prononcé contre ce qu’accomplit Israël dans la Ville sainte.”

Melhem Karam: - D’aucuns pensent que ce qui se passe à Jérusalem prélude à la judaïsation de la Cisjordanie, étant entendu que la superficie du Grand Jérusalem représente le quart de celle de Cisjordanie, en plus de sa signification et de sa portée. Qu’en pensez-vous?
Président Arafat: “Il n’existe parmi nous aucun Palestinien disposé à transiger sur la Ville sainte. Jérusalem est le cœur de la question, l’objectif fondamental est la capitale de l’Etat de Palestine, abritant les lieux saints de la chrétienté et de l’islam.”

LE PARI SUR L’AMÉRIQUE ET L’OPPOSITION ISRAÉLIENNE
Melhem Karam: - Les Américains, sous la pression du lobby juif, vous ont-ils leurré? Votre pari sur l’opposition israélienne est-il fructueux ou bien serait-ce un pari basé sur l’illusion?
Président Arafat: “Les divergences opposant le président Ezer Weizman à Netanyahu ne sont pas l’effet du hasard ou une pure coïncidence. Le sondage d’opinion effectué la semaine dernière indique que 66% des Israéliens sont de l’avis du chef de l’Etat, contre 30 pour cent seulement en faveur du Premier ministre.”

Melhem Karam: - Jusqu’à quel point croyez-vous que Ehud Barak, leader de l’opposition, est capable de battre Netanyahu si les élections avaient lieu aujourd’hui?
Président Arafat: “Il est difficile de répondre à cette question.”

Melhem Karam: - Que pensez-vous de la proposition de Netanyahu relative à la tenue d’une nouvelle conférence internationale, à l’instar de celle de Madrid? Serait-ce une autre tentative de sa part destinée à torpiller l’opération de paix et à se libérer des accords signés?
Président Arafat: “Les présidents Hosni Moubarak et Jacques Chirac préconisent une conférence internationale, à l’effet d’examiner les moyens de sauver le processus de paix au Proche-Orient de l’impasse. Nous sommes intéressés par cette idée et souhaitons qu’elle soit concrétisée le plus rapidement possible.
“Si le but de ce sommet est de revenir aux accords de Madrid, comme le désire Netanyahu, j’ai la certitude que celui-ci ne veut pas favoriser la paix, mais torpiller les accords conclus, non point entre nous à la Maison-Blanche, en présence du président Clinton mais avec l’aval de la Russie, de l’Amérique, de l’Union européenne et de la Norvège. En présence, aussi, de représentants du Japon, de l’Egypte et de la Jordanie.
“Il s’agit donc moins d’un accord bipartite, que d’un accord de portée internationale qu’Israël est tenu de respecter et d’appliquer dans son esprit et sa lettre.”

Melhem Karam: - Croyez-vous en l’efficacité du rôle européen dans la crise régionale, ou bien ne s’agit-il de la part de l’Union européenne que d’une opération de complaisance?
Président Arafat: “Le document européen est important, d’autant que l’économie israélienne est tributaire de l’Europe dans une proportion de 70 pour cent. De là, je peux affirmer que le rôle européen influe sur l’Etat hébreu et, de plus, une relation démographique lie l’Europe aux pays du Proche-Orient.”

Melhem Karam: - Comment interprétez-vous les propos de Mme Albright dont il ressort que les Etats-Unis reconsidèreraient leur initiative et leur rôle? Cela signifie-t-il un abandon de l’opération de paix?
Président Arafat: “Je ne le pense pas. Tous les renseignements dont je dispose confirment la détermination du président Clinton et de Mme Albright à persévérer dans leur initiative.”

L’ÉTAT DE PALESTINE EN MAI 99?
Melhem Karam: - Est-il vrai que des membres du commandement palestinien seraient prêts à souscrire au retrait israélien de Cisjordanie dans une proportion inférieure à 13 pour cent fixée par les Américains?
Président Arafat: “Nous avons accepté cette proportion, bien que nous n’en soyons pas convaincus, afin de donner aux Américains la possibilité de sauver l’opération de paix et, aussi, pour montrer l’inanité des prétextes invoqués par Netanyahu pour justifier ses prises de position.”

