JOSE LABAKY NOUS A QUITTES LA PLUME A LA MAIN
Son départ précipité fut une douloureuse surprise. D’autant que la veille, son article, le dernier “A la rescousse d’une Russie qui fait naufrage” avait paru dans “La Revue du Liban”.

Quelques jours auparavant, il se sentait fatigué et Michel Misk devait lui arracher ce “chant du cygne”, un condensé d’informations et de prévisions en vue du troisième millénaire. D’ailleurs, tous ses textes avaient une haute teneur philosophique et tentaient de prospecter le monde où il avait glané ses vastes connaissances.
On se souviendra longtemps encore de sa silhouette découpant les multiples paysages quotidiens, de sa fine écriture à laquelle rien d’humain ne semblait étranger, de sa sollicitude, de sa bienveillance et son respect envers autrui. Rien ne semblait affecter sa sérénité qu’il puisait d’une sagesse supérieure pour avoir sans doute côtoyé les précipices que lui ont valu ses problèmes de santé et appris à déchiffrer l’invisible.

 

 
Une sincère amitié liait José Labaky 
au président Charles Hélou.

 
 
José Labaky (premier à gauche) en compagnie
de M. Alain Boisméry, alors conseiller 
culturel français, Mme May Arida, 
M. Jacques Toubon, ministre français 
de la Culture, en visite au Liban et 
M. Bernard Le Tourneau, chargé d’Affaires de France.
 
José Labaky à la résidence patriarcale de Dimane
avec le cardinal patriarche Sfeir et une délégation commerciale.

 
 
Dans l’église de la Vierge. Au premier rang de l’assistance, 
M. Melhem Karam et la famille du défunt, sa fille Denise, 
son fils Nizar, Mme José Labaky et le Dr Fadi Labaky.

PERSONNALITÉ PLURIDIMENSIONNELLE
Il est quasi impossible de résumer la vie et le parcours de José Labaky; écrivain, journaliste, penseur, homme d’action, homme d’affaires, de culture, de science, initiateur d’idées, de mouvements. Une vie pluridimensionnelle articulée en partie sur le Liban et le Venezuela et, finalement, ancrée sur la mère-patrie.
Né le 19 mars 1920 à Baabdate, il est le fils de Michel Akl Labaky, dignitaire ecclésiastique, tribun et érudit et de Olina K. Labaky. Il effectue ses études primaires au collège de Baabdate, dont son père est l’un des fondateurs, ses études secondaires au collège de La Sagesse à Beyrouth; de droit et sciences politiques à l’USJ.
Il entre dans la fonction publique en 1943: directeur de l’Office du Crédit agricole et industriel, président des Commissions d’enquête et d’évaluation au ministère des Finances et se trouve porté candidat du Mouvement national au gouvernement de coalition du 11.3.76.
Marié à Salwa el-Khazen (il est père de trois enfants: Dr Fadi, Denise et Nizar), il poursuit une brillante carrière multiforme au Venezuela où la culture ne perd jamais ses droits face aux affaires. Tout en gérant des sociétés, il signe des articles dans la presse locale et internationale, en vient à éditer des journaux, à fonder des associations et à participer à la création de l’Union libanaise mondiale. Après avoir assumé la vice-présidence de la Fédération intercontinentale d’entités libanaises (FIEFL), il est membre d’instituts, d’académies, ainsi que du Conseil exécutif de la Ligue maronite.
Sa parole porte. Elle a valeur de référence et de témoignage. Et bien souvent, elle traverse les continents.

