L’élection
des conseils municipaux, dont on attend des initiatives dans le domaine
de l’environnement; l’élection d’un président de la République,
dont on espère une nouvelle orientation de la politique libanaise
et, pendant ce temps, l’inspection des côtes par le navire “Sirius”
de Greenpeace, qui révèle une fois de plus l’étendue
de la pourriture à tous les niveaux et qui se traduit par une pollution
dramatique; la visite du prince Albert de Monaco porteur de dons verts,
ces quatre événements, qui n’ont rien de commun entre eux,
pourraient suggérer, si l’on y réfléchit bien, l’objectif
prioritaire qui devrait désormais être assigné à
l’action de l’Etat: l’amélioration de la qualité de vie au
Liban, pays qui ambitionne encore d’être un pays de tourisme, un
havre de paix et de convivialité.
Car tout se tient.
On prétendait jadis être “la Suisse de l’Orient”, ce qui
impliquait à la fois qualité de vie, tourisme et neutralité
politique. Ne pourrait-on pas, aujourd’hui, se contenter d’être le
Monaco de l’Orient, c’est-à-dire sans prétention à
une politique internationale, fut-elle neutre? Après tout, le Libanais
a davantage vocation de pays de fête que de sévérité
suisse...
...Pour le plus grand bonheur de M. Fattouche qui apparaîtrait,
ainsi, comme le personnage le plus important de l’Etat.
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Qu’on y réfléchisse encore et qu’on se réfère
aux principes fondateurs de l’indépendance en 1943: le Liban se
refusait, alors, à être “une base de l’impérialisme
et son lieu de passage.” Tel était le slogan proclamé par
Riad Solh.
Cette position n’a pas tenu longtemps devant les pressions successives
et souvent simultanées, de l’Amérique, des Hashémites,
des Nassériens, de la Ligue arabe, des Palestiniens et même
de la Turquie et d’Israël, avec la complicité de nombreux partis
et responsables libanais, sensibles aux séductions des grandes et
moins grandes puissances. A partir des années 50 et jusqu’à
la guerre civile de 1975 et malgré la parenthèse chéhabiste
de 58-64, le Liban s’est impliqué follement dans toutes les querelles
du Proche-Orient. Pour quel résultat?
Ruines et régression politique et morale.
Le bilan n’est pas glorieux. Qu’est-ce que la fameuse solidarité
arabe, dans ses diverses facettes, nous a apporté? De tous les pays
membres, le Liban aura été seul à y croire. Maintenant
que nous n’avons plus à faire la preuve de notre arabité
(ou de notre arabisme ou même de notre islamisme, pour nous conformer
aux nouvelles tendances de la Ligue) ne pourrions-nous pas nous entendre
entre nous pour prendre nos distances, comme chacun de nos partenaires
de la Ligue vis-à-vis des décisions inconsistantes et illusoires
de cette organisation; pour, enfin, comme tout le monde, nous préoccuper
seulement de nos intérêts nationaux définis en fonction
de nos moyens et de notre véritable vocation?
Cela ne nous empêcherait pas, en tout cas, de continuer à
participer à toutes les proclamations de solidarité, à
toutes les manifestations de fraternité militante, mais en faisant
comme les autres: ne pas y croire, ne pas en faire trop, au point de nous
diviser, mais poursuivre nos propres objectifs. Le premier d’entre tous
aujourd’hui: mettre de l’ordre dans la maison, retrouver les valeurs morales
d’une bonne administration des affaires intérieures, d’un respect
rigoureux des lois et de la première d’entre toutes: la loi fondamentale,
la Constitution.
Qu’est-ce qu’il y a actuellement de plus important pour tous les Libanais
sinon retrouver la confiance dans les mécanismes de la gestion de
l’Etat? Des prises de décisions? Comment traduire dans la pratique
ces slogans ressassés ces dernières années: l’Etat
des institutions, l’Etat de droit? Les droits de l’homme?
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C’est dans cette direction qu’on devrait orienter la réflexion
au moment où l’on se préoccupe de définir le rôle
du président de la République.
On ne demande pas au chef de l’Etat un programme. Ce qu’on lui demande,
c’est la connaissance parfaite de son rôle d’arbitre au-dessus des
partis et des intérêts, de conciliateur armé d’une
pensée politique, d’une vision du destin du Liban, capable, ainsi,
de fixer le cap à tous les gouvernements susceptibles de se succéder
au pouvoir, de faire respecter, rigoureusement, les mécanismes de
la Constitution dont il est le gardien.
Enfin, ne pas devenir un sujet d’intérêt privilégié
des caricaturistes de la presse.
En un mot, se faire respecter, faire respecter sa fonction, être
une véritable autorité morale.
Est-ce beaucoup exiger? Probablement. Car cela signifie, dans les circonstances
actuelles et au point où on en est, naviguer à contre-courant.
Il y faudra beaucoup d’indépendance d’esprit, sans forfanterie
et sans provocation.
...Mais il ne faut pas rêver. |
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