Melhem Karam: - Vous ne cachez plus votre intention de proclamer l’Etat de Palestine en mai 1999, dès la fin de la dernière phase des négociations avec Israël: Que sera le territoire de cet Etat et comment concevez-vous l’avenir de ses relations avec la Jordanie et Israël?
Président Arafat: “Cet Etat sera fondé sur les territoires réservés aux Palestiniens par les accords de paix, les résolutions 242 et 338, à savoir: les territoires occupés par l’Etat hébreu en 1967. Le jour où nous nous sommes rendus à Madrid, nous avons résolu de négocier sur base du principe de la terre contre la paix; des résolutions 242 et 338 et du respect de la légalité internationale.
“Puis, nous considérons Jérusalem comme la capitale de l’Etat de Palestine.”

Melhem Karam: - Avez-vous constaté une approbation américaine à propos de la proclamation de l’Etat palestinien?
Président Arafat: “Ce qu’a dit Mme Hillary Clinton n’est pas une coïncidence.”

Melhem Karam: - On dit que vous acceptez Aboudis en tant que capitale, dans le cadre d’une transaction avec l’Etat hébreu à qui vous céderiez Jérusalem?
Président Arafat: “Ce n’est pas exact. Comme je vous l’ai dit, la Ville sainte est pour nous le cœur, la raison, la conscience, l’Histoire, la foi et toutes les civilisations.”

TÉMOIGNAGES DE LA B.M. ET DU FMI
Melhem Karam: - Comment évaluez-vous l’expérience de Fath au pouvoir. On a dit que les “hommes de la tribu” sont devenus des hommes d’Etat sans y être préparés et que cette expérience n’a pas réussi...
Président Arafat: “Il me suffit de vous rappeler les décisions prises par la Banque mondiale et le FMI par rapport à la manière dont l’Autorité palestinienne a assumé ses responsabilités, pour avoir une idée de notre gestion de la chose publique.
“Nous avons édifié de rien, un Etat ou les bases d’un Etat. Notre terre était brûlée et ses infrastructures détruites complètement. Malgré cela, nous avons pu jeter les bases de l’Etat dans un court délai considéré comme un record, comparé aux Etats modernes.”

Melhem Karam: - Les Israéliens ont coupé la route Rafah-Gaza jeudi dernier, ce qui a provoqué une confrontation avec la police palestinienne: jusqu’à quel point supportez-vous ces provocations et la plainte au Conseil de Sécurité ou à Washington donne-t-elle quelque résultat?
Président Arafat: “Comme je vous l’ai dit, la situation a failli exploser et toutes les options étaient ouvertes.”

Melhem Karam: - En dépit de l’opposition des Etats-Unis, le Conseil de Sécurité instituera un débat sur la décision israélienne relative à l’élargissement des limites administratives de Jérusalem. On s’attend à une condamnation de la part de l’instance internationale, dont l’effet serait annihilé par le veto américain...
Président Arafat: “Cela est possible et ce sujet fait l’objet de concertations entre l’Autorité palestinienne et des parties internationales, y compris les représentants américains.”

CARDIFF A PRIS LE PARTI DES PALESTINIENS
Melhem Karam: - Où en sont les préparatifs du sommet arabe?
Président Arafat: “Nous souhaitons qu’il se tienne le plus rapidement possible, après que tous les obstacles auront été aplanis. Car la nation arabe engage une bataille de vie ou de mort. Les défis auxquels nous sommes confrontés, ne concernent pas uniquement les Palestiniens, mais la nation arabe tout entière, de l’Océan au Golfe.”

Melhem Karam: - Vous avez présenté à la Ligue arabe un rapport détaillé sur le plan d’expansion israélien à Jérusalem, visant à judaïser la Ville sainte. Envisagez-vous de faire parvenir ce rapport aux instances internationales par le canal de l’Union européenne, par exemple?
Président Arafat: “Nous maintenons le contact avec ces instances à ce sujet.”

Melhem Karam: - Vous attendez-vous à quelque chose de nouveau après votre entretien à Gaza avec le Premier ministre espagnol, qui avait conféré aussi avec Netanyahu et espérez-vous en une relance des négociations suite à une nouvelle initiative européenne?
Président Arafat: “L’action européenne, comme je l’ai signalé, est claire, forte et prometteuse; la décision prise à Cardiff reconnaissant aux Palestiniens le droit à l’autodétermination et à la création d’un Etat, est significative.”

