Le professeur Vedel a émis son avis, sans être au courant
des tractations qui avaient eu lieu à la conférence de Taëf,
les députés qui y avaient pris part ayant opté pour
une formule de compromis.
Or, le président Rafic Hariri a pris prétexte des dispositions
de l’article 53, à l’effet de susciter un incident politico-constitutionnel
qui s’est retourné, en définitive, contre lui. Car il s’attendait
à des interventions d’un peu partout, pour l’amener à changer
d’attitude, ce qui n’a pas eu lieu. Le contraire s’est produit, sans doute
parce que les “décideurs” ont décidé de ne plus interférer
dans les affaires purement libanaises, laissant au président Lahoud
toute latitude d’agir selon qu’il le juge convenable.
HOSS OBTIENT LA MAJORITÉ DES VOIX
Ainsi, le chef de l’Etat a procédé à de nouvelles
consultations mardi et mercredi, au terme desquelles il a chargé
le président Salim Hoss de former le premier Cabinet du nouveau
régime. L’ancien Premier ministre a obtenu quatre-vingt quinze voix,
soit plus de la majorité absolue et a aussitôt effectué
les visites traditionnelles aux anciens chefs de gouvernement, avant d’entamer
les consultations parlementaires au siège de l’Assemblée,
dès jeudi matin.
Selon toute probabilité, la nouvelle équipe ministérielle
sera formée samedi ou lundi prochain, au plus tard.
Quant au nombre de ses membres, il variera entre seize et vingt tout
au plus, étant entendu que ni M. Hariri, ni Walid Joumblatt et leurs
blocs parlementaires n’ont cité, nommément, leur candidat
à la présidence du Conseil.
De plus, alors que M. Hariri laisse entendre qu’il fera de l’opposition,
M. Joumblatt s’est dit disposé à coopérer avec le
nouveau régime. L’ancien président du Conseil doit entreprendre
maintenant une visite à Washington et Ohio, ce qui l’éloignera
de la scène locale pendant près de deux semaines.
HARIRI FERA-T-IL DE L’OPPOSITION ACTIVE?
Cependant, alors que précédemment, il s’était
montré quelque peu désabusé et déçu,
il s’est repris par la suite, - sans doute après que le président
Hoss lui eut rendu visite - plaçant ses possibilités à
la disposition de l’Etat, “car nous avons tous intérêt à
ce qu’il aille de l’avant et fasse œuvre utile.” Il a émis, d’autre
part, le souhait que le nouveau Cabinet se maintienne jusqu’aux prochaines
élections législatives en l’an 2.000, après qu’il
aura élaboré une loi électorale équilibrée.
Interrogé sur le point de savoir pourquoi il n’avait pas avancé
le nom du président Hoss lors des consultations, M. Hariri a répondu:
“Le fait pour notre bloc de n’avoir pas cité le nom du président
désigné revient au fait que celui-ci a toujours prôné
une politique financière et fiscale diamétralement opposée
à la nôtre.”
Cela dit, les observateurs pensent que M. Hariri s’abstiendra de pratiquer
une “opposition active”, pour la simple raison que des dossiers chauds
seraient ouverts et les erreurs qu’on y relèverait pourraient être
étalées au grand jour, ce qui ne serait pas à son
avantage.
D’ores et déjà, les alliés du président
Hoss - le président Omar Karamé en tête - préconisent
une nouvelle étude de tous les projets à réaliser
ou en cours d’exécution, surtout ceux qui auraient été
confiés, par complaisance, à des hommes politiques ou à
des entrepreneurs proches du pouvoir.
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
|
![]() |
![]() |
![]() |
PAS DE PROCURATION AUX NOUVELLES CONSULTATIONS
Fait à signaler: contrairement à ce qui s’était
passé lors des premières consultations, le président
Lahoud a insisté auprès des députés pour qu’ils
citent, nommément, leur candidat à la présidence du
Conseil.
En dépit de cela, trois députés - contre vingt-trois
précédemment - ont laissé toute latitude au chef de
l’Etat de nommer le chef de gouvernement. Et ceci a incité M. Hariri
à se vanter de ce que “son point de vue a fini par prévaloir...”
Mais cela n’empêche pas que plusieurs de ses anciens alliés
l’ont lâché au dernier moment, après avoir promis de
soutenir sa candidature, entre autres les blocs parlementaires de M. Sleiman
Frangié, du PSNS, de M. Michel Murr, du parti “Al-Waad” et plusieurs
députés indépendants. Ceux-ci ont affirmé soutenir
“quiconque adopte le discours d’investiture du Général-Président
et s’engage à concrétiser son programme.”
Quant aux conditions conformément auxquelles l’ancien Premier
ministre s’est récusé, on peut en être renseigné
en lisant la dépêche de l’agence Reuter diffusée vendredi.
Il y était dit, littéralement: “Des sources proches du président
Hariri disent qu’il a décliné une offre reçue il y
a deux jours du président Lahoud, de former le premier Cabinet du
nouveau régime... parce qu’il considère que le chef de l’Etat
a commis des infractions constitutionnelles au cours des consultations
parlementaires” (sic).
Les infractions, de l’avis de M. Hariri, auraient consisté dans
le fait pour trente-et-un députés d’avoir laissé au
président de la République toute latitude de désigner
le nouveau Premier ministre. Alors que lui, (M. Hariri) se soucie de préserver
la Constitution...
Fait étrange: les milieux proches de Koraytem nient que M. Hariri
se soit excusé, verbalement ou par écrit, de former le nouveau
Cabinet.
Quoi qu’il en soit, après avoir accordé deux jours de
réflexion à M. Hariri et étant donné la situation
explosive au Liban-Sud, le chef de l’Etat ne pouvait attendre plus longtemps
et a procédé à de nouvelles consultations qui ont
ramené M. Salim Hoss au Sérail, l’avantage certain que celui-ci
présente résidant en ce qu’il se distingue par la compétence,
la transparence et l’intégrité, qualités chères
au président Lahoud, dont doivent jouir les nouveaux ministres et
tous ceux qui s’occupent de la chose publique.
PAS DE RÉPERCUSSION SUR LE MARCHÉ
MONÉTAIRE
Enfin, il y a lieu de préciser - et le président Hoss
l’a affirmé mercredi à l’issue de l’audience présidentielle
- que la “mini-crise” provoquée par l’ex-Premier ministre, n’a pas
eu des répercussions négatives sur le marché financier
et monétaire, si l’on excepte de timides tentatives effectuées
de la part de certains spéculateurs qui ont été rapidement
réprimées.
De fait, il est apparu que le volume des échanges sur le marché
local n’a pas excédé vingt millions de dollars, chiffre considéré
comme normal.