RELANCE DE LA POLÉMIQUE SUR LE RETRAIT DE “TSAHAL”
En Israël, la polémique est relancée sur l’opportunité
d’un retrait militaire unilatéral du Liban-Sud et de la Békaa-Ouest,
les avis sur la question étant partagés.
Au niveau populaire, un courant de plus en plus élevé
ne comprend plus la nécessité de maintenir une présence
militaire au Liban-Sud. Dans la rue, les manifestants réclament
le rapatriement de “Tsahal”. Dimanche 29 novembre, des dizaines de parents
de soldats, d’étudiants et de députés ont manifesté
devant les bureaux du Premier ministre israélien à Jérusalem,
en scandant des slogans favorables au retrait immédiat de “Tsahal”
du Liban-Sud. Ils portaient des pancartes où on lisait: “1250 morts
au Liban, cela suffit”, faisant allusion aux pertes israéliennes
depuis l’opération de juin 1982; ou bien “Faites sortir nos soldats
du Liban.”
Au niveau des groupes politiques, trois tendances se dessinent concernant
cette problématique. L’ancien Premier ministre israélien
travailliste, Shimon Pérès, se dit en faveur d’un retrait
unilatéral du Liban, affirmant à la radio publique israélienne:
“Il faut se décider à appliquer la résolution 425
de l’ONU qui n’exige aucun accord préalable avec le Liban et ramener
nos troupes à la frontière internationale.”
Pérès ajoute, toutefois, sous forme de mise en garde
à l’adresse du gouvernement libanais: “En cas d’attaque contre le
territoire israélien, notre riposte sera plus dure qu’elle ne l’a
jamais été.”
PLAN SHARON: RETRAIT GRADUEL
Plusieurs députés travaillistes partagent ce point de
vue. Par contre, pour Uri Lubrani, coordonnateur de la présence
israélienne au Liban-Sud, “un retrait unilatéral est la plus
mauvaise alternative, car il sera suivi d’un conflit armé avec le
Liban.”
La deuxième alternative est le “plan Sharon”. De fait, il y
a quelques mois déjà, Ariel Sharon, actuel ministre des Affaires
étrangères, qui avait été le principal artisan
de l’invasion du Liban en 1982 (opération “paix pour la Galilée”),
avait proposé un retrait graduel de l’armée israélienne,
à condition que l’armée libanaise prenne le contrôle
de chaque secteur évacué et qu’Israël fasse savoir qu’il
répliquerait, militairement, à toute attaque en tenant Damas
pour responsable des opérations du “Hezbollah”.
Trois ministres du Cabinet appuient la proposition de Sharon et, d’après
un récent sondage d’opinion, 40% de la population israélienne
est en faveur d’un retrait unilatéral sur base de ce plan, alors
qu’il y a quelques mois ils n’étaient que 22% à partager
cette opinion.
Mais les experts militaires ne sont pas favorables à cette proposition
parce qu’à leur avis, elle n’offre aucune garantie de sécurité
et risque même de provoquer une escalade militaire.
ADOPTER DES MESURES FACE AU “HEZBOLLAH”
Reste, évidemment, à connaître l’attitude du pouvoir
en place en Israël. Au sein du Cabinet, les avis sont partagés:
Netanyahu et le ministre de la Défense sont opposés à
un retrait unilatéral et inconditionnel, alors qu’Ariel Sharon et
trois de ses collègues préconisent un retrait graduel.
Mais le Premier ministre cherche à réduire cette image
d’un Cabinet partagé sur la question. Dimanche 29 novembre, il a
entamé des réunions de travail, échelonnées
sur plusieurs jours, avec les ministres du Cabinet de sécurité,
en vue d’examiner les mesures à adopter pour faire face aux attaques
du “Hezbollah”.
Pour Netanyahu qui a effectué une tournée d’inspection
le long de la frontière israélo-libanaise, pas question de
retrait unilatéral. Déjà, à partir de Londres
et avant de rentrer, précipitamment, à Jérusalem,
il avait déclaré: “Dès que nous aurons trouvé
un moyen de retirer nos troupes, sans abandonner la nécessité
et la capacité de défendre nos villes et villages du nord,
sans abandonner nos alliés au Sud, nous nous retirerons du Liban.”
