Chronique


Par JOSE M. LABAKI  

 

LE RÔLE DE L’UNION EUROPÉENNE DANS LE PROCESSUS DE PAIX ET L’ASSISTANCE AU PROCHE-ORIENT

La visite du président Hafez Assad à Paris, a suscité nombre de réactions positives et plusieurs interrogations sur le rôle de la Syrie au Liban et dans la région, sur le rôle de l’Europe et de la France, en particulier au Liban et au Proche-Orient.
Que la France s’intéresse au Liban, ça n’a rien d’étonnant. En effet, plus que tout autre pays européen, elle a toujours été concernée dans tout ce qui relève de la souveraineté, la sécurité et la prospérité de notre pays.
Tous les présidents et gouvernements français, toutes tendances confondues, ont œuvré, à quelques différences près, dans cette direction, surtout durant les dix-sept ans de guerre, condamnant toute hégémonie d’où qu’elle vienne, particulièrement celle exercée sans vergogne, par Israël sur le tiers de son territoire. Quant à la politique européenne à l’égard du Liban, elle a connu des hauts et des bas. En dépit des multiples condamnations émanant du Conseil de Sécurité et des instances européennes, Israël maintient sa politique expansionniste dans les territoires qu’il occupe en Palestine, en Syrie et au Liban.
Entre-temps, Benjamin Netanyahu se veut de plus en plus intransigeant, arguant, entre autre, de l’incapacité des Etats-Unis à faire pression sur l’Autorité palestinienne, sur leurs alliés arabes et européens. Toutefois, n’est-il pas temps que l’Union européenne pèse de tout son poids et vienne à la rescousse d’une paix ébranlée et menacée de toutes parts?
Est-elle encore à la recherche de moyens qui obligeraient Benjamin Netanyahu à renoncer à sa politique expansionniste?
A en croire, “Newsweek” et d’autres médias américains bien informés sur les intentions israéliennes: “au moment où les médiateurs américains s’enlisaient dans les navettes impitoyables, l’Europe des Quinze décidait de contraindre Israël à respecter les règles dans ses relations économiques avec l’Union européenne.” Après avoir condamné la création de colonies juives à Gaza et à Jérusalem-Est, elle vient d’exclure non seulement dans les textes, mais dans les faits, les produits en provenance des colonies juives en Cisjordanie, à Gaza, à Jérusalem-Est et au Golan, des avantages tarifaires accordés à Israël.
Réunis à Palerme les 3 et 4 juin passés, les ministres des Affaires étrangères européens, durant le débat sur le partenariat euro-méditerranéen ont confirmé cette attitude à l’égard d’Israël qui a vivement réagi contre le boycott des produits juifs.
L’Europe a toujours réprouvé l’illégitimité des colonies juives et l’occupation israélienne de Cisjordanie, de Gaza, du Golan, du Liban-Sud et de la Békaa ouest.
Face aux intransigeances et aux menaces israéliennes réitérées au quotidien, l’intervention de l’Union européenne s’avère impérative, comme le note le rapport de la commission de Bruxelles du mois de janvier passé, intitulé: le rôle de l’Union européenne dans le processus de paix et l’assistance future au Proche-Orient. “Le blocage prolongé des négociations de paix” a donné naissance à un climat d’instabilité régionale et à des sentiments d’impatience et de crainte dans la communauté internationale.”
L’engagement de l’Europe au Proche-Orient ne date pas d’aujourd’hui. En 1973, à l’occasion du sommet de Copenhague, l’Europe a approuvé une résolution sur la nécessité urgente du retrait d’Israël des territoires occupés, du Golan et du Liban, sur le respect de la souveraineté des Etats de la région dans des frontières sûres et reconnues internationalement, ainsi que sur les droits légitimes des Palestiniens. La déclaration de Venise en 1980, avançait à son tour deux nouveaux principes: celui du droit des Palestiniens à l’autodétermination et la nécessité d’associer l’Organisation de Libération de Palestine (OLP) aux négociations de paix. L’échange des territoires contre la paix en est la condition sine qua non. Et l’Europe de plaider inlassablement en faveur d’une conférence internationale sous l’égide des Nations Unies avec la participation de toutes les parties concernées sur un pied d’égalité y compris l’OLP.