Melhem Karam: - Washington critique vainement, les agissements d’Israël et sa violation des accords conclus. Auriez-vous désespéré de voir la capitale fédérale jouer un rôle positif dans le processus de paix?
Président Arafat: “Nous attendons beaucoup de l’initiative américaine. Le président Clinton, personnellement et le secrétaire d’Etat, Mme Albright tiennent à leur initiative et la poursuivront jusqu’à ce qu’elle débouche sur la paix.”

L’UNITÉ DE NOTRE PEUPLE
Melhem Karam: - Approuvez-vous un nouveau soulèvement (intifada) en tant qu’ultime option face à ce qu’accomplit Israël à Jérusalem? S’agirait-il d’un “soulèvement de pierre” ou quelque chose d’autre?
Président Arafat: “Comme je vous l’ai dit, toutes les options sont ouvertes.”

Melhem Karam: - Y a-t-il quelque espoir de réunifier les rangs palestiniens à l’intérieur, afin de faire face aux violations israéliennes?
Président Arafat: “L’unité palestinienne est authentique et solide. La marche du million (de personnes) ayant défilé dans la rue le jour de la commémoration de la débâcle, témoigne de la volonté et de la détermination de notre peuple à défendre ses droits.”

Melhem Karam: - Comment évaluez-vous la visite du président Hafez Assad à Paris et ses entretiens avec le président Chirac?
Président Arafat: “C’est une visite importante et, s’il plaît à Dieu, il en sortira des décisions susceptibles de réconforter celles prises, précédemment, par les présidents Moubarak et Chirac.”

Melhem Karam: - Comment qualifiez-vous vos relations actuelles avec Damas? Comptez-vous vous y rendre après le retour du président Assad de Paris ou rencontrer, peut-être le président Hosni Moubarak en Egypte?
Président Arafat: “Nous souhaitons effectuer cette visite à tout moment, d’autant que nos relations avec le président Assad sont fortes. Nous lui vouons de l’affection, du respect, de l’estime et considérons la Syrie comme l’une des bases fondamentales de la nation arabe.”

RAPPORTS SOLIDES AVEC RYAD
Melhem Karam: - Quelle est la nature de vos rapports avec l’Arabie séoudite?
Président Arafat: “Ce sont des rapports solides et nous remercions S.M. le roi Fahd de la position ferme et claire qu’il adopte envers les défis auxquels nous sommes confrontés.”

Melhem Karam: - Vous avez appelé à une mobilisation arabo-islamique pour mettre en échec le projet israélien visant à élargir les limites de Jérusalem: vous attendez-vous à une réaction positive à votre appel?
Président Arafat: “Certainement.”

Melhem Karam: - Est-ce vrai que Netanyahu exige, pour se retirer de Cisjordanie, que le Conseil national palestinien, non le gouvernement ni le comité exécutif de l’OLP, abroge la clause de la charte palestinienne relative à Israël?
Président Arafat: “Le Conseil national palestinien s’est réuni en 1996 à Gaza et nous n’avons pas besoin de le faire siéger de nouveau.”

Melhem Karam: - Le “Likoud” accuse le parti travailliste d’approuver la création d’un Etat de Palestine s’il revenait au pouvoir ou s’il lui était donné de faire partie d’un gouvernement de coalition. Qu’auriez-vous à dire à ce sujet?
Président Arafat: “L’important, seront les réactions que suscitera la proclamation de l’Etat de Palestine.”

JÉRUSALEM ET LE TROISIÈME MILLÉNAIRE
Melhem Karam: - D’aucuns craignent un effondrement total de l’affaire palestinienne et son retour à la case départ. Cela serait-il possible et imaginable?
Président Arafat: “ Notre peuple est grandiose. Il est disposé à faire face à toutes les éventualités difficiles et dangereuses que Netanyahu tente de nous imposer. Nous sommes prêts à les affronter.”

Melhem Karam: - Jérusalem sera au centre des solennités devant marquer l’anniversaire de la Nativité, Bethléem, Nazareth et d’autres villes de Palestine devant accueillir un grand nombre de touristes. Cette commémoration touche-t-elle la conscience universelle et comptez-vous en profiter pour éclairer l’opinion internationale sur le problème palestinien?
Président Arafat: “Cet anniversaire revêt une grande importance. Une commission internationale a siégé, comme vous le savez, en Europe en présence de représentants des institutions mondiales. Nous suivons de près tous les préparatifs de cet événement cher au cœur des Palestiniens et des Arabes, tant chrétiens que musulmans. Tout le monde doit contribuer à le mobiliser dans la bonne voie.”

