DEPUTE SUDIST MEMBRE DU "BLOC DE LA LIBERATION ET DU DEVELOPPEMENT"
MOHAMED A. BEYDOUN: "LE FUTUR CHEF DE L'ETAT DOIT POUVOIR REACTIVER LES INSTITUTIONS ET RENOVER LA VIE POLITIQUE"

Le futur président de la République doit disposer d’un programme d’action, tout en étant capable de réactiver les institutions et de rénover la vie politique, celle-ci devant reposer sur les partis. De cette manière, le système démocratique sera renforcé”, soutient M. Mohamed Abdel-Hamid Beydoun, député du Liban-Sud, membre du Bloc de la libération et du développement, dont le chef de file n’est autre que le président Nabih Berri.
Parmi les présidentiables, le général Emile Lahoud, commandant en chef de l’armée est, à son avis, le plus indiqué dans les circonstances présentes.
Par ailleurs, il ne manque pas, comme à son habitude, de décocher ses critiques au chef du gouvernement, disant que “le président Hariri n’a pas une mentalité de démocrate; c’est le modèle par excellence de l’homme individualiste, œuvrant aux fins de consolider sa position, en accaparant les prérogatives du Conseil des ministres.”

LA VISITE D’ASSAD À PARIS
Invité à commenter la visite du président Hafez Assad en France, M. Beydoun y voit “un premier pas sur la voie d’une nouvelle étape dans les relations entre la Syrie et la France, d’une part; entre le monde arabe et l’Europe, d’autre part.”
Et d’ajouter: “La visite tend vers un partenariat plus large que celui envisagé à la conférence de Barcelone. De plus, elle aura sans doute son impact sur l’évolution des relations euro-arabes et, aussi, sur le rôle régional de la Syrie. Elle a transposé le président Assad de sa position en tant que premier protagoniste régional, à celle de l’élément fondamental sur la scène internationale.
En ce qui concerne les répercussions de cette visite sur le Liban, le parlementaire sudiste pense qu’elles se traduiront par une nette amélioration des relations libano-françaises.”

HARIRI A DÉÇU LES LIBANAIS
- L’échéance présidentielle est à l’ordre du jour et le président Berri annonce une élection en bonne et due forme. Quel est votre avis à ce sujet et pour quel présidentiable va votre préférence?
“Jusqu’à présent, le président Berri ne s’est pas montré favorable à la reconduction du mandat présidentiel. Puis, le chef de l’Etat lui-même n’a pas exprimé le souhait de voir proroger, une nouvelle fois, son mandat.
“C’est pourquoi, tout porte à penser qu’on s’achemine vers l’élection d’un nouveau président, ce qui raffermira le système démocratique et accroîtra la confiance quant à la stabilité interne et à notre avenir.
“Il importe que le futur chef de l’Etat ait une vision claire des problèmes et de la manière de les résoudre. Est-il besoin de répéter que l’expérience haririenne a déçu les Libanais, qui avaient fondé de grands espoirs sur sa personne quand il a été chargé de former le gouvernement pour la première fois en 1992?
“M. Hariri n’a d’autre programme que celui visant à consolider sa position, preuve en est, les réalisations des six dernières années, ont été accomplies aux dépens de l’Etat, des institutions et de la stabilité du pays.”

ÉLIRE UN PROGRAMME AVANT UN PRÉSIDENT
“Les blocs sont appelés à conclure un accord au sein de l’Assemblée, en vue de l’élection d’un chef de l’Etat disposant d’un programme clair, capable de sauver le Liban dans l’étape à venir, d’autant que la situation des institutions est défectueuse; il faut la redresser avant qu’elle affecte davantage l’économie et les secteurs productifs.”
A propos des candidats briguant la magistrature suprême, M. Beydoun émet ces réflexions: “Les présidentiables sont connus, les députés maronites étant pratiquement tous candidats.
“Naturellement, le plus en vue parmi eux est le général Emile Lahoud, commandant en chef de l’armée. Puis, le président Hraoui pourrait exprimer, ultérieurement, le désir de se maintenir à Baabda... D’autres présidentiables sont des extra-parlementaires et attendent le moment opportun pour se déclarer.
“Cependant, je reviens à dire qu’il faut nous entendre sur un programme avant de fixer notre choix sur la personne du futur président.”

