LE TERRORISME SANS FRONTIERES FRAPPE L'AMERIQUE A NAIROBI ET DAR ES-SALAM

La main de Satan n’est jamais aussi pernicieuse que lorsqu’elle frappe au nom de Dieu. Pour certains illuminés, la confusion peut être totale. Mais pour ceux qui interceptent les messages, l’usurpation est criminelle, d’autant qu’elle sacrifie, sans distinction, innocents et présumés coupables.
Voitures calcinées et immeubles en feu au centre de Nairobi.
Coupables de quoi? D’être Américains? Ou de se trouver, même au bout du monde, dans un espace délimité par les Etats-Unis?
Le bilan des attentats à la voiture piégée, commis à quelques minutes d’intervalle, contre les ambassades américaines à Nairobi (Kenya) et Dar es-Salam (Tanzanie), est très lourd: 203 morts dont 11 Américains et près de 5.000 blessés. L’Afrique de l’Est secouée par les guérillas et les luttes ethniques, est ainsi confrontée au terrorisme international.

Le centre de Nairobi avant l’attentat.
DEUX TÉMOINS RACONTENT
Vendredi 7 août, 10h30. Prudence Bushnell, ambassadrice US au Kenya, se trouve au 21ème étage de la Coopérative Bank proche de  l’ambassade américaine, qui en est séparée par le Gateway House, petit immeuble abritant des bureaux et une école de secrétariat. Elle est réunie avec le ministre kenyan du Commerce, Joseph Kamoto. C’est alors qu’elle entend le bruit sourd d’une explosion et, dix secondes plus tard, celui d’“une énorme explosion”. Elle se retrouve assise, le visage couvert de sang et se protège instinctivement la tête de ses mains. Sans être paniqués, les gens traversent un épais écran de fumée, dévalent les 25 étages de l’immeuble. “Tout le monde saignait”. “Il y avait du sang partout”.
Sortie indemne de l’explosion, mais le visage portant les traces de ses blessures, la bouche légèrement paralysée par des points de suture, l’ambassadrice raconte ainsi ce qui s’est passé, lors d’un point de presse, à sa sortie de l’hôpital. Plus tard, elle déposera une gerbe de fleurs devant l’ambassade où tant de victimes sont gratuitement tombées.

Clinton condamnant les récents attentats: 
“Nous utiliserons tous les moyens à notre disposition 
pour mener les responsables devant la justice”.
Un second témoignage rapporté par le journal kenyan “Daily Nation” reproduit les propos tenus par Ochieng Okwach, un employé du ministère des Ressources naturelles qui se rendait à son bureau: “J’ai vu une camionnette jaune, couverte qui approchait de l’immeuble Gateway House, venant de la Coopérative Bank. Elle allait droit vers le parking situé entre l’ambassade américaine et Gateway House, quand elle s’est mise à reculer, avec son coffre arrière ouvert. Deux Arabes armés ont sauté avant que le véhicule ait fini de reculer. Un des deux hommes est revenu en courant dans la camionnette pendant que le second arrosait de balles l’immeuble de l’ambassade.”

L’ambassadrice des Etats-Unis au Kenya,
Prudence Bushnell, blessée dans l’attentat.
Selon des témoins oculaires, la camionnette avait tenté de se garer à l’entrée principale de l’ambassade, mais sommée par les gardes de repartir, elle aurait reflué vers la porte arrière et lancé des grenades sur les gardes.
A Nairobi comme à Dar  es-Salam, deux caméras-vidéo installées sur les toits des ambassades pourraient, si elles étaient toujours opérationnelles, fournir de précieux renseignements sur le déroulement des attentats. Marines, enquêteurs du FBI, équipes de secours, avions-cargos ont été dépêchés sur place où des centaines de volontaires étaient déjà présents aussitôt. A part les morts et les blessés, 40 immeubles du quartier d’affaires autour de l’avenue Hailé Sélassié ont été endommagés, le Gateway House s’est effondré complètement, les voitures et autobus circulant dans le périmètre de l’explosion, calcinés, réduits en carcasses ont été détruits avec leurs passagers.
 

