ÉLECTIONS DE MI-MANDAT
AUX ÉTATS-UNIS
UNE SORTE DE RÉFÉRENDUM
EN FAVEUR DU “COME-BACK KID”
Avec sa capacité
de rebondir face à toutes les situations, celui qu’on a surnommé
le “come-back kid” a toujours surpris son entourage, voire ses détracteurs.
Humilié, accusé, jugé, repenti, larmoyant devant
le tribunal du monde, il a vite fait volte-face, s’est battu comme
un lion, visitant les Etats, menant campagne et récoltant
des fonds pour les démocrates.
Le voici sur le point de gagner sur le front intérieur
après avoir engrangé des succès à Belgrade,
Pristina et Wye Plantation.
Bill Clinton a fortement
soutenu
le candidat démocrate
Charles Schumer.
Au cours de neuf mois de campagne anti-clintonienne et d’un déballage
pornographique ramenant au temps de l’Inquisition, le peuple américain
a fait preuve de maturité et prouvé que les hommes politiques
et les médias le laissaient indifférent à leurs manœuvres.
Curieusement, refusant de se laisser manipuler, il a toujours misé
sur le président, tout en condamnant ses frasques sexuelles maintenant
ainsi sa cote de popularité dans les hauteurs.
Pourquoi destituer un président qui fait si bien son travail
? Le bulletin de santé de l’économie américaine est
le plus positif depuis les années soixante. Et, fait sans précédent
depuis 29 ans, l’excédent budgétaire escompté
est de quelque 60 milliards de dollars.
Puis, ce président qui a recentré son discours, endosse
les problèmes quotidiens de la vie des citoyens en se préoccupant
d’éducation, de welfare, de lutte contre la criminalité.
Enfin, son image crève l’écran et charme les foules. Son
charisme passe.
Alphonse d’Amato perd son siège
de sénateur de N.Y. après avoir mené
une
campagne féroce contre Schumer. |
Le sénateur Carol Moseley Braun, première
femme afro-américaine à entrer au Sénat
se rendant au bureau de vote avec son fils Braun. |
Pour la première fois depuis 1934
En menant une pré- campagne féroce à l’encontre
du président, les républicains qui ont lancé
la procédure d’“impeachment” le 8 octobre dernier, espéraient
un raz-de-marée au Congrès afin de pouvoir neutraliser
tout véto présidentiel. En 1994, ils avaient réussi
à reconquérir le Congrès après 40 ans de “règne”
démocrate. Aux élections “mid-term” du 3 novembre, ils avaient
chargé leurs batteries pour dépasser largement leur courte
majorité de 11 sièges à la Chambre des représentants
et de 5 sièges au Sénat.
Depuis 1934, les élections de mi-mandat ont toujours été
préjudiciables au parti au pouvoir et les républicains misaient
sur cette constante historique pour élargir leurs assises. Il y
a dix semaines encore, ils semblaient avoir le vent en poupe. Puis, les
vents contraires ont commencé à souffler et les démocrates
reprenaient l’initiative. L’affaire Monica Lewinsky ne faisant plus recette,
elle a été occultée tout au long d’une campagne sans
enjeux majeurs, mais qui a roulé sur des centaines de millions de
dollars pour atteindre des sommets d’investissements dans les spots télévisés.
Certes, les républicains conservent leur majorité
au Congrès, mais les démocrates y gagnent des sièges
et y enregistrent une progression dite historique pour le parti au pouvoir.
Ce qui permettra au président, selon toute vraisemblance,
d’achever son mandat et d’y renforcer son pouvoir, rendant aléatoire
la procédure d’“impeachment” dont les premières auditions
sont programmées pour le 16 novembre.
Schumer, à l’annonce de sa victoire au
poste
de sénateur de l’Etat de New York, entouré
des membres de sa famille.
“Il ne s’agit pas d’élections ordinaires”
La veille des élections, Bill Clinton avait incité les
Américains à se rendre aux urnes car “il ne s’agit pas d’élections
ordinaires”. A partir de sa navette spaciale, l’astronaute John Glenn,
démocrate, en avait fait de même, confiant que lui-même
et ses coéquipiers de l’espace avaient déjà
accompli leur devoir électoral.
Ce que les démocrates craignaient avant tout, c’était
une forte abstention, comme c’est toujours le cas aux élections
de mi-mandat, de leurs partisans, les républicains étant
davantage mobilisés pour une telle échéance. Un faible
taux de participation leur étant naturellement préjudiciable.
Or, contre toute attente, il semble que cette participation ait été
plus forte que prévu en raison de la participation des Africains
et des Latinos. C’est ce qui explique en principe la percée de leurs
candidats.
En ce 3 novembre, les Américains étaient invités
à se rendre aux urnes pour renouveler la totalité des 435
sièges à la Chambre des représentants, le tiers des
sièges du Sénat (34 sur 100), 36 postes de gouverneurs et
participer à une série de référendums présentant
un enjeu local.
Les candidats ont déployé les grands moyens pour les
motiver (par les appels téléphoniques), faciliter leurs déplacements
(par les autobus mis à leur disposition) et les séduire (par
les discours-programmes fleuves à belles envolées lyriques).
Les batailles sur les fronts de New York et
de la Californie
Ce n’est pas le lyrisme qui a prévalu dans la féroce
bataille pour le siège de sénateur de l’Etat de New
York disputé par le républicain Alphonse d’Amato (il
y a dépensé 25 millions de dollars) et le démocrate
Charles Schumer dit Chuck (20 millions de dollars) que Hillary Clinton
est venue soutenir à plusieurs reprises.
Alphonse d’Amato, un catholique de 61 ans qui s’était fait le
fervent défenseur des victimes de l’holocauste et avait tenu un
rôle majeur dans la restitution des fonds juifs par les banques suisses,
jouait son avenir politique pour un troisième mandat. Mais
son discours, après 18 ans, avait fini par lasser les juifs eux-mêmes
qui lui ont préféré un de leurs coreligionnaires,
Chuck Scumer, 47 ans. Celui-ci, aussitôt élu avec 55%
des voix (contre 45% à son rival), a explosé de joie en annonçant
qu’il travaillera pour tous “car les rêves et les besoins des Américains
sont les mêmes.”
Succès démocrate en Californie, 33 millions d’habitants.
L’Etat le plus riche de l’Amérique et qui a déjà donné
deux présidents républicains aux Etats-Unis (Richard Nixon
et Ronald Reagan) a basculé dans le camp démocrate après
16 ans de pouvoir républicain. Barbara Boxer, démocrate,
s’est rudement battue pour conserver son poste de sénateur. Et
le démocrate Gray Davis, 55 ans, féru d’histoire et de politique,
devrait l’emporter sur le républicain et ex-ministre de la Justice,
Dan Lungren qui n’a pas la stature du gouverneur sortant Pete Wilson lequel
ne pouvait solliciter un troisième mandat.
Au Texas, la dynastie républicaine des Bush semble avoir
trouvé un avant-poste à la Maison-Blanche avec l’élection
au poste de gouverneur de George W. Bush (qui a vu son frère revenir
en Floride). Aussitôt élu, celui-ci a annoncé: “Je
travaillerai à inclure et non à exclure” avec un ton de candidat
de l’an 2000. Les gouverneurs peuvent faire et défaire les présidentiables.
Et leur pouvoir sur ce plan est considérable.
Les Américains enfin se sont prononcés. Avec une Chambre
des représentants toute neuve, 34 nouveaux sénateurs, 36
gouverneurs, tout en rêvant de refaire le monde, ils ne se font guère
d’illusions sur leurs hommes politiques.
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