Le gouvernement israélien est toujours sur ses positions d’un
“retrait conditionnel”. Excédé par les récentes attaques
du “Hezbollah”, Netanyahu a haussé le ton, exigeant du Liban qu’il
déploie son armée dans la zone de sécurité
pour empêcher les opérations anti-israéliennes.
APPLIQUER LA 425
Qu’en est-il de la position libanaise face à cette tension au
Sud? Dans son discours d’investiture, le président Emile Lahoud
a exprimé très clairement sa position concernant l’application
de la 425 et la concomitance des volets libanais et syrien.
A propos de la résolution 425 de l’ONU, le nouveau président
a réaffirmé une position qu’il a toujours défendue,
alors qu’il était à la tête de l’armée: “Récemment,
dit-il, Israël a mené une vaste campagne politico-média-tique,
visant à montrer que le Liban refuse le retrait des troupes israéliennes
de son territoire, conformément à la résolution 425.
“En réalité, Israël a une conception particulière
de l’application de cette réso-lution, contraire à l’intérêt
du Liban et à sa dignité natio-nale.
“C’est pourquoi, nous avons refusé de fournir des garanties
et des arrangements de sécurité pour un retrait qui conforte
Israël à nos dépens.”
La position libanaise est donc toujours la même: non à
un retrait condi-tionnel. Le président Lahoud a même été
plus loin: “je salue ceux qui tiennent bon et font de la résistance,
les vivants et les martyrs et ceux qui appuient leur armée dans
sa confrontation avec l’occupa-tion israélienne.”
Cette déclaration a déplu aux dirigeants israéliens
et la réponse est venue de la part du ministre de la Défense.
Interviewé sur la deuxième chaîne de la télévision
israélienne à propos du Liban-Sud et des attaques du “Hezbollah”,
Yitzhak Mordehaï a répondu: “Le Liban doit savoir qu’il ne
restera pas épargné (...) “Ceux qui soutiennent le terrorisme
au Liban-Sud assument une lourde responsabilité.”
DÉSENGAGER LE SUD
Le “Hezbollah”, fort de l’appui du pouvoir libanais, de l’Iran et de
la Syrie n’est nullement disposé à réduire la pression
sur “Tsahal” dans la partie méridionale du pays, ainsi que sur l’ALS
(Armée du Liban-Sud) que commande le général Antoine
Lahad. Une nouvelle attaque a eu lieu ces derniers jours non loin de Jezzine
tuant un élément de l’A.L.S. ce qui a conduit à la
fermeture du point de passage de Kfarfalous.
Avec l’avènement d’un nouveau président de la République,
le dossier du Liban-Sud se pose avec plus d’acuité aux côtés
des autres dossiers internes auxquels le chef de l’Etat et le Cabinet auront
à faire face.
N’y a-t-il pas moyen, toutefois, de trouver rapidement une solution
qui puisse calmer la situation, en attendant la reprise des négociations
sur les volets syro-libano-israéliens dans l’espoir qu’ils déboucheront
sur la signature d’un traité de paix?
Pourquoi faut-il que la partie méridionale du Liban continue
à payer pour tous les Arabes?
Les Libanais sont désormais acquis à l’idée que
le Liban sera le dernier pays arabe à signer la paix avec Israël.
En attendant cette paix, ne peut-il y avoir une solution capable d’apaiser
le Sud?
Le leader du Bloc National, Raymond Eddé propose “qu’en cas
de retrait d’Israël du Liban-Sud en vertu de la 425, les relations
libano-israéliennes soient régies par la convention d’armistice
du 23 mars 1949.”
Pourquoi ne pas envisager cette alternative, étudier la question
ouvertement avec l’Etat hébreu pour arrêter l’hémorragie
humaine et les pertes matérielles au Liban-Sud? Le leader du P.N.L.
Dory Chamoun, dans une récente interview télévisée,
a une fois de plus relevé qu’on ne devrait pas lier la 425 aux résolutions
242 et 338 relatives au Golan. “Au Liban-Sud, dit-il, les gens meurent,
alors que pas un seul coup de feu n’est tiré en territoire syrien.”