Une trêve paraît avoir été imposée
par Damas, après que le ministre de l’Intérieur, Michel Murr
eut informé les responsables syriens de la nature du litige opposant
les présidents Berri et Hariri... M. Murr a fait part au chef du
Législatif du désir de M. Khaddam de voir l’échange
des accusations prendre fin, surtout à l’approche de l’échéance
présidentielle.
Selon les milieux proches du palais du gouvernement, M. Hariri serait
enclin à geler l’échelle des salaires dans le secteur public
jusqu’après l’élection du futur chef de l’Etat, d’autant
que son entrée en vigueur n’interviendra pas avant le 1er janvier
99, l’effet rétroactif devant s’étaler sur cinq ans.
M. Hariri a été réconforté dans cette position,
par une réflexion dans ce sens qu’a émise le vice-président
syrien, en charge du dossier libanais. Quoi qu’il en soit, le problème
posé par l’échelle des salaires émergera de nouveau
avec plus d’acuité après l’échéance présidentielle,
le prochain Cabinet devant hériter de bien des dossiers épineux
que le gouvernement haririen n’a pu trancher.
QUID DE LA RÉVISION DE L’ARTICLE 49?
En ce qui concerne l’échéance présidentielle proprement
dite, le chef de l’Etat ne cesse de réitérer sa ferme détermination
à quitter le palais de Baabda aussitôt terminé son
mandat. Sa coterie assure que le président Hraoui ne prendra pas
l’initiative de réclamer la révision de l’article 49 de la
Constitution, laissant à l’Assemblée toute latitude d’en
décider.
On peut en déduire que la Chambre ne sera pas convoquée
en session extraordinaire dans l’immédiat. Si la révision
constitutionnelle devait être envisagée, elle se ferait durant
la session ordinaire du parlement qui commencera à courir dès
le premier mardi après le 15 octobre et jusqu’au 23 du même
mois. Au-delà de cette date, l’Assemblée se transformera
en collège électoral.
Quoi qu’il en soit, le chef de l’Etat ne cache pas son désappointement
de la polémique ayant opposé les présidents de la
Chambre et du Conseil, estimant que c’est la conséquence d’un exercice
du pouvoir non conforme aux clauses constitutionnelles. Aussi, estime-t-il
que l’unique solution à cet état de choses réside
dans l’adoption des réformes qu’il n’a cessé de préconiser
à la Constitution, les conditions dans lesquelles se déroule
la vie politique ayant prouvé la justesse de son point de vue dans
ce domaine.
C’est pourquoi, le président Hraoui refuse de laisser proroger,
une fois de plus, son mandat, surtout si les réformes constitutionnelles
n’étaient pas approuvées, afin d’améliorer la gestion
de la chose publique.
Quant aux présidentiables potentiels, ils ne se sont pas encore
manifestés, étant donné le manque de transparence
qui caractérise la position des différents blocs de la Chambre.
POURQUOI LA POLÉMIQUE BERRI-HARIRI?
Quant au conflit ayant opposé les présidents Berri et
Hariri, il a été provoqué, apparemment, par des divergences
autour des sources de financement de l’échelle des salaires. Le
chef du gouvernement insiste pour faire assumer au Législatif la
responsabilité d’une telle affaire, alors que le président
de l’Assemblée s’y oppose, jugeant que le Cabinet est seul responsable
et doit se tirer d’embarras après s’être embarqué dans
la “galère de l’échelle”.
Malgré les médiations tentées par des amis communs,
Koraytem et Aïn el-Tiné ont continué à échanger
les accusations et à s’attribuer les erreurs de la politique suivie
au cours des dernières années.
Cependant, la polémique a cessé pour la raison que le
président Hariri a préféré s’accorder une semaine
de repos en Sardaigne.
Tout pourrait recommencer dès son retour, aussi s’attend-on
à une intervention plus ferme et directe de la part de Damas, d’autant
que le palais de Baabda a reconnu son impuissance à réconcilier
les deux autres pôles du pouvoir...
Cela dit, le ministre de l’Information, M. Bassem Sabeh, a dit en recevant
au début de la semaine M. Melhem Karam, président de l’Ordre
des journalistes, que “la polémique politique a dépassé
les limites de l’échelle des salaires et de la session extraordinaire
de la Chambre, pour atteindre la relation entre les pouvoirs exécutif
et législatif.
ÉCHELLE DES SALAIRES ET ÉCHÉANCE
PRÉSIDENTIELLE
“Il est moins important, a-t-il ajouté, que la tempête
politique se perpétue ou s’arrête, que de la maintenir dans
un cadre tel qu’elle n’entraîne pas le pays à des crises politiques
et économiques graves.”
Le ministre a dit encore que la question de l’échelle des salaires
paraît devoir être éclipsée par d’autres sujets
et titres politiques. “La session extraordinaire est maintenant liée,
organiquement, au sort qui sera réservé à l’échelle,
ainsi qu’à tant de projets de lois dont le parlement est saisi.
Et quoi qu’on dise, on ne peut dissocier ces problèmes de l’échéance
présidentielle.”
M. Sabeh pense que le Liban a besoin d’un changement véritable
aux plans de la gestion et de la pratique, ce qui exige la révision
de bien des lois en vigueur et, peut-être même, leur remplacement
par d’autres répondant aux impératifs de l’heure.
“Quant aux spécificités du futur président de
la République, poursuit-il, elles seront celles que fera prévaloir
la conjoncture régionale. Quant à toutes les autres lectures
politiques, elles sont d’ordre spéculatif et, partant, n’aident
pas à déterminer l’identité du président et
sa personnalité.”
A l’ombre de toutes ces données, qu’en est-il de la trêve
observée, à présent, entre les présidents Berri
et Hariri?
Elle pourrait se prolonger grâce aux développements de
la conjoncture, alors que les cœurs prendront du temps avant de retrouver
leur sérénité.