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Cependant les négociations entamées à Madrid en 1991, se situaient dans un contexte différent. Elles n’ont pas été parrainées par les Nations Unies, pour déboucher sur des pourparlers bilatéraux. L’Union européenne s’est tout de même félicitée qu’une perspective de solution négociée fut à l’ordre du jour, sur la base des résolutions 242 et 338 du Conseil de Sécurité relatives à l’échange de la paix contre les territoires. Elle a soutenu par la suite sans réserve, les accords d’Oslo signés en grande pompe sur la pelouse de la Maison-Blanche en 1993 par Israël qui, tout en aspirant à un “ligotage” économique à la Communauté européenne sur le modèle de l’Association européenne de libre-échange, revendique une limitation du rôle de l’Europe, coupable à ses yeux de trop de connivences avec les pays arabes et avec l’OLP. Mais pour l’Europe, cet engagement correspond aussi à une thématique fondamentale; la sécurité de la région ne peut se fonder que sur la paix, la coopération régionale et le développement économique.
C’est dans cet esprit, d’ailleurs, que l’Europe avança le projet d’une zone de libre-échange israélo-arabe sur le modèle européen, dans le cadre d’un partenariat euro-méditerranéen, sachant que l’Europe, principal bâilleur de fonds des pays-tiers méditerranéens, entend toujours encourager l’avancée vers la paix dans cette région, en favorisant, à la fois, l’amélioration de la situation économique et sociale dans les territoires palestiniens, les conditions de développement économique, la mise en place de structures démocratiques et d’une autorité palestinienne responsable devant ses mandants. Pour l’Europe, “l’amélioration des conditions de vie des Palestiniens est la meilleure garantie de sécurité à long terme pour Israël”.
La conférence de Washington en 1993 avait promis une aide internationale aux Palestiniens de 2,3 milliards de dollars, dont 38% à charge de l’Union européenne. Selon les mêmes sources, entre 1993 et 1997, 2,8 milliards ont été octroyés aux Palestiniens, dont 54% par l’Europe et 10% seulement par les Etats-Unis.
En bref, la forteresse Europe dispose de nombreux moyens de pression pour débloquer le processus de paix au Proche-Orient. Elle pourrait, en l’occurrence, développer une politique autonome, sans pour autant s’opposer à celle des Etats-Unis, jusqu’à présent insuffisante, à bien des égards. Elle pourrait utiliser, judicieusement, son rôle économique en gelant conditionnellement l’accord économique intérimaire en cours avec Israël, tant que celui-ci ne respecte pas ses engagements politiques et économiques et, surtout et d’abord, les droits de l’homme menacés au fil des jours. L’arrêt de toutes les formes de colonisation, l’ouverture de la voie de passage entre la Cisjordanie et la bande de Gaza, la levée du blocus, la construction du port et l’ouverture de l’aéroport, l’arrêt de la torture et la libération des prisonniers politiques palestiniens et libanais, afin de bénéficier des avantages de l’accord intérimaire susmentionné.
Cette attitude européenne s’impose pour contraindre Israël à un compromis crucial et qu’il y ait en fin de compte un prix à payer aussi élevé soit-il, au cas où la poursuite d’une politique hégémonique et de sabotage du processus de paix continue à prévaloir. 

 
 “Israël s’est fait toujours l’illusion d’un royaume allant jusqu’à l’Euphrate ralliant Our à Jérusalem. Il faudrait relire les écritures pour repenser froidement l’Apocalypse.

Jawad Boulos
(Peuples et Civilisations du Moyen-Orient)

 

 
 

 

  

 


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