Editorial


Par MELHEM KARAM 

 
I - L’AFFAIRE PINOCHET INQUIÈTE IMMANQUABLEMENT TOUT DICTATEUR
II - SCHROEDER, LAFONTAINE ET LA DÉCEPTION ALLEMANDE
 
Le monde entier a condamné Augusto Pinochet et approuvé la position du ministre britannique de l’intérieur et de la Chambre des Lords qui lui nient le droit de bénéficier de l’immunité en tant qu’ancien président. Cette initiative à l’égard du général criminel, a son impact par rapport à l’avenir international des droits de l’homme, davantage qu’une signification quant au retour au passé de la dictature. Ce sont les commentaires suscités par 1’arrêt de la Chambre des Lords et l’attitude du ministre de l’Intérieur Jack Straw. 
Oui, tout dictateur se sent visé, car il existe une justice qui châtie cette classe de gens. 
L’inquiétude a été ressentie partout dans le monde, car tout système ayant persécuté les droits de l’homme, les a violés et piétinés, ne peut pour n’importe quel prétexte idéologique, justifier son comportement, sauf s’il considère qu’il est écrit à une catégorie d’êtres humains de se soumettre à la barbarie politique. Même les barbares sauvages ont parfois des associés, lorsqu’ils tentent de faire croire aux gens qu’ils vivent au cœur de la civilisation. 
A Washington, le Pentagone annonce qu’il n’est pas concerné. On comprend mieux ce qu’a écrit le “Washington Post”: “Qu’est-ce qui empêche l’Espagne de réclamer l’extradition de Henri Kissinger, impliqué dans le coup d’Etat du Chili? Le sang que Pinochet a fait couler, est le même qui entache les grandes firmes américaines, lesquelles ont proclamé la guerre contre 1’unité populaire consacrée par le président chilien Salvador Allende, assassiné par Pinochet”. 
L’immunité dont bénéficient les criminels d’Etat, sur base de titres constitutionnels ou du passé révolu, provoque une vive controverse dans la pensée civilisatrice. 
Laissons-nous rêver: qu’aurait dit le général Franco, s’il était amené à répondre de ses agissements? Bien que le temps de Pinochet n’était pas le même que celui du dictateur espagnol. Ce temps a besoin de renseignements et de bonnes nouvelles. 
En Afrique, le continent dont on dit qu’il est gouverné par les pires traditions politiques, Nelson Mandela a eu le courage de poser sur la table, celle de la “Commission de la vérité et de la réconciliation”, les crimes contre l’humanité et les droits de l’homme, à partir de leurs racines. On ne peut édifier l’avenir, si on efface le passé. 
Des livres hideux et des dossiers sales doivent être ouverts. Plus d’un dictateur n’a pas hésité à commettre nombre de crimes contre l’humanité, sans jamais rendre compte de ses actes. Nombreux parmi eux sont encore au pouvoir. Les banques de “Wall Street” et la “City” considèrent qu’ils leur ont laissé toute latitude d’exercer leur emprise capitaliste et leur injustice à partir de la mondialisation, sans rencontrer de résistance ni d’opposition. 
Les gens n’ont pas besoin de spécimens de cette nature. Il y a eu le général Franco en Espagne. Idi Amine Dada, l’ancien tyran de l’Ouganda ayant sur la conscience l’exécution d’un demi-million de personnes entre 1971 et 1979. Le colonel Mengestu Hailé Mariam, le dictateur de l’Ethiopie résidant à Gunhill, banlieue huppée de la capitale du Zimbabwé. Le général Raoul Cedras qui a renversé à Haïti le président Jean-Bertrand Aristide, actuellement réfugié au Panama. Jean-Claude Duvallier (Papa Doc) qui a gouverné Haïti de 1971 à 1986 et vit en exil au village de Grasse au sud de la France. Le tyran de Panama, Manuel Antonio Noriega. Rafaël Videla, le dictateur argentin. Le dictateur paraguayen Alfredo Strossner. Le Bolivien Hugo Panzer Suarez qui a fait passer par les armes des centaines de personnes et Suharto, en Indonésie. 
Le signal parti de Londres qui relance l’idée d’une Cour internationale, laquelle est en cours de gestation et sera constituée prochainement, ce signal a un effet dissuasif, car tout dictateur craint d’être jugé et invité à rendre compte des crimes qu’il a perpétrés. 
La démocratie est gagnante, sans nul doute, en cela et également les peuples. 
En conclusion, mettons de côté le camouflage: la mondialisation n’a qu’un visage unique. Et ce n’est pas le visage que nous tolérons, nous qui sommes imbus de civilisation. 
- II -
Les critiques produisent leur effet perturbateur au sein de la nouvelle alliance qui s’est formée en Allemagne, après la chute du chancelier Helmut Kohl et la victoire de Gerhard Schroeder. 
Le nouveau gouvernement allemand doit faire face à des courants intérieurs hostiles, quelques semaines après sa prise du pouvoir. Ces conflits ne sont pas fomentés par les “Verts” mais, également, par bien des membres du parti social démocrate, lesquels critiquent la politique suivie par le nouveau Cabinet. 
Heide Ruhl, secrétaire général, des Grünen a lancé le signal d’alarme, en annonçant que l’Etat ne peut être gouverné par un groupe chaotique; que le conseil de “l’alliance” dont le principal rôle consiste à régler les problèmes opposant les parties et les collaborateurs au sein du gouvernement, a tenu sa première réunion depuis quelques jours, après que la gauche eut pris les choses en main en Allemagne. Tout le monde craint les “Verts” qui agissent à partir d’une tradition de refus et une structure ne répondant pas aux devoirs et obligations du parti au pouvoir, les difficultés provenant de l’autre camp. Le parti social démocrate (S.P.D.) et non les “Verts” a été la cause du faux départ. Ce parti ne représente pas une seule politique, mais plusieurs politiques, ce qui suscite des problèmes. 
Pendant que les “Verts” se stabilisent dans les sondages d’opinion, le parti socialiste perd, pour la première fois, depuis sa victoire le 27 septembre dernier. Un nouveau sondage d’opinion effectué par l’institut “Forsa”, a donné moins d’avantages aux socialistes qui se sont classés après le parti de l’Union chrétienne démocrate (C.D.U.). 
Ils ont obtenu 38% et l’Union démocrate chrétienne 39,%. Ainsi, les socio-démocrates restent divisés entre eux. Oskar Lafontaine, ministre gauchiste des Finances et Bodo Hombach, ministre à la chancellerie qui flirte avec les partisans des théories libérales, restent les plus actifs sur la scène politique. Contrairement à son homologue Tony Blair, chef du gouvernement britannique et leader du parti travailliste, le chancelier Schroeder n’a pas réussi à moderniser son parti avant d’accéder au pouvoir et jusqu’à ce jour. 
De ce fait, il paraît aux électeurs ayant soutenu Schroeder, qu’Oskar Lafontaine s’est imposé et s’est emparé de tout. 
En définitive, et en dépit des divergences éphémères, les électeurs restent persuadés que Gerhard Schroeder doit être leur chancelier. Selon les statistiques de l’institut “Forsa”, si les élections avaient lieu maintenant, les Allemands lui accorderaient leurs suffrages dans une proportion de 48%, alors que 24% choisiraient Wolfgang Schäuble, leader de l’Union démocrate-chrétienne. 
Photo Melhem Karam

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