LA CONNAISSANCE ET LES HOMMES
Auteur d’ouvrages, José Labaky avait publié en 1966 son premier livre en langue espagnole: “Niveles de Calidad”. Il a traduit en espagnol “l’Histoire du Liban” de Jacques Nantet. Il a, outre ses conférences, publié de nombreux articles dans la presse libanaise et mondiale en matière économique, politique et sociale. Parmi ses études: L’avenir de l’opposition dans les démocraties, les Finances du Vatican, les problèmes du chômage à l’échelle mondiale, le Fonds monétaire international: système et évolution. Parmi ses ouvrages sous-presse: “Les idées juridiques de Sénèque”, “Quelle heure est-il au Liban?”, “Les partis communistes en Europe occidentale”.
José Labaky avait rencontré et interviewé quelques grands de ce monde: Le général Juan Péron à Caracas (1956), le président Richard Nixon alors vice-président des Etats-Unis (1958), le président John Kennedy à Caracas (1962), les présidents Romulo Betencourt, Raul Leoni, Romulo Callego, Rafael Caldera (1964), de même que le secrétaire d’Etat aux Finances John B. Conally, le général de Gaulle à Caracas (1963), le général Franco à Madrid (1963), le président Moise Tshombey du Congo à Madrid (1964), le président Walter Schell, alors ministre des Affaires étrangères, lors de son passage à Beyrouth et le président Edgar Faure.
De même rencontré et interviewé les écrivains et Prix Nobel: André Malraux en 1964, 1966 et 1972 à Paris, François Mauriac en 1964, 1966 à Paris, William Faulkner en 1955 à New York, Pablo Neruda en 1955 à Caracas, Cornelius Ryan en 1966 à Paris, Mario Vargas Llosa, président du Pen Club international en 1978 à Stockholm.
Plusieurs titres honorifiques lui ont été décernés en guise d’hommage à sa personnalité et à son œuvre. Et c’est avec beaucoup d’émotion que Baabdate l’a conduit à sa dernière demeure.
En l’église As-Saydé où se sont déroulées ses obsèques, ont officié NN.SS. Roland Aboujaoudé, vicaire patriarcal, Khalil Abinader et Mgr Boulos Matar. Mgr Roland Aboujaoudé a prononcé l’oraison funèbre au nom du patriarche Sfeir. Le président de l’Ordre des journalistes, Melhem Karam, à son tour, lui a rendu un vibrant hommage soulignant la valeur qu’il attachait au verbe mis au service de la vérité et de la liberté.
C’est un grand homme qui disparaît de notre horizon. A-t-il vraiment disparu?
 

SON DERNIER TESTAMENT

Quelques heures avant son décès, dimanche après-midi, José Labaky appelle Stavro et lui demande pour la énième fois de lui exécuter une caricature, afin de l’ajouter à son “patrimoine familial”. 

Ils avaient rendez-vous mercredi matin dans les bureaux de “La Revue du Liban”. Le jour du bouclage, Stavro arrive, dessin en main, sans même avoir eu connaissance du douloureux départ de notre collaborateur. Hélas! Il ne reste plus qu’un trait de plume en guise de souvenir. 

 

EXTRAITS DU MESSEAGE DE DA BEATITUDE LE CARDINAL NASRALLAH SFEIR
“Notre bien-aimé fils a répondu à l’invitation du Seigneur notre Dieu après de longues années de lutte au Liban et à l’étranger où il a porté haut le nom de sa petite patrie, le Liban. 
C’était un brillant journaliste, un fin diplomate, un grand penseur, puisant ses propos et ses actes dans sa foi inébranlable en Dieu.
“Il a grandi aux côtés de deux frères et trois sœurs, dont l’une est religieuse, auprès d’un père prêtre connu pour sa piété, son érudition dans un environnement familial pénétré de l’amour du Liban et qui a donné au pays des hommes de lettres, des patriotes et des figures politiques. C’est dans ce vivier que José Labaky a puisé des valeurs qu’il a servies tout au long de sa vie et qu’il a diffusées dans ses écrits en arabe, français, espagnol, dans ses conférences, ses cercles d’études, ses articles hebdomadaires publiés en français dans “La Revue du Liban” (...)
“Au cours de la guerre, il a œuvré à éteindre le feu là où d’autres cherchaient à l’attiser et à pacifier surtout les esprits. Il était persuadé que le Liban était la patrie de tous dans la diversité de ses confessions et qu’il ne pouvait se remettre debout que par les efforts communs consolidant les valeurs de la liberté, la démocratie, la souveraineté et l’indépendance (...) 

 

L'HOMMAGE DE MELHEM KARAM, PRÉSIDENT DE L’ORDRE DES JOURNALISTES
José Labaky un grand nom que perd la presse et qui laisse une famille, une descendance, ainsi que des valeurs qui l’introduisent auprès de son créateur.

Même l’expres-sion meurt apparemment. Et c’est la cruauté du destin.
Evoquer son souvenir, le pleurer, d’autres que moi le feront. Pour ma part, je ressens la perte d’un grand homme. José Labaky, parmi nous, tu créais la vie. Ton apport éclairait nos chemins obscurs. Et là, nous nous tenons debout dans ta lumière. Loin de nous l’idée de t’avoir perdu. La permanence du don est un don nouveau!
Je l’ai connu auteur d’articles, motivé et pugnace. Nous l’avons appelé maître. Spirituel, affable, critique et d’une vaste mémoire, ses dons étaient multiples. Ils se développaient et tous les jours se renouvelaient.
Ô grand disparu, l’écho de ta parole parviendra toujours à nos oreilles et à celles d’une génération que tu as créée. Ton legs restera à jamais vivant dans nos mémoires et dans les temps à venir. 


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