![]() Schéma global de la réserve naturelle d’Ehden. |
![]() Papillon “Argent géant” (Iolana iolas). Ce beau mâle, repéré grâce au liseré blanc bordant ses ailes, vit de préférence dans les hauteurs. |
OÙ SE SITUE L’INTÉRÊT DU
CITOYEN?
L’un des obstacles majeurs auxquels se heurtent le directeur du projet,
M. Fayçal Abou-Ezzeddine et ses collaborateurs, se traduit par la
réticence des Libanais à sauvegarder les sites naturels de
leur pays.
Prompts à s’investir dans des projets d’où ils tirent
un bénéfice matériel direct et immédiat, ils
se désintéressent, totalement, des retombées futures
de leurs actes. Leur comportement est, ainsi, dicté par une mentalité
utilitariste: cet arbre sera abattu pour en extraire du bois; cet autre
sera préservé pour ses fruits et son ombrage.
Toutefois, les Libanais tendent à négliger un avantage
de poids dans la préservation de la nature: l’amélioration
de leur qualité de vie et de celle de leur descendance. La réalisation
d’un tel objectif repose sur trois facteurs essentiels: l’eau, l’air et
le tourisme.
1- L’eau que nous buvons. Les forêts jouent un très grand
rôle dans le stockage et l’approvisionnement en eau des Libanais.
Telle une éponge, elles absorbent les pluies en saison d’hiver,
les empêchent de se déverser dans la mer et les acheminent
vers les nappes phréatiques. Cette richesse hydraulique jaillit,
par la suite, sous forme de sources indispensables à la vie de l’homme.
La sauvegarde des forêts se répercute donc directement
sur la quantité des ressources hydrauliques qui accusent une diminution
non négligeable en période d’étiage.
2- L’air que nous respirons. La pollution de l’air au Liban atteint
des proportions alarmantes. Les feuilles des arbres constituent un moyen
naturel et efficace de débarrasser l’atmosphère des particules
intoxicantes. Elles dégagent de l’oxygène et purifient l’air
des agents polluants.
3- Le tourisme, source de revenus. Un grand nombre de touristes étrangers
affluent en été pour admirer la beauté naturelle du
“Liban vert”, découvrir la montagne libanaise, son cachet spécial
et goûter aux produits du terroir. Le Liban a, de tout temps, offert
un havre de paix aux habitants du Golfe en période d’estivage. Les
familles du Mont-Liban qui leur offraient leurs maisons en location, en
profitaient pour couvrir leurs frais et assurer la scolarisation de leurs
enfants. Cette source de revenu étalé sur deux à trois
mois couvrait les dépenses de toute une année.
Or, actuellement, la nature qui attirait tellement les étrangers
a été, inconsciemment, endommagée et les propriétés
malheureusement vendues.
L’amélioration de la qualité de vie et la volonté
d’entreprendre une telle action ne peut être l’œuvre d’un seul homme,
mais le résultat d’une prise de conscience et d’une action collective
dont les bienfaits ne se récolteront qu’à long terme.
![]() Fraîcheur d’une cascade. |
![]() Couleurs d’automne. |
LA BIODIVERSITÉ AU LIBAN
Selon le Dr Michel Abi-Antoun, directeur du projet de biodiversité, on dénombre actuellement au Liban 9.400 variétés végétales et animales, dont 3.500 restent à répertorier. Cette lacune s’explique par le manque de spécialistes pour dégager une étude exhaustive englobant la totalité des espèces. A noter que le Liban compte un grand nombre de plantes endémiques, c’est-à-dire, spécifiques à notre pays. Ainsi, parmi les 300 plantes médicinales répertoriées, 40 sont considérées endémiques, propres au territoire libanais. Comment expliquer cette diversité?
PROJET DE BIODIVERSITÉ: SON BUT
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EN QUOI CONSISTE LE PROJET DES RÉSERVES
NATURELLES?
En 1993, l’Union internationale de Conservation de la Nature (IUCN),
basée en Suisse, a été chargée par le Programme
des Nations Unies pour le Développement (PNUD) d’élaborer
un plan d’action, afin de conserver la biodiversité du Liban. Mis
au point par M. Abou-Ezzeddine et étalé sur une période
de cinq ans, ce projet a été approuvé en 1995 par
le Fonds des Nations Unies pour l’Environnement (GEF) qui lui a alloué
un montant de 2,5 millions de dollars. Ratifié par le gouvernement
libanais le 8 février 1996, il a été mis en exécution
le 15 novembre de la même année.
Ce projet se propose de réaliser plusieurs objectifs dont voici
les principaux:
- Protéger la biodiversité libanaise, notamment les espèces
en voie de disparition.
- Aider les responsables des réserves à établir
un plan de gestion des espaces verts.
- Former les effectifs humains chargés de l’exécution
du projet.
Il couvre, actuellement, trois réserves représentant
5% du territoire libanais et créées toutes en vertu de lois
ratifiées par le parlement: la forêt d’Ehden, les îles
aux palmiers (loi 121 du 9 mars 1992) et les cèdres du Chouf (loi
532 du 24 juillet 1996).
Jouissant toutes d’une couverture juridique garante de la durabilité
du projet, elles serviront de prototypes pour des réalisations similaires
futures.
