COMMENT DÉGAGER LE LIBAN-SUD DE SON DRAME QUOTIDIEN?
LE RETRAIT DE “TSAHAL” DIVISE LES ISRAÉLIENS

Si le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a interrompu un périple européen pour rentrer à Jérusalem, c’est que la question revêtait un caractère grave.
De fait, la recrudescence des attaques du “Hezbollah” au Liban-Sud contre “Tsahal” et l’armée du Liban-Sud (ALS) qui, en moins de 48 heures, ont fait quatre tués israéliens, dont un officier, les ripostes et menaces israéliennes d’étendre leurs agressions aux infrastructures vitales du pays, l’intervention américaine pour faire baisser la tension, ont remis en question la présence israélienne dans la région frontalière.
Israël recherche à présent, les moyens les plus efficaces à adopter pour faire face aux attaques du “Hezbollah”, surtout aux engins explosifs qui sèment la mort. Le gouvernement libanais reste sur ses positions concernant une application inconditionnelle de la résolution 425 de l’ONU, le “comité de surveillance” se contentant d’examiner les plaintes déposées de part et d’autre.
Mais ceci ne résoud pas le problème de “Tsahal” qui ne sait comment sortir du “bourbier libanais”, ni du Liban-Sud qui continue seul à payer pour tous les Arabes.

RELANCE DE LA POLÉMIQUE SUR LE RETRAIT DE “TSAHAL”

Au camp de réfugiés palestiniens d’Ain Héloué
(Liban-Sud), des manifestants ont fait un autodafé du portrait du président Clinton et d’un drapeau israélien.
 

En Israël, la polémique est relancée sur l’opportunité d’un retrait militaire unilatéral du Liban-Sud et de la Békaa-Ouest, les avis sur la question étant partagés.
Au niveau populaire, un courant de plus en plus élevé ne comprend plus la nécessité de maintenir une présence militaire au Liban-Sud. Dans la rue, les manifestants réclament le rapatriement de “Tsahal”. Dimanche 29 novembre, des dizaines de parents de soldats, d’étudiants et de députés ont manifesté devant les bureaux du Premier ministre israélien à Jérusalem, en scandant des slogans favorables au retrait immédiat de “Tsahal” du Liban-Sud. Ils portaient des pancartes où on lisait: “1250 morts au Liban, cela suffit”, faisant allusion aux pertes israéliennes depuis l’opération de juin 1982; ou bien “Faites sortir nos soldats du Liban.”
Au niveau des groupes politiques, trois tendances se dessinent concernant cette problématique. L’ancien Premier ministre israélien travailliste, Shimon Pérès, se dit en faveur d’un retrait unilatéral du Liban, affirmant à la radio publique israélienne: “Il faut se décider à appliquer la résolution 425 de l’ONU qui n’exige aucun accord préalable avec le Liban et ramener nos troupes à la frontière internationale.”
Pérès ajoute, toutefois, sous forme de mise en garde à l’adresse du gouvernement libanais: “En cas d’attaque contre le territoire israélien, notre riposte sera plus dure qu’elle ne l’a jamais été.”

PLAN SHARON: RETRAIT GRADUEL
Plusieurs députés travaillistes partagent ce point de vue. Par contre, pour Uri Lubrani, coordonnateur de la présence israélienne au Liban-Sud, “un retrait unilatéral est la plus mauvaise alternative, car il sera suivi d’un conflit armé avec le Liban.”
La deuxième alternative est le “plan Sharon”. De fait, il y a quelques mois déjà, Ariel Sharon, actuel ministre des Affaires étrangères, qui avait été le principal artisan de l’invasion du Liban en 1982 (opération “paix pour la Galilée”), avait proposé un retrait graduel de l’armée israélienne, à condition que l’armée libanaise prenne le contrôle de chaque secteur évacué et qu’Israël fasse savoir qu’il répliquerait, militairement, à toute attaque en tenant Damas pour responsable des opérations du “Hezbollah”.
Trois ministres du Cabinet appuient la proposition de Sharon et, d’après un récent sondage d’opinion, 40% de la population israélienne est en faveur d’un retrait unilatéral sur base de ce plan, alors qu’il y a quelques mois ils n’étaient que 22% à partager cette opinion.
Mais les experts militaires ne sont pas favorables à cette proposition parce qu’à leur avis, elle n’offre aucune garantie de sécurité et risque même de provoquer une escalade militaire.

