LA VISITE D’ASSAD À PARIS
Invité à commenter la visite du président Hafez
Assad en France, M. Beydoun y voit “un premier pas sur la voie d’une
nouvelle étape dans les relations entre la Syrie et la France, d’une
part; entre le monde arabe et l’Europe, d’autre part.”
Et d’ajouter: “La visite tend vers un partenariat plus large que celui
envisagé à la conférence de Barcelone. De plus, elle
aura sans doute son impact sur l’évolution des relations euro-arabes
et, aussi, sur le rôle régional de la Syrie. Elle a transposé
le président Assad de sa position en tant que premier protagoniste
régional, à celle de l’élément fondamental
sur la scène internationale.
En ce qui concerne les répercussions de cette visite sur le
Liban, le parlementaire sudiste pense qu’elles se traduiront par une nette
amélioration des relations libano-françaises.”
HARIRI A DÉÇU LES LIBANAIS
- L’échéance présidentielle est à l’ordre
du jour et le président Berri annonce une élection en bonne
et due forme. Quel est votre avis à ce sujet et pour quel présidentiable
va votre préférence?
“Jusqu’à présent, le président Berri ne s’est
pas montré favorable à la reconduction du mandat présidentiel.
Puis, le chef de l’Etat lui-même n’a pas exprimé le souhait
de voir proroger, une nouvelle fois, son mandat.
“C’est pourquoi, tout porte à penser qu’on s’achemine vers l’élection
d’un nouveau président, ce qui raffermira le système démocratique
et accroîtra la confiance quant à la stabilité interne
et à notre avenir.
“Il importe que le futur chef de l’Etat ait une vision claire des problèmes
et de la manière de les résoudre. Est-il besoin de répéter
que l’expérience haririenne a déçu les Libanais, qui
avaient fondé de grands espoirs sur sa personne quand il a été
chargé de former le gouvernement pour la première fois en
1992?
“M. Hariri n’a d’autre programme que celui visant à consolider
sa position, preuve en est, les réalisations des six dernières
années, ont été accomplies aux dépens de l’Etat,
des institutions et de la stabilité du pays.”
ÉLIRE UN PROGRAMME AVANT UN PRÉSIDENT
“Les blocs sont appelés à conclure un accord au sein
de l’Assemblée, en vue de l’élection d’un chef de l’Etat
disposant d’un programme clair, capable de sauver le Liban dans l’étape
à venir, d’autant que la situation des institutions est défectueuse;
il faut la redresser avant qu’elle affecte davantage l’économie
et les secteurs productifs.”
A propos des candidats briguant la magistrature suprême, M. Beydoun
émet ces réflexions: “Les présidentiables sont connus,
les députés maronites étant pratiquement tous candidats.
“Naturellement, le plus en vue parmi eux est le général
Emile Lahoud, commandant en chef de l’armée. Puis, le président
Hraoui pourrait exprimer, ultérieurement, le désir de se
maintenir à Baabda... D’autres présidentiables sont des extra-parlementaires
et attendent le moment opportun pour se déclarer.
“Cependant, je reviens à dire qu’il faut nous entendre sur un
programme avant de fixer notre choix sur la personne du futur président.”
RÉNOVER LA VIE POLITIQUE
- Quels seraient les éléments de base du programme
présidentiel?
“Il doit comporter une vision politique claire et un plan visant à
résoudre tant de problèmes auxquels le pays est confronté
depuis la fin de la guerre.
“Nous voudrions un président déterminé à
réactiver les institutions, à commencer par le Conseil des
ministres, qui doit être une institution dans toute l’acception du
terme, pour finir par l’administration étatique. Celle-ci doit être
assainie et, surtout, soumise à un contrôle rigoureux de la
part des organismes qualifiés.
“Il faudra, aussi, rénover la vie politique, les dernières
élections municipales ayant prouvé que le Liban vit encore
avec une mentalité traditionnelle au niveau politique, bien que
les citoyens soient très politisés. En réalité,
la mentalité familiale et tribale prédomine, ce qui entrave
l’édification d’un Etat moderne et entretient un Etat miné
par le clientélisme et les intérêts particuliers.
“Pour réactiver la vie politique et assainir l’administration,
le futur chef de l’Etat doit jouir d’un courage à toute épreuve,
hostile à tout ce qui sert les intérêts de clans ou
de parties déterminés.
“D’où la nécessité de réorganiser la vie
politique sur la base de partis dignes de ce nom, ceux qui existent actuellement
ne pouvant répondre à l’ambition des citoyens. Il importe
donc de les transformer en grands groupements nationaux, comme c’est le
cas dans les pays démocratiques évolués.
“D’autre part, il est impérieux d’élaborer une nouvelle
loi électorale assurant la représentation de toutes les franges
de la population. Il est erroné de penser que la petite circonscription
peut donner un tel résultat. Cette dernière permet aux candidats
fortunés de se faire élire, en procédant à
l’achat des voix. La grande circonscription rend cette opération
difficile, voire impossible.
“A mon avis, l’adoption de la représentation proportionnelle
peut garantir une représentation authentique de l’électorat.
Seul un président courageux et intègre est en mesure de procéder
à ces réformes.”
NON À LA “POLITIQUE DE L’AUTRUCHE”
“Le futur chef de l’Etat devra, également, s’employer sans retard
à traiter la situation économique avant qu’il ne soit trop
tard, alors que le gouvernement actuel se contente de prodiguer les promesses
et suit la “politique de l’autruche”. Une refonte totale de la politique
économico-financière s’impose d’urgence.
