UNE HIRONDELLE NE FAIT PAS LE PRINTEMPS |
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A
entendre, ces derniers temps, les aboyeurs* de service, les politiciens
verbeux, les responsables (irresponsables) bavards par vocation (comme
les perroquets qui, dit-on, parlent beaucoup et volent peu), les commentateurs
et autres analystes de certains médias qui se jettent à corps
perdu dans les devinettes et tous les braves gens qui espèrent la
délivrance du prochain chef de l’Etat, on serait tenté, pour
se mettre au goût du jour, de chanter à l’unisson:
“Venez divin messie Sauvez nos jours infortunés”... Parce qu’en fait, c’est bien un sauveur que tout le monde attend et non un pauvre diable, parachuté d’outre-frontières et dépouillé de ses prérogatives. On attend de ce sauveur - malgré lui et malgré nous, qui aurait plutôt besoin d’être lui-même sauvé - d’arriver sur un char de feu, de brandir le glaive de la justice, de chasser d’un revers de main Netanyahu, ses pompes et ses œuvres, de purger l’administration de ses pommes pourries, de donner un coup d’arrêt au pillage des biens publics pratiqué par la classe dirigeante et ses acolytes dans le secteur de la haute finance, d’assainir le climat politique, de panser les blessures des démunis (qui représentent 90% de la population), de relever le niveau de vie, de recréer un environnement vivable, etc... “et son règne n’aura point de fin.” Un credo à en perdre le souffle. Il est évident qu’il n’est pas interdit de rêver, mais il est dangereux - et pour le moins décevant - de croire à ses rêves. Il n’est pas défendu de faire marcher son imagination, mais lui faire crédit c’est être un parfait imbécile. Il n’est pas prohibé de fantasmer, mais il est idiot de s’accrocher à ses fantasmes. Il est même toléré - voire: encouragé - de débiter des sonnettes, mais il est stupide de prendre les Libanais pour des crétins, capables de gober n’importe quel conte à dormir debout. Bien sûr, il serait merveilleux d’avoir un président de ce calibre. Un président qui nous sortirait du pétrin dans lequel nous nous débattons. Il serait tout aussi merveilleux de croire au père Noël et aux contes de fées. Malheureusement, notre père Noël à nous s’est reconverti dans Solidere. Quant aux nôtres de contes, c’est toujours la fée Carabosse qui mène la danse, l’ogre qui mange le Petit Poucet et le loup, le Petit Chaperon Rouge. Le géant sorti de la lampe d’Aladin, au lieu d’obéir à notre volonté, nous impose la sienne et notre classe politique a court-circuité Ali Baba en réussissant à lui vider sa caverne. Et à propos d’Ali Baba, parmi les qualités exigées d’un candidat à la présidence, nos marchands de discours mettent en tête de liste “l’intégrité.” INTEGRE? Un président de la République n’est-il pas censé l’être, sans que cela soit stipulé dans la Constitution? Et pourquoi crier aussi fort, comme si on voulait limiter l’intégrité au chef de l’Etat? Les présidents du parlement et du gouvernement en seraient-ils dispensés, par hasard? Serait-il permis aux ministres et aux députés de se défouler dans l’arnaque? Les fonctionnaires de l’Etat, les magistrats, les forces de l’ordre seraient-ils autorisés à nager dans la corruption? Voyons, messieurs, même si vous en avez perdu l’habitude - si tant est que vous l’ayez jamais eue - un peu de réflexion et de décence dans vos propos. Mieux encore, on se bouscule à l’envi pour clamer que le “changement génère le soulagement.” C’est fort possible et nous sommes tous contre l’immobilisme et la stagnation dans les ornières. Mais une hirondelle ne fait pas le printemps. Ce n’est pas un seul homme si doué soit-il - et de surcroît un homme privé de pouvoir réel - qui va provoquer ce changement et amener ce soulagement. Il faudrait tout chambarder dans cette république tétraplégique, non-voyante (il paraît qu’on ne dit plus aveugle), malentendante et bêtement parlante. Tout est à refaire, depuis la Constitution bâclée, importée et imposée par le chantage, en passant par les trois présidences, la plupart des institutions en place, les mœurs politiques, la classe dirigeante et, surtout, une administration qui arrive dans le peloton de tête des plus corrompues du monde. Il faudrait peut-être que le nouvel élu du prochain sexennat (si Dieu et la grande sœur le permettent) convoque un congrès national - chose qui aurait dû être faite déjà en 1990 - groupant l’ensemble des représentants AUTHENTIQUES de la population - et non plus des ersatz - résidents et émigrés, civils et religieux (puisqu’il est devenu courant que les religieux se mêlent de politique) pour débattre et, éventuellement, décider du Liban que nous voulons, si toutefois nous le voulons. Le voulons-nous? |
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