Editorial


Par MELHEM KARAM 

 
POUR CELA, HARIRI S’EST RÉCUSÉ ET LE PRÉSIDENT LAHOUD A NOMMÉ UN AUTRE 
L’IMPUDENCE, LA PROVOCATION ET L’INCITATION PORTENT EN ELLES TOUS LES PÉRILS 
Ce à quoi nous assistons, aujour-d’hui, sur la scène libanaise, ayant amené à l’acceptation par le Président du refus de Hariri de former le gouvernement a un seul mobile, à savoir: qu’un chef du gouvernement s’étant habitué à certaines pratiques, a été surpris de constater que ce genre va changer avec l’application de la Constitution dans son esprit et sa lettre. Il a voulu refaire ses comptes. Le président de la République soutenu par une large base populaire et politique, a voulu gouverner, effectivement, et selon les termes de la Constitution. 
C’est ce qui a gêné le chef du gouvernement sortant, qui bénéficiait de beaucoup de concessions de la part de la première magistrature sous le précédent régime. C’est pourquoi, il est demandé au président Rafic Hariri, de cohabiter avec la nouvelle réalité et d’admettre que de nouveaux concepts émergent à la surface quant à la manière de traiter entre les gouvernants. 
Emile Lahoud est le premier président, après Taëf, pouvant s’entourer d’un clan personnel, à l’instar des présidents avant Taëf, lequel a conféré au président les mêmes prérogatives. Mais la pratique était erronée et portait atteinte à la position de la magistrature suprême. 
Il est demandé au président Hariri et à d’autres, de prendre conscience de bien des faits: d’abord, qu’Emile Lahoud est le président de la République et personne d’autre. Puis, il est capable de regrouper autour de lui des forces populaires, politiques et parlementaires; de les servir comme il sert tous les Libanais et de coopérer avec elles afin que la présidence recouvre tout son prestige. 
En d’autres termes, le président Lahoud peut être le leader des bons politiciens. Le président Hariri a été étonné de constater que les Arméniens se réclament du parti du président et ceci est chose naturelle: Primo, parce que le président est le chef charismatique souhaité. Secundo, les Arméniens sont liés à lui, organiquement, en sa qualité de fils d’Adriné, sa mère et de conjoint d’Andrée, son épouse: toutes deux étant de la communauté arménienne. Hariri s’employait à gagner cette dernière à ses rangs par ses voyages répétés à Erévan et son invitation en permanence au président arménien à visiter le Liban. Et ce, afin de rassembler les Arméniens autour de lui, d’en faire ses supporters aux élections de Beyrouth et en d’autres circonstances, partout où ils ont une base électorale. 
Depuis l’avènement de l’indépendance, les Arméniens se sont habitués à se ranger du côté de l’Autorité, de toute autorité, seul Hariri les a éloignés de la Présidence sous le mandat de Hraoui, parce qu’il était devenu le pouvoir. 
Hariri doit cohabiter avec la nouvelle réalité et savoir traiter avec elle. Il a été peiné de voir Sleiman Frangié prendre le parti du président, sans déclarer son hostilité à Koraytem. 
Une amitié lie Sleiman Frangié à Emile Lahoud et il a été parmi les premiers à avancer sa candidature aux présidentielles et à la soutenir. 
Puis, Hariri a été peiné de voir le bloc des nationalistes syriens rallier le président. Or, ceci est normal, le parti étant né de nouveau après sa réunification. Il fait face à une nouvelle réalité, partant de données nouvelles; il lui importe d’être avec le pouvoir après avoir été le parti de la tentative de coup d’Etat. 
Le PSNS n’a aucun jour été avec le président Hariri, surtout quand il a majoré les taxes et impôts qu’il a imposés aux gens. C’est un parti populaire à qui il n’est pas permis de nager à contre-courant de l’opinion publique, lorsqu’il s’agit de problèmes intéressant la vie quotidienne et les revendications. 
La procuration que lui assurait le ministre Assaad Hardane a perdu de son éclat et c’est pourquoi, le parti s’est rangé du côté du président Lahoud. 
Il en est de même de l’émir Talal Arslan qui tente, en permanence, de se placer du côté où le ministre Walid Joumblatt ne l’éclipse pas, tout en ayant un style propre que nous devons comprendre. 
La position de Michel Murr a également peiné le président Hariri, alors que M. Murr est lié au président Lahoud au double plan politique et familial. Il est donc naturel qu’il soit à ses côtés. 
Ces faits n’étaient pas pris en compte par le président Hariri. De même, il ne lui était jamais venu à l’esprit que le président Lahoud lui notifie la position du bloc du président Berri qui a dit au Président: “Le président Berri vous fera connaître notre décision”, ce qui a été considéré comme une procuration au chef de l’Etat. 
Puis, il existe un autre grand paramètre, à savoir que le président Hariri n’a pas obtenu, personnellement, l’appui de plus de la moitié des députés, soit 50 pour cent; de fait, il a obtenu le soutien de 64 députés sur les 128 que compte l’Assemblée. 
