Editorial


Par MELHEM KARAM 

 
UN PRÉSIDENT NE SE CROYANT PAS “DE DROIT DIVIN” ET NE CONSTITUANT PAS UN DÉFI AU CAS CHRÉTIEN
La situation politique au Proche-Orient paraît bloquée. Les Etats arabes n’accepteront pas de concession sur la proposition américaine, tandis que Netanyahu la rejette en bloc. La cohésion libano-syro-palestinienne devient une nécessité, dès lors que les Etats-Unis sont impuissants face au Premier ministre israélien qui, par son influence sur le Congrès, a réussi à paralyser la décision du pouvoir exécutif américain.
L’Union européenne, en particulier, la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne, ne semblent pas s’accorder. Ils s’entendent sur l’économie, sur les problèmes internes à l’Europe et sur quelques questions minimes, mais ne sont pas capables de mener une politique extérieure digne de ce nom. L’ambiance qui s’en dégage est celle d’une incapacité à restaurer la paix. L’opinion publique israélienne ne perçoit pas le coût exorbitant de cette politique pour la contester. Car la désinformation  israélienne dans ce domaine s’avère intelligente et a même prévu les éventuels accidents de parcours. D’où la neutralisation de la décision américaine.
L’Europe ne réalise pas le rôle éminent et efficace qu’elle pourrait jouer en faisant prendre conscience à la rue israélienne, par le biais de pressions conjointes avec les Etats-Unis, de la mauvaise conduite de Netanyahu. Dès lors, le processus de paix ne peut plus évoluer que pendant les quelques minutes des arrêts de jeu. Mais l’Europe ne voit plus comment traiter, intérieurement, avec cet état de fait dont il ressort que la paix n’est pas proche.
Cela exige la cohésion du front intérieur, politiquement et économiquement; suppose des hommes et des idées. C’est pourquoi, le futur chef de l’Etat doit jouir de compétences et de capacités. Ainsi, nous nous voyons portés, à l’instar du président Berri, à ouvrir prématurément le dossier présidentiel, en dépit des conseils prodigués en vue de son ajournement et de son maintien fermé à l’heure actuelle.
Cela, avons-nous dit, suppose deux faits: Primo, la venue d’un président, abstraction faite des calculs internationaux et des équilibres régionaux, pouvant satisfaire les gens, lesquels sont la pierre angulaire dans l’édification des régimes. Secundo, un président disposant d’un crédit moral ne le laissant pas croire qu’il est intouchable et de “droit divin”, imposé contrairement à la volonté des Libanais. Car ce qui est possible dans un climat extérieur optimiste, pourrait ne plus l’être dans un climat extérieur fermé et pessimiste.
L’élection d’un président faible au temps de l’optimisme, ne peut réussir au temps du pessimisme. En prévision de cette étape qui pourrait durer, il est demandé un président inspirant confiance à l’intérieur par sa personne, son style et sa pratique. Un président qui rassure, par sa connaissance des dossiers régionaux et des dossiers libanais, comme par sa manière adroite de les traiter, tout en jouissant de la conviction des gens, de leur agrément et de leur bénédiction.
Puis, et c’est le plus important, que soit élu un président capable de rassurer et de satisfaire la partie chrétienne, sans lui être un défi. Par sa non-participation politique complète ou économique, cette partie chrétienne pouvait paralyser jusqu’à un certain degré, la marche de l’Etat et provoquer des brèches dans le front intérieur. Car on ne peut se plaindre de l’attitude négative du camp chrétien ni prétendre que l’économie est paralysée à cause du manque de confiance de la partie chrétienne dans le pouvoir actuel en continuant à la marginaliser.
Nous ne pouvons pas dire, non plus, dans un système confessionnel où les chefs du Législatif et du gouvernement représentent leur communauté, que seul le président de la République ne jouit pas de la satisfaction de représenter la sienne, sous prétexte qu’il est le critère de l’équilibre; qu’il est à toute la patrie, non à une communauté déterminée, tout en étant affranchi des affiliations rituelles, surtout dans ces circonstances.
Ceci, si nous voulons traiter cette bombe à retardement - la “situation chrétienne” - sujette à explosion lors de changements régionaux. Ce président, le temps économique étant ce qu’il est, avec une dette publique et un déficit budgétaire, doit pouvoir rassurer les milieux économiques, de manière à ce qu’ils n’appréhendent pas l’investissement, ni la fuite des capitaux du Liban, ce qui aggraverait la crise.
Cette considération économique qui n’a aucun jour figuré parmi les considérations traditionnelles dans l’élection présidentielle, est devenue aujourd’hui, fondamentale. Si nous voulions éviter de lier la crise économique à la crise sociale; puis, à la crise politique et sécuritaire, elle frapperait , à la porte de l’unité nationale et, partant, à la porte de la stabilité de l’Etat et de son système.
La situation économique n’ayant pas été inquiétante dans le passé, les qualités politiques du président étaient suffisantes. Mais, aujourd’hui, cette considération supplémentaire est fondamentale dans les calculs présidentiels, comme c’est le cas dans la plupart des Etats du globe.
Puis, la prochaine étape sera, immanquablement, très délicate quant à l’opération de paix et à la libération du Liban-Sud. De là, du moment que l’erreur n’est pas permise; que l’expérience dans ce domaine est essentielle et que le traitement avec les relations internationales est indispensable, le futur président doit être versé dans ces affaires internationales, dans leurs labyrinthes et leurs coulisses, pour que la cause libanaise ne disparaisse pas comme du “menu fretin” dans la confrontation des géants.
Enfin, il est admis que la relation libano-syrienne est stratégique, liée au sort et à l’avenir des deux pays. De ce fait, le futur président doit jouir de la confiance de la Syrie, en ne permettant pas au Liban de se prêter de quelque façon que ce soit, à des décisions visant à l’isoler, à la dépasser ou à l’affaiblir. Car bien qu’étant fondamentale, cette considération syrienne ne peut annuler le crédit intérieur du président. Ceci repose la Syrie du point de vue du prix de son soutien, comme des brèches pouvant être utilisées face à quiconque ne dispose pas d’un crédit national, chrétien, économique et structurel.
A l’ombre de la situation administrative dans laquelle se débat l’Etat avec le pourrissement, l’anarchie et la perdition que cela comporte, ce président doit se réclamer de l’école des bâtisseurs des institutions et de l’Etat.
De ce fait, il peut partir d’une vision claire autour de la réforme administrative globale, pour redonner à l’Etat son efficacité, ses aspects sombres et lézardés étant apparus après la fin de la guerre. 
Photo Melhem Karam

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