Le Premier ministre a, également, échangé les vues
sur les problèmes de l’heure avec le général Emile
Lahoud, commandant en chef de l’Armée, leur entretien ayant porté
sur deux questions d’actualité: la situation à Jezzine et
les présidentielles.
Dès le début de la semaine, les divergences ont éclaté
au grand jour entre les trois pôles du pouvoir, à propos de
l’échéance présidentielle, comme de la forme et de
la nature du futur Cabinet. Tout cela prouve que l’opération constitutionnelle
connaîtra une laborieuse gestation.
BERRI: HRAOUI N’A PAS RENONCÉ À
LA PROROGATION...
Le président Nabih Berri a exposé un certain nombre de
points et tiré des déductions suivantes en recevant, le lendemain
de son retour d’Italie, les reporters de presse:
1- Le président Elias Hraoui désire encore renouveler
son mandat, déployant à cet effet tous ses efforts et mobilisant
toutes ses possibilités tant morales que politiques.
2- Le chef du gouvernement, M. Rafic Hariri, s’oppose à la révision
de l’article 49 de la Constitution, afin de permettre l’élection
du général Lahoud. De plus, il renvoie la balle de la révision
constitutionnelle à la Chambre, tout en s’abstenant, avec le chef
de l’Etat, de la convoquer en session extraordinaire le 15 octobre, sachant
que l’Assemblée ne pourra pas procéder à l’amendement
de l’article 49 après cette date.
3- Les présidents Hraoui et Hariri ne convoqueraient l’Assemblée
en session extraordinaire que dans le but de réviser l’article mentionné,
de manière à permettre une nouvelle reconduction du mandat
présidentiel.
4- Le président Berri s’oppose à la prorogation comme
en 1995, mais craint que l’expérience de l’époque se renouvelle
suite à une entente entre les chefs de l’Etat et du gouvernement.
5- Le chef du Législatif procèdera à des consultations
parlementaires, que la Chambre soit convoquée en session extraordinaire
ou pas et même si le projet de révision de la Constitution
ne parvient pas au bureau du parlement.
Etant entendu qu’il n’a pas fixé de dates pour entreprendre
ces consultations.
6- Aucune option en ce qui concerne l’échéance présiden-tielle
n’a encore été tranchée par les “électeurs”
locaux, régio-naux et internationaux.
TENTATIVE DE “RÉCONCILIATION”?
Mais il est clair que le futur chef de l’Etat sera choisi en dehors
de l’Assemblée, ainsi qu’il ressort d’un commentaire du journal
damascène “As-Saoura” souhaitant l’accession, à la magistrature
suprême “d’un président préservant l’unité du
Liban, ainsi que la solidarité libano-syrienne au plan des négociations
de paix, soutenant la Résistance à l’occupation, garantissant
l’arabité du Liban et ses relations avec ses frères arabes.”
Selon des sources parlementaires, le futur locataire du palais de Baabda
ne se réclamera pas du clan acquis à l’idée qu’il
faut “gérer la crise” au lieu de chercher à la résoudre.
Les milieux de l’opposition se sont arrêtés aux dernières
prises de position du président Berri dont ils déduisent
que le Premier ministre agit dans un sens contraire à celui des
membres du gouvernement et de l’Assemblée.
“Le président du Conseil, a dit M. Berri, veut exercer son hégémonie
sur la Chambre et, partant, sur la présidence de la République.”
De même, il l’accuse de vouloir accaparer le rôle de la deuxième
présidence, en cherchant à fixer la date de l’élection
présidentielle durant les dix derniers jours du mandat présidentiel.
Cela voudrait signifier que le parlement serait transformé en collège
électoral, donc non habilité à débattre d’aucune
autre question, hormis celle de l’élection du nouveau chef de l’Etat.
Leurs amis communs tentent, en ce moment, de raccommoder les deux hommes,
à l’effet de rasséréner l’atmosphère. Mais
ces tentatives ne semblent avoir aucune chance d’aboutir et le chef du
Législatif se confine dans une attitude attentiste.
CONCERTATION HRAOUI-HARIRI
En ce qui concerne l’entretien Hraoui-Hariri et en dépit du
black-out dont on l’entoure, on a pu apprendre que l’échéance
présidentielle a été longuement évoquée,
de même que la convocation de la Chambre en session extraordinaire.
A ce sujet, deux tendances se dessinent: la première est en
faveur de la convocation de l’Assemblée entre les 25 septembre et
15 octobre, date à laquelle le parlement tiendra sa session ordinaire.
La seconde préconise la convocation de l’Assemblée du
1er au 15 octobre. Celle-ci semble devoir prévaloir, le président
du Conseil devant présider la délégation libanaise
à la 54ème session de l’Assemblée générale
de l’ONU et prononcer le mot du Liban.
De fait, M. Hariri gagnera New York samedi, via Damas oì il
conférera avec les responsables syriens, M. Abdel-Halim Khaddam
en tête, avant de se rendre aux USA. Les observateurs s’attendent
que la révision de l’article 49 de la Constitution et l’élection
présidentielle interviennent avant le 23 octobre et peut-être
même avant l’ouverture de la session ordinaire du parlement.
QUID DE LA SESSION EXTRAORDINAIRE?
Ce ne sont que des spéculations, le sort de la session extraordinaire
devant être connu au cours des prochains jours, au cours de la réunion
du Conseil des ministres, le dernier mot devant être laissé
aux présidents de la République et du Conseil.
Par ailleurs, les analystes interprètent différemment
la rencontre du général Lahoud à quelques jours d’intervalle,
avec les chefs de l’Etat et du gouvernement. D’aucuns pensent que la situation
au Liban-Sud et, spécialement à Jezzine, était au
centre de l’échange de vues.
D’autres assurent que l’échéance présidentielle
a été longuement évoquée, une semaine avant
que le délai constitutionnel commence à courir, au terme
duquel le futur chef de l’Etat devra être élu, d’autant que
le nom du commandant en chef de l’Armée figure en tête des
présidentiables ayant le plus de chance de l’emporter.
Pendant ce temps, le chef du gouvernement et son groupe de travail
s’emploient à expédier les affaires courantes, de même
qu’à répertorier les projets en rapport avec la reconstruction,
dans le but de clarifier ce dossier avant l’entrée en fonctions
du futur président de la République.
A ce propos, la coterie de M. Hariri lui prête l’intention d’éloigner
certains éléments et symboles, dont les noms ont été
mêlés à des transactions suspectes.
De même, le président du Conseil se propose de préparer
le dossier relatif à la dette publique, aux projets ayant été
réalisés ou en cours d’exécution avec les crédits
qui leur ont été affectés.
POURQUOI LA PROPOSITION HARIRIENNE?
Enfin, les milieux politiques s’interrogent sur la motivation d’une
proposition du chef du gouvernement suggérant que le futur président
de la République “soumette son programme au Conseil des ministres
en vue de l’en convaincre et de le porter à y souscrire”.
Les milieux précités y voient une tentative d’imposer
un candidat acquis aux idées de Hariri comme à ses ambitions
et à ses projets... feignant d’ignorer le risque découlant
du fait pour un responsable, quel qu’il soit, de lier le sort de tout un
pays à sa personne...