“Le marasme ambiant ne peut ni ne doit être traité avec
la mentalité du Cabinet en place. Pour tout dire, si les réformes
n’étaient pas accomplies dans le plus bref délai, je crois
que le Liban tout entier serait en danger.”
- Vous rejoignez donc le président Hariri qui appelle à
la rénovation de la vie politique, à l’élaboration
d’une nouvelle loi électorale et à une autre régissant
les parties...
“A ma connaissance, M. Hariri n’a évoqué aucune fois
ces questions. D’ailleurs, il n’a pas la mentalité d’un homme de
parti acquis à l’action démocratique. Bien au contraire,
c’est le modèle type de l’individualiste et il lui répugne
de travailler dans le cadre des institutions.
“De plus, il s’entoure moins d’une équipe de travail que de
fonctionnaires adoptant ses opinions et mobilisés à les défendre.
Les propos qu’il tient à ce sujet sont, je crois, destinés
à la consommation intérieure. D’ailleurs, au cours des six
dernières années, il n’a pu présenter aucun projet
institutionnel, visant à édifier un Etat sur des bases foncièrement
démocratiques.”
“AMAL” A BESOIN DE SE RÉFORMER
- Le mouvement “Amal” tiendra son congrès en septembre: quels
seront les principaux points de l’ordre du jour?
“Amal, à l’instar des autres partis libanais, a besoin de réformes
au double niveau de sa réorganisation interne et de la pratique
politique. Pour cela, il doit tirer les leçons de ses précédentes
expériences, notamment celles des législatives de 92, 96
et des municipales.
“Quant aux réformes, elles doivent à mon sens, reposer
sur les trois points suivants: Primo, asseoir la vie politique sur des
bases démocratiques à cent pour cent, les responsables du
parti à tous les échelons devant être désignés
par voie d’élection, afin qu’il soit possible de leur réclamer
des comptes.
“Secundo, après la guerre, les partis ont besoin de sang nouveau
et de recruter des éléments se distinguant par leur compétence
et leur expérience dans divers domaines: syndicalistes, universitaires,
personnes spécialisées, etc... Il est nécessaire,
aussi, d’ouvrir la voie aux éléments féminins désireux
d’œuvrer pour le bien public à travers un cadre partisan.
“Tertio, il faut réhabiliter l’action politique, autrement dit
permettre aux seuls éléments valables de s’y adonner,
“Je crois que la tendance au sein de “Amal” est en faveur d’un tel
plan de réformes. Son point de vue se résume en ce que la
vie politique doit reposer sur les partis nationaux, non confessionnels,
sectaires ou limités à une personne et à une région
déterminées, faute de quoi, il ne sera pas possible de dynamiser
la vie politique, ni de l’assainir.”
PARTIS POLITIQUES ET DÉMOCRATIE
- Que pensez-vous du retour de certains partis sur la scène
politique?
“Les partis traversent des périodes de crise et ne peuvent s’en
sortir qu’en adoptant une politique démocratique. Afin de jouer
un rôle national, ils doivent profiter de l’expérience des
pays évolués. Aussi, ne faut il pas oublier l’importance
des partis politiques en tout régime démocratique et leur
influence dans le choix des gouvernants, afin d’assurer une meilleure représentativité
du peuple.”
QUID DE L’ÉCHELLE DES SALAIRES?
- L’échelle des salaires serait-elle reportée au prochain
régime?
“Elle sera probablement ratifiée en septembre. Mais le gouvernement
tergiverse, d’autant qu’il a fixé au 1er janvier 1999, la date à
laquelle les fonctionnaires bénéficieront de cette loi. Cette
politique consiste à faire assumer au prochain régime des
charges supplémentaires et partant à faire échouer
le futur président.”
- Comment expliquez-vous la demande de certaines parties chrétiennes
concernant l’amendement des clauses de Taëf, notamment celles se rapportant
aux prérogatives du président de la République?
“En effet, certains considèrent que Taëf a consacré
les prérogatives du président; d’autres affirment le contraire.
En somme, l’accord de Taëf n’est pas sacro-saint. L’important est
de préserver l’unité et l’entente nationales. Des élections
législatives ont lieu tous les quatre ans et chaque député
peut avancer des idées au sujet de l’évolution du système
politique dans laquelle nous sommes tous engagés. Celle-ci n’est
pas liée aux prérogatives d’une personne, mais dépend
de notre capacité à renforcer nos institutions démocratiques
et notre action en vue d’édifier les bases de l’Etat.”
POUR UN GOUVERNEMENT REPRÉSENTATIF
- D’aucuns considèrent que l’Assemblée nationale -exception
faite de certains députés - ne joue pas son rôle en
tant que contrôleur et censeur de l’action gouvernementale.
“L’Assemblée nationale, comme toute autre institution, a besoin
d’être renforcée, afin de consolider la tâche des députés.
Ceux-ci ne disposent pas des dossiers gouvernementaux, mais de données
incomplètes, sinon erronées.
“De même, l’Assemblée manque d’organismes pour l’étude
des dossiers qui lui sont soumis.
“Malgré ces difficultés, elle assume ses charges durant
les débats de confiance, interrogeant les ministres au sujet de
leur politique. Contrairement au Conseil des ministres qui est réduit
à une seule personne, l’Assemblée agit de concert avec ses
commissions.”
- Le processus de paix restera-t-il bloqué?
“Tant que Netanyahu est à la tête du gouvernement israélien,
il n’y a aucun espoir. Actuellement, une remise en question est faite de
cette réalité aux niveaux régional et international.
Mais ceci sera sans résultat, d’autant que les Américains
sont incapables d’exercer des pressions sur Tel-Aviv.”