Cela signifie que la majorité devait être incertaine, pouvant passer d’un côté à l’autre, capable de faire tomber le Cabinet à tout moment. Ceci constitue un dangereux précédent exposant le président du Conseil à regagner ses pénates. De même, cela laisse présumer que les prochaines élections générales ne seraient plus comme avant. 
Tout cela a engourdi Hariri et, aussi, la marge limitée de l’opposition à Emile Lahoud, à cause de la force du président, de sa probité et de la dimension des forces politiques qui le soutiennent. Puis, parce que Hariri est le dernier à imaginer de se jouer de la parité de la livre; c’est une éventualité non comprise dans ses calculs. 
Ensuite, il ne veut pas engager une bataille dont les résultats ne seraient pas à son avantage, parce qu’elle provoquerait une confrontation particulièrement dure, risquant de placer sur la sellette les hauts fonctionnaires se réclamant de son clan, dont la présence à des postes délicats peut être considérée comme un moyen de porter atteinte au Liban, à sa stabilité et à la livre libanaise, surtout s’ils devaient se conformer à ses directives quand il aura rallié l’opposition. 
En contrepartie, il pourrait être question d’ouvrir d’anciens dossiers, dont celui de l’enrichissement illicite. Ceci nécessitera des poursuites judiciaires illimitées auxquelles applaudirait, à l’avance, toute la rue libanaise concernée par le châtiment de tous ceux qui ont commis des infractions à la loi et des abus. 
La nouvelle situation place beaucoup de gens devant la nécessité de revoir leurs comptes et face aux conséquences de ce qu’ils ont accompli, car les détenteurs des fortunes colossales qui ont été réalisées aux dépens du citoyen, sont tenus d’en rendre compte. Le silence à ce sujet n’est pas permis et le fait de prendre prétexte de Taëf pour tourner la page ne se pose pas. Nous devons affronter la vérité si amère soit-elle. 
Le président Emile Lahoud n’est pas un inconnu; il est issu d’une classe politique stable; d’une base populaire qui contribue à consolider sa position et à accroître la profondeur de l’attachement des Libanais à sa personne et à son commandement. 
Quant à recourir aux textes et aux constitutions pour entraver l’action du pouvoir, tout cela se serait dissipé, si les intentions étaient saines, d’autant que la démocratie se prête à trancher tout problème, quel qu’il soit, la fermeté s’imposant lorsque les patries sont concernées. C’est la charte des éléments libres et sincères. 
A bon entendeur, salut! Quant à prétendre que la procuration n’est pas permise, cela incite le président à plus d’intervention dans le cadre constitutionnel. Qu’en serait-il si le chef de l’Etat disait à un député qui lui aurait laissé toute latitude de choisir à sa place: “Nommez un tel” et que le parlementaire citait son nom? A ce moment, ceux qui lui auraient donné l’option, nommeraient la personne de son choix. 
Mais le président Lahoud ne vise pas cela, lui qui refuse d’être une urne, considérant que si son rôle consistait, uniquement, à dénombrer les chiffres, on aurait eu recours au computer ou bien le législateur aurait préconisé le vote au moyen d’une urne à placer à l’intérieur du parlement. Ainsi, le chef du gouvernement serait désigné par voie d’élection. Sinon où est la sagesse de prévoir dans la Constitution des consultations; puis, un dialogue avec le président de la Chambre, avant la désignation du Premier ministre? 
Tout cela signifie que ce qui s’est passé était dans son cadre légal. On ne peut donc dire que des précédents et des formalités peuvent le torpiller. 
C’est pourquoi, lorsque le temps de l’attentisme et de l’expectative s’est prolongé, le président Emile Lahoud ne pouvait laisser le pays tiraillé entre l’angoisse et les points d’interrogation, ce qui risquait de se répercuter, négativement, sur la monnaie et la confiance, tout en atténuant l’éclat et la brillance ayant marqué son élection face à l’opinion publique, 
Aussi, a-t-il appelé à de nouvelles consultations, partant du fait que le président Hariri qui a obtenu tant de voix, s’est excusé de former le nouveau Cabinet et n’est pas candidat à la présidence du Conseil; quiconque obtiendra la majorité sera le futur Premier ministre. Et il a bien fait d’agir de la sorte.
Pas de pari sur son appui ou son refus, car dans ce cas ce serait confronter des forces politiques qui appuient Emile Lahoud en profondeur, partant de leur foi en ses valeurs et du fait qu’il est issu d’une école nationale libanaise. Et ce, si nous sommes réellement sincères, ne nous adonnant pas au jeu des trois cartes auquel personne ne gagne. S’il est possible qu’on pourrait y gagner, ce serait avec un autre président n’ayant pas le poids, la moralité et l’opiniâtreté d’Emile Lahoud. Ce qui affecte le plus le président Hariri, c’est de vivre loin du pouvoir, de son prestige et de son éclat.
En conclusion, nous appelons à une largesse d’esprit et à une intégration saine, loin de l’impudence, de l’incitation et de la provocation, parce qu’elles portent en elles tous les périls.
Photo Melhem Karam

Home
Home