Le président kenyan, Danil Arap Moi, 
sur les lieux de l’attentat.

 

Deux survivants trouvés au 22ème étage
de la Coopérative Bank, 50 heures après l
’attentat: Mme Odinda et son fils Gabriel, 13 ans.

 

Blessée évacuée par les Marines.
 

Une victime portée sur une civière.

LA PISTE ISLAMISTE OU LE FRONT ISLAMIQUE INTERNATIONAL
Aussitôt après le double attentat, le président Clinton affiche sa détermination de poursuivre les coupables: “Nous allons utiliser tous les recours à notre disposition pour mener les responsables devant la justice, quels que soient le temps et les moyens nécessaires”. Madeleine Albright, sur la même ligne précisera: “Quel que soit le temps qu’il faudra, la mémoire des Etats-Unis est très grande. Et nos moyens très importants.”
Une somme de deux millions de dollars a été promise pour tout informateur permettant de retrouver les auteurs du double attentat. Et déjà, trois groupes de suspects ont été arrêtés, tandis que l’on s’oriente inexorablement vers la piste islamiste. Les indications fournies par le président kenyan Danil Arap Moi faisant état “d’indices” pouvant mener vers les commanditaires de l’attentat, pourraient rejoindre la piste islamiste.
La première revendication du double attentat dont le FBI a retenu “le haut degré de coordination” a été faite, à partir   d’un appel téléphonique anonyme reçu par le bureau du Caire du journal “al-Hayat” (et confirmé par un communiqué adressé à Radio France Internationale), par “l’Armée islamique pour la libération des lieux saints musulmans” qui a exprimé sa “détermination à chasser les forces américaines et à frapper les intérêts américains jusqu’à la réalisation” de ses objectifs, dont “l’évacuation des forces américaines et occidentales des pays musulmans, en général, et de l’Arabie séoudite, en particulier”.
En réalité, la décision de frapper les deux ambassades US vulnérables et ne répondant pas aux normes de protection décidées par le Congrès américain (à la suite de l’attentat contre l’ambassade US de Beyrouth en 1983) avait été prise, en juin dernier, lors d’une réunion à Peshawar (Pakistan) du Front islamique international. Le FII fondé en 1990 en Arabie séoudite, est une coalition de huit organisations islamistes arabes, dont la Jamaa islamiya, le Jihad égyptien, l’Armée de Mahomet jordanienne, les Ansars du Cachemire, les Mouhajiroun séoudiens.
Le Front international se serait regroupé autour du milliardaire séoudien, déchu de sa nationalité, Oussama Ben Laden qui vit, actuellement, en exil en Afghanistan. Cet homme, d’allure fragile, de 41 ans, avait clairement affiché son anti-américanisme, lors d’une interview diffusée le 10 juin dernier sur la ABC: “Chasser les Américains du monde musulman”. Recherché autant par l’Arabie séoudite que par les Etats-Unis, il serait impliqué dans les deux attentats jamais élucidés du 13 novembre 1995 et 16 juin 1996 qui avaient causé la mort de 24 militaires américains en Arabie séoudite, de même que dans la tentative d’assassinat en 1995 du président Hosni Moubarak. Bien que les Taliban aient rejeté toute implication de Oussama Ben Laden dans le double attentat, les soupçons pèsent de plus en plus sur cet homme qui serait le commanditaire des attentats de Nairobi et Dar es-Salam.
Encore une fois, les services de renseignement américains sont sur la sellette. Ils n’ont rien vu venir. Les préparatifs des essais nucléaires indiens avaient échappé à leurs satellite-espions. Et encore une fois, ces mêmes satellites se laissent surprendre par les cerveaux machiavéliques des hommes.

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