Melhem Karam: - Pensez-vous que le fait pour la France de proposer la tenue d’une conférence internationale réactivera le processus de paix?
Président Arafat: “Il ne fait pas de doute que les efforts français et égyptiens, joints à ceux déployés par la Syrie en accord avec la France; en plus des contacts ayant lieu entre nous et Paris, d’une manière directe ou indirecte; ainsi qu’avec l’Union européenne, témoignent d’une volonté et d’une détermination à sauver ce processus que le gouvernement israélien veut torpiller.”

DIVERGENCES WEIZMAN-NETANYAHU
Melhem Karam: - Les divergences ayant éclaté au grand jour entre le président Weizman et Netanyahu sont-elles sérieuses ou bien s’agit-il d’une mise en scène?
Président Arafat: “Elles sont plus que sérieuses. Cependant, le système du pouvoir en Israël confère plus de prérogatives au chef du gouvernement qu’au chef de l’Etat.”

Melhem Karam: - Certains vous taxent de dictature et vous accusent d’accaparer la décision palestinienne; qu’auriez-vous à leur répondre?
Président Arafat: “Si cela était vrai, je n’aurais pas pris la décision de changer le gouvernement.”

Melhem Karam: - Qu’est-il demandé, au juste, de l’information arabe dans l’étape présente pour faire face aux défis israéliens?
Président Arafat: “L’information arabe doit poursuivre sa forte campagne contre les agissements et les initiatives d’Israël visant à compromettre l’opération de paix. Car celle-ci n’est pas un intérêt palestinien ou arabe, mais israélien et mondial.”

Melhem Karam: - En inaugurant le congrès de l’information, le président Hosni Moubarak a mis l’accent sur la nécessité de préserver Jérusalem; comment peut-on concrétiser son appel?
Président Arafat: “Par l’unification des efforts arabes et leur coordination, ce qui nécessite la tenue du sommet arabe le plus rapidement possible.”

PALESTINE - USA
Melhem Karam: - La visite d’une délégation parlementaire palestinienne au Congrès US constitue un nouveau pas sur la voie du dialogue avec l’Amérique; qu’en pensez-vous?
Président Arafat: “C’est l’un des résultats de ma rencontre avec Gingrich, président de la Chambre des représentants, à Ramallah.”

Melhem Karam: - Vous attendez-vous à des résultats positifs de cette visite?
Président Arafat: “Naturellement, surtout après la décision du président Clinton d’exclure l’OLP de la liste du terrorisme international. Cela prouve que cette décision est adressée à Israël plus qu’à tout autre pays.
“Ce sujet nous permettra de faire mieux comprendre notre cause à l’opinion américaine et, surtout, au Congrès que le lobby sioniste tente toujours d’influencer. C’est le début d’un dialogue permanent entre les Palestiniens et les Américains.”

Melhem Karam: - Des enfants de Bethléem danseront, cette semaine, dans les villes britanniques: comptez-vous sur l’enfance pour propager la culture arabe et défendre la cause palestinienne en Occident?
Président Arafat: “J’ai surnommé nos jeunes de l’intifada les “généraux des pierres” et les “nouveaux généraux”, car ils ont eu un rôle efficace dans notre soulèvement béni. Ce rôle se perpétuera dans l’édification de l’Etat et pour rappeler à l’opinion internationale ses obligations vis-à-vis de cette cause sacrée, non seulement par rapport aux Palestiniens, mais par rapport au monde entier.”

Melhem Karam: - Quand formerez-vous le nouveau gouvernement et comprendra-t-il parmi ses membres des hommes d’affaires connus?
Président Arafat: “Je le souhaite et j’espère pouvoir constituer le nouveau Cabinet au cours des deux prochaines semaines.”

Melhem Karam: - Les relations jordano-israéliennes sont presque gelées, comme l’a souligné le ministre jordanien des A.E. qui a fait assumer à l’Etat hébreu la responsabilité de cet état de choses. Croyez-vous que la normalisation arabo-israélienne se trouve dans l’impasse avec les Etats ayant signé des traités de paix avec Israël?
Président Arafat: “Oui et on est arrivé à ce point, à cause de la position négative de Netanyahu envers la paix, ainsi qu’il l’a proclamé lors de sa campagne électorale, se disant contre Oslo, contre Madrid, contre la 242 et contre les traités de paix qui ont été signés jusqu’à ce jour.”


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