RÉNOVER LA VIE POLITIQUE
- Quels seraient les éléments de base du programme présidentiel?
“Il doit comporter une vision politique claire et un plan visant à résoudre tant de problèmes auxquels le pays est confronté depuis la fin de la guerre.
“Nous voudrions un président déterminé à réactiver les institutions, à commencer par le Conseil des ministres, qui doit être une institution dans toute l’acception du terme, pour finir par l’administration étatique. Celle-ci doit être assainie et, surtout, soumise à un contrôle rigoureux de la part des organismes qualifiés.
“Il faudra, aussi, rénover la vie politique, les dernières élections municipales ayant prouvé que le Liban vit encore avec une mentalité traditionnelle au niveau politique, bien que les citoyens soient très politisés. En réalité, la mentalité familiale et tribale prédomine, ce qui entrave l’édification d’un Etat moderne et entretient un Etat miné par le clientélisme et les intérêts particuliers.
“Pour réactiver la vie politique et assainir l’administration, le futur chef de l’Etat doit jouir d’un courage à toute épreuve, hostile à tout ce qui sert les intérêts de clans ou de parties déterminés.
“D’où la nécessité de réorganiser la vie politique sur la base de partis dignes de ce nom, ceux qui existent actuellement ne pouvant répondre à l’ambition des citoyens. Il importe donc de les transformer en grands groupements nationaux, comme c’est le cas dans les pays démocratiques évolués.
“D’autre part, il est impérieux d’élaborer une nouvelle loi électorale assurant la représentation de toutes les franges de la population. Il est erroné de penser que la petite circonscription peut donner un tel résultat. Cette dernière permet aux candidats fortunés de se faire élire, en procédant à l’achat des voix. La grande circonscription rend cette opération difficile, voire impossible.
“A mon avis, l’adoption de la représentation proportionnelle peut garantir une représentation authentique de l’électorat. Seul un président courageux et intègre est en mesure de procéder à ces réformes.”

NON À LA “POLITIQUE DE L’AUTRUCHE”
“Le futur chef de l’Etat devra, également, s’employer sans retard à traiter la situation économique avant qu’il ne soit trop tard, alors que le gouvernement actuel se contente de prodiguer les promesses et suit la “politique de l’autruche”. Une refonte totale de la politique économico-financière s’impose d’urgence.
“Le marasme ambiant ne peut ni ne doit être traité avec la mentalité du Cabinet en place. Pour tout dire, si les réformes n’étaient pas accomplies dans le plus bref délai, je crois que le Liban tout entier serait en danger.”

- Vous rejoignez donc le président Hariri qui appelle à la rénovation de la vie politique, à l’élaboration d’une nouvelle loi électorale et à une autre régissant les parties...
“A ma connaissance, M. Hariri n’a évoqué aucune fois ces questions. D’ailleurs, il n’a pas la mentalité d’un homme de parti acquis à l’action démocratique. Bien au contraire, c’est le modèle type de l’individualiste et il lui répugne de travailler dans le cadre des institutions.
“De plus, il s’entoure moins d’une équipe de travail que de fonctionnaires adoptant ses opinions et mobilisés à les défendre. Les propos qu’il tient à ce sujet sont, je crois, destinés à la consommation intérieure. D’ailleurs, au cours des six dernières années, il n’a pu présenter aucun projet institutionnel, visant à édifier un Etat sur des bases foncièrement démocratiques.”