Dès leur création, le ministère de l’Environnement
a nommé les commissions chargées d’effectuer les études
nécessaires, les expertises scientifiques et les projets de préservation.
Celles-ci travaillent dans le cadre de ce projet en collaboration étroite
avec les associations civiles de la région (les amis de la forêt
d’Ehden, le comité pour la protection de l’environnement de Tripoli
et la communauté des cèdres du Chouf) chargées de
la gérance de ces réserves.
Le projet met à la disposition des équipes de gérance
(nommées, conjointement, par les associations civiles et le ministère)
tout le matériel nécessaire à l’exécution de
leur travail: voitures jeep, jumelles, talkies-walkies, ordinateurs, etc...
Des stages de formation leur sont, également, assurés
tout comme l’assistance d’experts étrangers pour l’élaboration
d’un plan de gestion.
Depuis le lancement de ce projet jusqu’à ce jour, une augmentation
appréciable de la flore et de la faune dans ces réserves
a été enregistrée. Un travail de titan reste à
faire: répertorier toutes ces espèces animales et végétales
en vue de définir la biodiversité spécifique du Liban.
![]() Blancheur hivernale. |
![]() Particularité de la réserve: les cèdres côtoient de beaux sapins, de grands genèvriers et différents genres de conifères. |
LES ARBRES: IMPORTANCE ET RÔLE
Les arbres remplissent une fonction à plusieurs niveaux: 1- Ils purifient l’air des gaz nocifs et de la pollution industrielle, grand fléau du siècle. 2- Ils atténuent, également, la pollution acoustique en absorbant les bruits assourdissants. 3- Ils protègent les cultures agricoles en modérant l’effet de la vitesse des vents. 4- Ils ralentissent la fonte rapide des neiges, ce qui favorise une plus grande infiltration de l’eau dans les couches souterraines et une augmentation des ressources hydrauliques. |
LA FORÊT D’EHDEN UN PARADIS SUR TERRE
La prise de conscience de l’importance du patrimoine naturel d’Ehden
remonte bien loin dans l’Histoire.
Dans les années 1600, le patriarche Douayhi menace de sanctions
toute personne qui se permettrait de porter atteinte aux régions
forestières.
Bien plus tard, vers les années 1954, le Père jésuite,
Paul Boterde, est chargé par la France d’effectuer une étude
sur la biodiversité de la forêt d’Ehden. Il est frappé
par la richesse de cet écosystème montagneux et recommande
la protection de ce site naturel.
Tout récemment et bien avant la promulgation de la loi créant
la réserve, une prise de conscience se traduit par la formation
d’un mouvement pour la protection de la région. Les Drs Georges
Tohmé, Ricardo Habre et Abdallah Zakhya entreprennent des études
sur le terrain, organisent des campagnes d’informations et œuvrent pour
l’obtention d’une couverture juridique. Ainsi est née “l’Association
des amis de la forêt d’Ehden”.
Le mouvement poursuit ses démarches auprès des autorités
locales et nationales, ce qui aboutit à la promulgation de la loi
121 reconnaissant la forêt “réserve naturelle”.
SPÉCIFICITÉ DE LA RÉSERVE
La réserve se situe au Liban-Nord dans la région d’Ehden.
Elle s’étend sur une superficie de 1.000 hectares (10 km2) et atteint
une altitude variant entre 1.600 et 2.000 mètres.
Cette marge d’altitude favorise l’apparition d’une variété
d’écosystème et de microclimats qui se traduit par un large
éventail de flore et de faune.
Les récentes études révèlent l’existence
de:
1.020 variétés de plantes;
300 variétés de champignons;
120 variétés de papillons;
40 variétés d’arbres;
22 variétés de mammifères.
Nous citons, à titre d’exemple, les noms de quelques arbres,
plantes, mammifères et rapaces.
Les arbres: Cèdres (Cedrus libani), (le peuplement le plus important
de la réserve), Sapins (Abies cilicica), Chênes (Quercus cedrorum),
Pommiers sauvages (Malus trilobata).
Les plantes: 120 types de plantes endémiques sont répertoriés
dans la forêt d’Ehden; 70 portent le nom du Liban (Geranium libani,
Astragalus ehdenensis,...) ou des noms personnifiés (Dianthus karami,...).
Les mammifères: Renard, chacal, blaireau, loup, sanglier, porc-épic,
hyène, chat sauvage, écureuil, chauve-souris, fouine,...
Les rapaces: Aigle de Bonelli (une spécificité de la
région dont la race est en voie de disparition), faucon pèlerin
(Falco peregrinus),...
QU’EST-CE QU’UNE RÉSERVE?
Les lois nÞ121 et 532 ayant autorisé la création des “Réserves naturelles” au Liban ont clairement défini les mesures de protection de ces réserves, ainsi que les sanctions à appliquer en cas d’infraction. Les réserves sont des territoires limités et réglementés où il est interdit de: • laisser paître un troupeau; • abattre des arbres ou les exploiter dans un but industriel ou commercial; • extraire des richesses naturelles telles que: ressources minières, hydrauliques et rocheuses; • récolter des produits végétaux de toutes sortes; • cueillir des fleurs, des fruits ou même des grains; • pratiquer la chasse ou la pêche; • organiser des piques-niques; • jeter des ordures; • provoquer des incendies. SANCTIONS PRÉVUES
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