Le porte-parole du président Hariri répond à ses
détracteurs et fait référence, en même temps
qu’à notre Constitution, à la Convention internationale sur
les traités, signée à Vienne le 23 mai 1969. Il se
prévaut, pour déterminer les personnes compétentes
pour les conclure, de l’article 7 de cette Convention.
Il n’était certainement pas adéquat de se référer
à la Convention de Vienne pour tracer les limites des attributions
du président du Conseil, d’après les lois libanaises (constitutionnelles
et ordinaires), en matière de relations extérieures. Disons,
en passant, qu’aucun texte de notre Constitution ne détermine, ponctuellement,
lesdites attributions. D’après feu le président du Conseil
français, Robert Schuman (publications de l’Université Aix-Marseille:
“Les Affaires étrangères”, P.U.F., 1959, p.11 et 12): “Il
se peut aussi - et c’est plus fréquent - que le président
du Conseil, tout en ayant un ministre spécial pour les Affaires
étrangères, garde personnellement la haute main et la véritable
direction de la politique extérieure. Ceci est le cas où
le président est une forte personnalité qui donne son empreinte
personnelle à l’ensemble des affaires, intérieures et extérieures,
civiles et militaires. Le ministre peut, alors, être même un
haut fonctionnaire qui a une expérience particulière des
grands problèmes de la diplomatie, de leur technique et de leur
évolution récente. Dans ce cas, c’est le chef du gouvernement
qui décide; son ministre est plutôt un secrétaire général
qui dispose de larges pouvoirs délégués.”
Peu importent les sources de la puissance du président du Conseil
des ministres; elles peuvent être, en plus de son caractère
vigoureux, sa qualité de membre d’un parti politique fort, ses amitiés
avec des personnalités étrangères influentes dans
le monde, ou son immense fortune.
QUI PEUT CONCLURE UNE CONVENTION INTERNATIONALE?
Le porte-parole de M. Hariri, en se référant à
l’article 7 de la Convention de Vienne, ne semble pas faire de distinction
entre le représentant qui lie l’Etat libanais dans ses relations
extérieures et l’autorité qui donne force exécutoire
aux conventions dans les relations internes.
D’après l’article 7 de la Convention de Vienne:
“1. Une personne est considérée comme représentant
un Etat pour l’adoption ou l’authentification du texte d’un traité
ou pour exprimer le consentement de l’Etat à être lié
par un traité:
a) si elle produit des pleins pouvoirs appropriés;
b) s’il ressort de la pratique des Etats intéressés ou
d’autres circonstances qu’ils avaient l’intention de considérer
cette personne comme représentant l’Etat à ces fins et de
ne pas requérir la présentation de pleins pouvoirs.
2. En vertu de leurs fonctions et sans avoir à produire de pleins
pouvoirs, sont considérés comme représentant leur
Etat:
a) les chefs d’Etat, les chefs de gouvernement et les ministres des
Affaires étrangères, pour tous les actes relatifs à
la conclusion d’un traité;
b) les chefs de mission diplomatique, pour l’adoption du texte d’un
traité entre l’Etat accréditant et l’Etat accréditaire;
c) les représentants accrédités des Etats à
une conférence internationale ou auprès d’une organisation
internationale ou d’un de ses organes, pour l’adoption du texte d’un traité
dans cette conférence, cette organisation ou cet organe.
En principe, donc, d’après ladite Convention, le chef de l’Etat
seul, ou le président du Conseil des ministres seul, ou le ministre
des Affaires étrangères seul peuvent, au nom de l’Etat conclure,
sans y être expressément habilités, une convention
internationale.
Et quand, plus loin, la Convention de Vienne (art. 12, 1 a) proclame
que “le consentement d’un Etat à être lié par un traité
s’exprime par la signature de cet Etat lorsque le traité prescrit
que la signature aura cet effet”, il serait amplement suffisant que, dans
le texte du traité, le négociateur insère que sa signature
aura l’effet de lier l’Etat pour que, en droit et sans retour, ledit représentant
non muni de pleins pouvoirs engage la nation.
QU’ÉDICTE LA CONSTITUTION LIBANAISE?
Mais la Constitution libanaise n’est pas dans ce sens quand elle édicte
(art. 52) que:
“Le président de la République procède à
la négociation et à la ratification des traités internationaux,
en accord avec le chef du gouvernement; les traités ne sont ratifiés
qu’après l’approbation du Conseil des ministres; le gouvernement
en donne connaissance à la Chambre des députés aussitôt
que l’intérêt et la sécurité de l’Etat le permettent;
les traités qui engagent les finances de l’Etat, les traités
de commerce et, en général, les traités qui ne peuvent
être dénoncés à l’expiration de chaque année,
ne sont définitifs qu’après avoir été votés
par la Chambre.”
Au demeurant, les tribunaux libanais ne peuvent nullement faire application
d’une convention internationale, si elle n’est pas mise en vigueur suivant
les termes de notre Constitution. Pour qu’une convention internationale
ait l’autorité de la loi devant nos tribunaux, il est nécessaire
qu’elle ait été conclue par les autorités compétentes
désignées par la Constitution et suivant la procédure
qu’elle prescrit.
A l’occasion, il est important de souligner que, jusqu’aujourd’hui,
à notre connaissance, la Convention de Vienne, dont certains articles
n’ont vu le jour qu’après des interventions longues et contradictoires,
n’a pas encore été ratifiée par le Liban. Des remarques
sérieuses s’imposent, même si les autorités libanaises
compétentes ne la ratifient pas. Certaines règles qui y ont
été adoptées, peuvent être considérées
comme ayant été pratiquées dans les relations internationales,
avant que les représentants des Etats au congrès de Vienne
ne les aient retenues. Ce qui veut dire que, même pour les Etats
qui n’ont pas encore ratifié ladite Convention, les règles
qui y figurent peuvent être considérées comme leur
étant applicables.
Au cas où le Liban décide de ratifier la Convention,
il est nécessaire de faire des réserves sur ses articles
7 et 12, en précisant que, sauf pour les accords administratifs,
aucune convention internationale n’aura d’effet vis-à-vis du Liban,
dans toutes ses relations extérieures, si les prescriptions de notre
Constitution concernant la procédure de sa conclusion et de sa ratification
ne sont pas observées.