En réalité, nous sommes fixés sur l’issue de l’échéance
présidentielle. Ceci étant, pourquoi ne pas se hâter
d’élire le nouveau chef de l’Etat pour gagner du temps, comme c’est
le cas dans toutes les sociétés sauf, malheureusement, la
nôtre?
La décision a été prise et l’option retenue; il
reste, à présent, à établir le scénario
et la mise en scène! On en a eu connaissance, à la suite
de l’audience que le président Hafez Assad a accordée au
président Nabih Berri, laquelle sera suivie d’un ultime sommet libano-syrien
- qui pourrait être élargi - si on le jugera nécessaire.
Quoi qu’il en soit, il s’agit à présent de procéder
à l’amendement du troisième paragraphe de l’article 49 de
la Constitution. Et, peut-être, du paragraphe précédent,
afin de permettre au président de la République de briguer
un nouveau mandat, certains proposant que ce dernier soit fixé à
quatre ans.
LE MÉCANISME À SUIVRE
Quant à l’option, selon des sources fiables, elle consiste à
élire le général Emile Lahoud, commandant en chef
de l’Armée, pour succéder au président Hraoui, les
sondages d’opinion ayant prouvé que le Général répond,
parfaitement, aux qualifications de la personne appelée à
accéder à la magistrature suprême. De plus, il jouit
de l’appui et de la confiance de la rue tant musulmane que chrétienne.
Quant au mécanisme suivant lequel se déroulera l’élection,
il se ferait en trois temps: Primo, convoquer l’Assemblée en session
extraordinaire pour que l’amendement soit opéré dans le délai
constitutionnel.
Secundo, soumettre à la Chambre, à l’initiative du chef
de l’Etat, un projet de révision de l’article 49 de la Constitution,
en vue de permettre l’élection du général Lahoud.
Tertio, déterminer les dates auxquelles auront lieu l’amendement
et l’élection présidentielle.
Bien que la décision ait été prise et l’option
retenue, des tractations persistent entre les chefs du Législatif
et du gouvernement, autour de l’opportunité de réviser l’article
49.
Alors que les milieux proches de Aïn el-Tiné soupçonnent
le Premier ministre d’entraver cette procédure, un député
proche du président du Conseil, en l’occurrence M. Wagih Baarini,
député nordiste, assurait à l’issue d’une entrevue
avec M. Hariri, la semaine dernière, que “la tendance était
en faveur de la révision de l’article 49.” Ce que Aïn el-Tiné
a interprété comme “une évolution positive dans l’attitude
de M. Hariri.”
Cependant, la coterie de Koraytem réfute cette accusation et
soupçonne le camp d’en face - celui du président de la Chambre
- “de mettre des bâtons dans les roues.”
QUID DU FUTUR CABINET?
Par ailleurs, l’opposition parlementaire accuse le président
Hariri de manœuvrer, d’ores et déjà, en vue de former le
futur gouvernement selon ses propres visées politiques. Elle lui
prête même l’intention de boycotter le Pouvoir, si toute latitude
ne lui était pas laissée de choisir seul les ministres.
D’après certaines sources, M. Hariri s’emploierait à
obtenir des assurances sur ce point précis, avant l’élection
présidentielle. Mais il se heurte à des courants hostiles
au sein de l’Assemblée qui ne voient pas d’un bon œil sa manière
d’agir.
A ce propos, il se confirme que de “nouvelles têtes” émergeront
au Grand Sérail, le nombre des “constantes” (parmi les membres du
gouvernement) ne devant pas excéder les doigts d’une main.
Les ministres assurés d’être choisis sont: MM. Michel
Murr, Walid Joumblatt, Sleiman Frangié, Fouad Sanioura et Talal
Arslan.
Toujours est-il, qu’un débat envenimé est institué
autour de la représentation chiite et, surtout, du nombre des ministres.
M. Hariri penchait, initialement, vers le même nombre que celui du
Cabinet actuel (30 ministres), mais il a dû changer d’avis, en raison
de l’opposition qui s’est dessinée à ce sujet et le nombre
des ministres a été ramené à vingt ou vingt-deux
tout au plus.
HARIRI CHANGERA-T-IL DE STYLE?
La réduction des membres du gouvernement dépendrait,
semble-t-il, de celle de la représentation des partis, surtout,
s’il devait être procédé à la fusion de certains
départements ministériels.
Ces points, le président Hariri les a évoqués
au cours de ses rencontres à Damas, Paris ou New York, avec des
responsables syriens. De toute façon, rien de définitif n’interviendra
sur ce plan avant l’élection présidentielle. D’autant que
le nouveau président de la République aura son mot à
dire, en définitive. Et celui-ci aura tendance à opérer
un changement aux plans du style et de la gestion de la chose publique.
Le hic de l’affaire, selon l’opposition, est que M. Hariri n’est pas
en mesure de modifier son “style”, en ce sens qu’il lui répugne
de lâcher prise et voudrait continuer à avoir la haute main
sur le Pouvoir. Aussi, s’attend-on à ce qu’il se trouve en butte
à la détermination du nouveau régime d’opérer
un changement en profondeur, surtout au plan de la réforme administrative
et de la façon dont le Conseil des ministres sera appelé
à fonctionner, à prendre les décisions et à
les appliquer.
Quoi qu’il en soit, le chef du Législatif a déjà
entamé ses consultations, à l’occasion des agapes politiques
de Bkaasifrine où le président Omar Karamé s’est dit
acquis aux idées du président Berri. Au point de promettre
de se rendre, pour la première fois au parlement, depuis les législatives
de 96, pour soutenir le présidentiable auquel il aura décidé
d’apporter son soutien.Les présidents Berri, Karamé, les
ministres Sleiman Frangié et Jean Obeid, ainsi que les convives
présents à Bkaasifrine ont unanimement soutenu que “le président
Hariri, s’il était chargé de former le prochain Cabinet,
n’aurait pas les mains libres et ne se comporterait pas selon sa volonté
et son bon plaisir.”
Toutes ces personnalités ont proclamé leur appui à
la candidature du général Emile Lahoud et émis un
avis défavorable quant à une nouvelle prorogation du mandat
présidentiel.
M. Berri avait explicité le fond de sa pensée à
ce sujet à son retour, la semaine dernière, de Damas où
il avait été reçu pendant quatre heures par le président
Assad, affirmant que “le général Lahoud avait le plus de
chance d’être élu.” Telle est, aussi, la teneur des réflexions
qu’émettent, ces temps-ci, les responsables damascènes.
LE DÉLAI CONSTITUTIONNEL A COMMENCÉ
À COURIR
Dès jeudi, le délai constitutionnel a commencé
à courir et on présume qu’un ultime sommet libano-syrien
doit se tenir, incessamment, à l’issue duquel le “mot secret” serait
donné à toutes les parties directement concernées
par l’élection présidentielle.
Dès son retour à la fin de la semaine de New York, où
il aura prononcé le mot du Liban à la tribune de l’ONU, le
président Hariri confèrera avec le chef de l’Etat autour
de la convocation de la Chambre en session extraordinaire, la date devant
en être fixée au cours du prochain Conseil des ministres.
Entre-temps, le chef du Législatif aura entrepris ses consultations
parlementaires, en prévision de la révision de l’article
49 de la Constitution.