APRÈS LA MORT DU LEADER DES KATAËB :LE MOUVEMENT DE DISSIDENCE SERA-T-IL RÉSORBÉ?
LES “OPPOSANTS” PRÊTS À FAVORISER LA RÉCONCILIATION, PRÉLUDE À LA RÉUNIFICATION DU PARTI

La mort du regretté Georges Saadé pose avec acuité le problème de sa succession, d’autant plus que le parti est tiraillé depuis un certain temps par un mouvement de dissidence ayant eu pour conséquence de l’affaiblir, au point de lui enlever ce halo de prestige qui le plaçait en première position parmi les autres formations politiques.
Un nouveau leader doit être élu dans le délai d’un semestre. Le sera-t-il sur la base de l’actuel règlement intérieur, objet de contestation de la part de nombreux membres, ou bien sera-t-il procédé au préalable à la réunification des rangs, à la faveur d’un congrès dont la tenue est proposée par les “aînés” et premiers compagnons du fondateur?
 

HAJJ: “LE PARTI N’A PAS RÉGRESSÉ...
Me Mounir Hajj, vice-président, assume la présidence à titre intérimaire, en vertu du règlement intérieur. Sa principale tâche consiste, tout en expédiant les affaires courantes, à préparer l’élection d’un nouveau leader dans un délai de six mois.
Le collège électoral est, actuellement composé dans une proportion de 25%, des membres du bureau politique et du Conseil central, les 75% étant constitués de représentants des divers secteurs affiliés au parti: médecins, avocats, ingénieurs, étudiants, etc...
“Il reste à trancher le cas des membres qui ont été radiés ou ont démissionné pour maintes raisons, ajoute M. Hajj. Il faut revenir aux décisions prises à leur sujet par la direction des Kataëb. Si celles-ci ont été abrogées, ils pourront réintégrer le parti et être élus par la base en tant que délégués au sein du collège électoral, mais ne peuvent en aucun cas faire partie du bureau politique.”
En réponse à une question, Me Hajj réfute l’allégation de ceux qui soutiennent que le parti a régressé. “Les funérailles du Dr Saadé et le défilé de personnalités lors des condoléances prouvent le contraire, dit-il. Cette occasion a constitué une sorte de plébiscite, non moins de trente mille personnes ayant inscrit leurs noms sur le registre tenu pour la circonstance.
“Cela donne la mesure de l’estime dont jouissait le Dr Saadé dans tous les milieux, lui qui n’a cessé d’œuvrer pour le parti et non pour lui-même.”
- Ne doit-on pas craindre de voir s’élargir la brèche entre les membres du parti, à cause de la bataille pour la présidence?
“Je laisse à d’autres le soin de répondre à cette question, étant moi-même candidat.”

SALAMÉ: UN LEADER AYANT UNE DIMENSION NATIONALE
Quant à Me Rachad Salamé, membre du bureau politique, il précise que, selon le règlement intérieur, ceux parmi les membres qui ont démissionné ou ont été exclus du parti, ne peuvent pas le réintégrer dans cette étape.
A la question: “Etes-vous candidat à la présidence des Kataëb”, il répond par la négative et s’excuse de ne pas émettre son avis sur les candidats éventuels.
“Nous voulons un président ayant une dimension nationale, jouissant de la droiture, de l’intégrité, de la crédibilité et de l’esprit de discipline au double plan partisan et national, sinon nous dévierons des principes sur base desquels le parti a été fondé. D’autant que nous nous engageons dans une nouvelle phase de notre Histoire durant laquelle règnera l’Etat de droit.”

RIZK: POUR UNE NOUVELLE ASSEMBLÉE CONSTITUTIVE
Me Edmond Rizk, ancien membre et tribun du parti, ayant démissionné depuis plusieurs années, aspire à la réunification des Kataëb.
“Le regretté Georges Saadé, observe-t-il, qui n’a pu rassembler ses camarades de son vivant, les a réunis après sa mort. Tous ont exprimé leur appréciation du rôle qu’il a joué et déploré l’ingratitude dont il a été payé en retour par ses collègues de Taëf. Je le considère comme un martyr, après ce qu’il a enduré durant sa maladie.
“Si certains lui ont fait grief de ne pas jouir des qualités du leader, c’est parce qu’il a accédé à la présidence après la mort d’un chef charismatique, cheikh Pierre Gemayel.
“Quoi qu’il en soit, on peut inscrire à son actif qu’il a assuré la continuité d’un parti ayant été la cible de parties et de milieux dont l’hostilité ne cesse de se manifester à son égard jusqu’à ce jour.
“Le parti doit être maintenu à tout prix, parce qu’il constitue une soupape de sécurité pour la patrie et l’une des pierres angulaires de l’unité nationale.”
- Et comment voyez-vous l’avenir des Kataëb après la mort de son leader?
“J’appelle à la tenue d’une assemblée constitutive, soixante-et-un ans après la fondation du parti et les développements survenus dans notre pays au cours des dernières décennies. Une telle assemblée devrait être organisée par les partis libanais, en vue de leur restauration, pour qu’ils puissent répondre aux impératifs de l’heure.
“Ainsi, les Kataëb pourront retrouver leur dimension et leur rôle, tout en récupérant les membres qui se sont expatriés, aucun d’eux n’ayant renoncé aux principes du fondateur et continuant à lutter en vue de les faire prévaloir sur tant d’idées et de principes, dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils sont nocifs et menacent notre identité nationale.
“La réunification du parti doit être l’objectif prioritaire de sa direction et de tous ses membres, en plus de son ouverture sur les autres formations politiques et ce, afin de se préparer à une nouvelle phase de leur combat à l’orée du troisième millénaire.”