“AMAL” A BESOIN DE SE RÉFORMER
- Le mouvement “Amal” tiendra son congrès en septembre: quels seront les principaux points de l’ordre du jour?
“Amal, à l’instar des autres partis libanais, a besoin de réformes au double niveau de sa réorganisation interne et de la pratique politique. Pour cela, il doit tirer les leçons de ses précédentes expériences, notamment celles des législatives de 92, 96 et des municipales.
“Quant aux réformes, elles doivent à mon sens, reposer sur les trois points suivants: Primo, asseoir la vie politique sur des bases démocratiques à cent pour cent, les responsables du parti à tous les échelons devant être désignés par voie d’élection, afin qu’il soit possible de leur réclamer des comptes.
“Secundo, après la guerre, les partis ont besoin de sang nouveau et de recruter des éléments se distinguant par leur compétence et leur expérience dans divers domaines: syndicalistes, universitaires, personnes spécialisées, etc... Il est nécessaire, aussi, d’ouvrir la voie aux éléments féminins désireux d’œuvrer pour le bien public à travers un cadre partisan.
“Tertio, il faut réhabiliter l’action politique, autrement dit permettre aux seuls éléments valables de s’y adonner,
“Je crois que la tendance au sein de “Amal” est en faveur d’un tel plan de réformes. Son point de vue se résume en ce que la vie politique doit reposer sur les partis nationaux, non confessionnels, sectaires ou limités à une personne et à une région déterminées, faute de quoi, il ne sera pas possible de dynamiser la vie politique, ni de l’assainir.”

PARTIS POLITIQUES ET DÉMOCRATIE
- Que pensez-vous du retour de certains partis sur la scène politique?
“Les partis traversent des périodes de crise et ne peuvent s’en sortir qu’en adoptant une politique démocratique. Afin de jouer un rôle national, ils doivent profiter de l’expérience des pays évolués. Aussi, ne faut il  pas oublier l’importance des partis politiques en tout régime démocratique et leur influence dans le choix des gouvernants, afin d’assurer une meilleure représentativité du peuple.”

QUID DE L’ÉCHELLE DES SALAIRES?
- L’échelle des salaires serait-elle reportée au prochain régime?
“Elle sera probablement ratifiée en septembre. Mais le gouvernement tergiverse, d’autant qu’il a fixé au 1er janvier 1999, la date à laquelle les fonctionnaires bénéficieront de cette loi. Cette politique consiste à faire assumer au prochain régime des charges supplémentaires et partant à faire échouer le futur président.”

- Comment expliquez-vous la demande de certaines parties chrétiennes concernant l’amendement des clauses de Taëf, notamment celles se rapportant aux prérogatives du président de la République?
“En effet, certains considèrent que Taëf a consacré les prérogatives du président; d’autres affirment le contraire. En somme, l’accord de Taëf n’est pas sacro-saint. L’important est de préserver l’unité et l’entente nationales. Des élections législatives ont lieu tous les quatre ans et chaque député peut avancer des idées au sujet de l’évolution du système politique dans laquelle nous sommes tous engagés. Celle-ci n’est pas liée aux prérogatives d’une personne, mais dépend de notre capacité à renforcer nos institutions démocratiques et notre action en vue d’édifier les bases de l’Etat.”

POUR UN GOUVERNEMENT REPRÉSENTATIF
- D’aucuns considèrent que l’Assemblée nationale -exception faite de certains députés - ne joue pas son rôle en tant que contrôleur et censeur de l’action gouvernementale.
“L’Assemblée nationale, comme toute autre institution, a besoin d’être renforcée, afin de consolider la tâche des députés. Ceux-ci ne disposent pas des dossiers gouvernementaux, mais de données incomplètes, sinon erronées.
“De même, l’Assemblée manque d’organismes pour l’étude des dossiers qui lui sont soumis.
“Malgré ces difficultés, elle assume ses charges durant les débats de confiance, interrogeant les ministres au sujet de leur politique. Contrairement au Conseil des ministres qui est réduit à une seule personne, l’Assemblée agit de concert avec ses commissions.”

- Le processus de paix restera-t-il bloqué?
“Tant que Netanyahu est à la tête du gouvernement israélien, il n’y a aucun espoir. Actuellement, une remise en question est faite de cette réalité aux niveaux régional et international. Mais ceci sera sans résultat, d’autant que les Américains sont incapables d’exercer des pressions sur Tel-Aviv.”

Propos recueillis par HALA HUSSEINI

Home
Home