ADOPTER DES MESURES FACE AU “HEZBOLLAH”
Reste, évidemment, à connaître l’attitude du pouvoir en place en Israël. Au sein du Cabinet, les avis sont partagés: Netanyahu et le ministre de la Défense sont opposés à un retrait unilatéral et inconditionnel, alors qu’Ariel Sharon et trois de ses collègues préconisent un retrait graduel.
Mais le Premier ministre cherche à réduire cette image d’un Cabinet partagé sur la question. Dimanche 29 novembre, il a entamé des réunions de travail, échelonnées sur plusieurs jours, avec les ministres du Cabinet de sécurité, en vue d’examiner les mesures à adopter pour faire face aux attaques du “Hezbollah”.
Pour Netanyahu qui a effectué une tournée d’inspection le long de la frontière israélo-libanaise, pas question de retrait unilatéral. Déjà, à partir de Londres et avant de rentrer, précipitamment, à Jérusalem, il avait déclaré: “Dès que nous aurons trouvé un moyen de retirer nos troupes, sans abandonner la nécessité et la capacité de défendre nos villes et villages du nord, sans abandonner nos alliés au Sud, nous nous retirerons du Liban.”
Le gouvernement israélien est toujours sur ses positions d’un “retrait conditionnel”. Excédé par les récentes attaques du “Hezbollah”, Netanyahu a haussé le ton, exigeant du Liban qu’il déploie son armée dans la zone de sécurité pour empêcher les opérations anti-israéliennes.

APPLIQUER LA 425
Qu’en est-il de la position libanaise face à cette tension au Sud? Dans son discours d’investiture, le président Emile Lahoud a exprimé très clairement sa position concernant l’application de la 425 et la concomitance des volets libanais et syrien.
A propos de la résolution 425 de l’ONU, le nouveau président a réaffirmé une position qu’il a toujours défendue, alors qu’il était à la tête de l’armée: “Récemment, dit-il, Israël a mené une vaste campagne politico-média-tique, visant à montrer que le Liban refuse le retrait des troupes israéliennes de son territoire, conformément à la résolution 425.
“En réalité, Israël a une conception particulière de l’application de cette réso-lution, contraire à l’intérêt du Liban et à sa dignité natio-nale.
“C’est pourquoi, nous avons refusé de fournir des garanties et des arrangements de sécurité pour un retrait qui conforte Israël à nos dépens.”
La position libanaise est donc toujours la même: non à un retrait condi-tionnel. Le président Lahoud a même été plus loin: “je salue ceux qui tiennent bon et font de la résistance, les vivants et les martyrs et ceux qui appuient leur armée dans sa confrontation avec l’occupa-tion israélienne.”
Cette déclaration a déplu aux dirigeants israéliens et la réponse est venue de la part du ministre de la Défense. Interviewé sur la deuxième chaîne de la télévision israélienne à propos du Liban-Sud et des attaques du “Hezbollah”, Yitzhak Mordehaï a répondu: “Le Liban doit savoir qu’il ne restera pas épargné (...) “Ceux qui soutiennent le terrorisme au Liban-Sud assument une lourde responsabilité.”

DÉSENGAGER LE SUD

Benjamin Netanyahu inspectant la troupe à la frontière nord d’Israël.
Des manifestants portant des pancartes où on lit des appels en faveur du rapatriement de “Tsahal”

Le “Hezbollah”, fort de l’appui du pouvoir libanais, de l’Iran et de la Syrie n’est nullement disposé à réduire la pression sur “Tsahal” dans la partie méridionale du pays, ainsi que sur l’ALS (Armée du Liban-Sud) que commande le général Antoine Lahad. Une nouvelle attaque a eu lieu ces derniers jours non loin de Jezzine tuant un élément de l’A.L.S. ce qui a conduit à la fermeture du point de passage de Kfarfalous.
Avec l’avènement d’un nouveau président de la République, le dossier du Liban-Sud se pose avec plus d’acuité aux côtés des autres dossiers internes auxquels le chef de l’Etat et le Cabinet auront à faire face.
N’y a-t-il pas moyen, toutefois, de trouver rapidement une solution qui puisse calmer la situation, en attendant la reprise des négociations sur les volets syro-libano-israéliens dans l’espoir qu’ils déboucheront sur la signature d’un traité de paix?
Pourquoi faut-il que la partie méridionale du Liban continue à payer pour tous les Arabes?
Les Libanais sont désormais acquis à l’idée que le Liban sera le dernier pays arabe à signer la paix avec Israël. En attendant cette paix, ne peut-il y avoir une solution capable d’apaiser le Sud?
Le leader du Bloc National, Raymond Eddé propose “qu’en cas de retrait d’Israël du Liban-Sud en vertu de la 425, les relations libano-israéliennes soient régies par la convention d’armistice du 23 mars 1949.”
Pourquoi ne pas envisager cette alternative, étudier la question ouvertement avec l’Etat hébreu pour arrêter l’hémorragie humaine et les pertes matérielles au Liban-Sud? Le leader du P.N.L. Dory Chamoun, dans une récente interview télévisée, a une fois de plus relevé qu’on ne devrait pas lier la 425 aux résolutions 242 et 338 relatives au Golan. “Au Liban-Sud, dit-il, les gens meurent, alors que pas un seul coup de feu n’est tiré en territoire syrien.”


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