P. GEMAYEL: “IL FAUT RÉUNIFIER LE PARTI  EN REGROUPANT TOUS SES MEMBRES”
“Il faut réunifier le parti et regrouper toutes ses forces, pour qu’il puisse jouer de nouveau son rôle politique au niveau de la patrie”, déclare M. Pierre Amine Gemayel, fils de l’ancien chef de l’Etat et petit-fils de cheikh Pierre.
“Cet objectif peut être atteint, ajoute-t-il, mais tout dépend des intentions des uns et des autres. Nous nous retrouvons à certaines occasions et échangeons les idées et points de vue en toute franchise, comme cela s’est passé dernièrement, au moment de fleurir la tombe de mon grand-père à Bickfaya.
“Les personnes présentes ont pris le café chez nous, celles qui poursuivent leur coopération avec le parti et les fractions dissidentes.
“Je le répète une fois de plus; il s’agit d’une question d’intentions et de rien d’autre.
“Cependant, je blâme l’actuelle direction des Kataëb, pour avoir pris des initiatives et adopté des positions envers les questions engageant l’avenir de la nation, tout en passant sous silence ce qui avait été accompli dans ce domaine par les prédécesseurs.
“L’ouverture opérée par le président Amine Gemayel qui se trouve depuis quelque temps à Paris, n’était-elle pas inspirée par le même esprit, dont la direction en place prétend être la promotrice?
“Tout ce que nous souhaitons, c’est la rectification des erreurs pour pouvoir réunifier les rangs et placer à la tête des Kataëb un chef représentant la base dans son ensemble. Nous ne posons aucun veto contre personne.”

J. EL-HACHEM: “UN PARTI MORIBOND”
“Le parti est moribond”, soutient M. Joseph el-Hachem, ancien membre du bureau politique, qui l’a représenté au sein du pouvoir durant le sexennat du président Amine Gemayel.
“La direction qui a dirigé les Kataëb au cours des dernières années, a vidé le parti de ses éléments représentatifs et maintenu les membres de second ou de troisième rang.
“Nul ne peut nier les nombreuses visites que nous avons effectuées à Damas durant les douloureux événements. Avec Assem Kanso (Baas pro-syrien), nous avons préparé le climat à une rencontre entre le président Hafez Assad et cheikh Pierre Gemayel.
“Après la mort du Dr Georges Saadé, le problème que pose la présidence du parti devient plus grave et difficile, car beaucoup parmi ses dirigeants se considèrent habilités à en assumer le leadership, tels Mounir el-Hajj, Karim Pakradouni, Rachad Salamé et, de nouveau, Nader Souccar... La bataille entre eux sera acharnée et féroce. A mon avis, le parti connaîtra une phase de dislocation et de lutte sourde, ce qui provoquera son effondrement.
“C’est pourquoi, j’appelle à l’élaboration d’une nouvelle loi sur les partis et les associations ayant un cachet national, définissant leurs nouvelles bases.
“En ce qui concerne les Kataëb, il n’est possible que d’amener un chef à l’image du parti, son collège électoral étant constitué sous le slogan: Nomme-moi pour que je t’élise.”

PAUL GEMAYEL: “POUR L’ÉLECTION DU CHEF DU PARTI PAR LA BASE”
Le Dr Paul Gemayel, cousin du président Amine Gemayel, qui avait posé sa candidature contre le Dr Saadé aux dernières élections, préconise la désignation du chef du parti d’une manière plus démocratique, par la base, non par un électorat dont les éléments sont choisis à l’avance en vue d’assurer la victoire d’un candidat déterminé.
“De cette manière, observe-t-il, le parti aura sa légitimité et même si des divergences séparent les membres, l’unité des Kataëb pourra être sauvegardée. Ainsi, je ne partage pas toutes les vues de la direction actuelle, mais je ne peux pas renier ma qualité partisane et j’assume mes responsabilités d’une façon normale.”
Le Dr Gemayel reconnaît que son idée (d’élire le nouveau président par la base) est difficile à adopter, étant donné que le mandat du collège électoral, constitué avant le dernier scrutin, n’expirera qu’en l’an 2000, en vertu du règlement intérieur. “A moins que ce dernier soit révisé, afin d’opter pour la formule que je préconise.”

EL-AILÉ: “NOTRE MAIN EST TENDUE À TOUS”
Enfin, M. Majid el-Ailé, secrétaire de l’opposition Kataëb, que préside le Dr Elie Karamé, ancien chef du parti, énonce trois constantes: Primo: attachement à l’unité du parti. Secundo: réalisation de la réconciliation. Tertio: ni veto, ni exclusive contre aucune partie, afin de permettre la réunification des rangs.
“La question que chacun se pose maintenant est la suivante: la direction actuelle est-elle satisfaite de la situation à laquelle le parti a abouti?
“Notre position s’est dégradée au point que les Kataëb n’ont aucun représentant à la Chambre des députés, la plupart des sections ayant été fermées durant les élections législatives. De plus, le journal “Al-Amal”, porte-parole du parti, a cessé de paraître, ce qui a contribué à accentuer la confusion, surtout au moment où s’est produit le mouvement de dissidence.
“Pour le moment, un objectif doit être fixé: réaliser la réconciliation, ce à quoi le Dr Georges Saadé s’est attelé avant sa mort. Le mécanisme à suivre pour atteindre cet objectif est laissé à la direction qui devrait mettre sur pied un comité où toutes les parties seraient représentées, ce dernier devant s’entendre autour d’une solution à soumettre au bureau politique et au Conseil central.

T.CHAMSEDDINE

Home
Home