PROUVER QUE L’ON EST VIVANT
Chaque six mois, le Libanais ou la Libanaise ayant droit à une
pension de retraite, doit prouver qu’il est vivant.
Non pas qu’il “vit”, parce qu’avec la misère allouée,
on “vit” difficilement, même si l’on est vivant.
La dernière invention ubuesque tirée d’un fond
de tiroir, un règlement (non pas une loi) stipule que les retraités
doivent chaque six mois exhiber leur extrait d’état civil prouvant
qu’ils n’ont pas rejoint un monde meilleur, selon l’expression consacrée.
Un règlement devenu caduc du fait de sa non-utilisation jusqu’à
tout récemment encore, quand soudain sur instructions du ministre
des Finances, les fonctionnaires dudit service se sont avisés que
c’est un moyen, comme un autre, de faire des économies. Ils ont
donc opéré les coupures nécessaires, sans préavis!
A ceux qui protestaient comme quoi rien n’avait été publié
dans les médias, à ce sujet, ou qu’ils n’avaient pas reçu
un avis direct dans ce sens, les sous-fifres du ministère en question
ont simplement répondu!
- “Ou le retraité a disparu et pas de problème...
Ou il est vivant et il viendra réclamer...”
En partant de ce principe, six mois c’est “trop” ou “trop peu”... Il
faudrait donc exiger que le retraité prouve qu’il est vivant tous
les mois... Car en six mois, tant de choses peuvent se passer!
REQUIEM POUR LA RÉPUBLIQUE FOLKLORIQUE
On ne donne pas toujours raison à Raymond Eddé. Mais
il faut reconnaître qu’un grand nombre de Libanais l’ont approuvé
quand il a déclaré que la IIème République
et sa Constitution ont vécu. Le “Amid” prône l’institution
d’une IIIème République avec une nouvelle Constitution, claire,
nette et précise, ne laissant aucune place à une interprétation
fantaisiste de la part des politiciens, sans ce charivari et ce clair-obscur
qui caractérisent la Constitution en vigueur.
En fait, la Constitution n’étant ni l’Evangile, ni le Coran,
ni la Bible, ayant été élaborée par des hommes
pour des hommes, n’est ni inviolable, ni immuable.
Il faut la changer.
Avant de clore et d’enterrer cette IIème République que
les Historiens qualifieront de “République folklorique”, sans risque
d’encourir de sérieux démentis, il faut tirer les leçons
du passé pour construire le présent et l’avenir.
MÊME MOÏSSEÏEV...
Plus folklorique que la IIème République, cela est difficile
d’en faire. Même le grand Moïsseïev, créateur de
la plus grande troupe folklorique non seulement de l’ex-URSS, mais du monde,
n’aurait pu mieux faire!
En guise de pittoresque, on a eu droit à tous les débats
télévisés de l’Assemblée nationale, sans compter
de larges extraits des Conseils des ministres. Ce qui a été
une très grande faute tactique. Car si ces naïfs de Libanais
avaient encore eu des illusions sur ceux qui les gouvernaient, dès
qu’ils les ont vus en action, ils se sont vite aperçus de la qualité...
et de la quantité des gouvernants! Ils les ont perdues!
Ce spectacle gratuit était, souvent, complété
par les déclarations urbi et orbi des visiteurs des “Trois Lumières”
qui ont présidé si longtemps aux destinées du pays.
Une IIème république qui organisait des cortèges,
qu’aucun entrepreneur de pompes funèbres n’aurait pu réussir
avec sirènes mugissantes, motards de service, fiers à bras
toutes armes exhibées; enfin, tout ce qui était nécessaire
pour montrer à quel point on vivait dans un tiers monde.
Cela sans compter les cendriers qui ont volé pendant des Conseils
de ministres, pour ne pas mentionner des engins moins inoffensifs...
Une poupée Barbie offerte à un ministre, quelques tartes
à la crème et des salades de fruits lancées au cours
de soirées, le bilan de cette IIème République folklorique”,
avec ses figurants: secrétaires, sous-secrétaires, assistants
de secrétaires, conseillers, sous-conseillers, etc... etc... doit
être clos à jamais.
La seule excuse de cette IIème République est que le
Liban sortait d’une guerre...
Alors? Requiem pour la IIème République.
LE DIPLOMATE N’EST PAS UN TOURISTE
Nombreux sont les pays qui ont opéré un remaniement complet
de leurs ministères des Affaires étrangères.
Avant le concours proprement dit, les candidats aux différents
postes du service diplomatique, sont examinés “amicalement” au cours
d’invitations, d’un repas ou d’une réception, pour s’assurer que
ces candidats potentiels ont bien le profil voulu d’un futur diplomate.
A la suite de ce premier contact qui révèle, plus ou
moins, l’aspect psychologique du futur diplomate, le concours a lieu...
Les priorités ne sont plus les mêmes. De nos jours, les économistes
ont la cote et l’emportent sur les littéraires et, même sur
les diplômés en sciences politiques. Car les relations entre
Etats se font, désormais, aux plus hauts niveaux, en raison de la
facilité des transports et des communications interplanétaires.
Le concours écrit passé, c’est l’oral où on juge,
non seulement des connaissances spécifiques, mais de la culture
générale du postulant.
Ceci étant, le ministère des Affaires étrangères
au Liban, devrait assurer à ses futurs diplomates, non seulement
un bon traitement à l’étranger, mais un bon retour au pays.
C’est audit ministère d’assurer aux enfants des diplomates libanais,
l’enseignement de leur langue maternelle de retour au Liban ou, si c’est
possible, sur place. Le diplomate libanais ne s’est pas rendu en touriste
à l’étranger. Si les postes plaisants sont nombreux, il en
existe d’autres qui sont de véritables exils du point de vue climat,
atmosphère sociale, culturelle, etc... Le diplomate est souvent
un “soldat”, avec une mission spécifique! Il faut prévoir
des compensations pour eux et leurs familles de retour au bercail. En quelques
mots, les Affaires étrangères au Liban doivent être
“repensées”.
UNE AVENTURE SINGULIÈRE
A propos de diplomate, il est amusant de citer l’aventure vraie survenue
à l’un d’entre eux, telle que rapportée par Peyreffitte dans
“La fin des ambassades”.
Il fait raconter par M. de Robien, secrétaire général
des Affaires étrangères en France, l’histoire suivante: Le
consul de France à Rio de Janeiro (Brésil), dans les années
quarante, écrit à M. de Robien... Mais laissons la parole
à (Peyreffitte) et M. de Robien.
“J’avais reçu de lui un télégramme m’annonçant
qu’il laissait la gérance de son poste à son chancelier,
par suite d’un grave accident. Comme il demandait un secours spécial
et ne donnait aucune explication, je l’avais naturellement prié
de m’indiquer de quoi il s’agissait. Il me répondit qu’il avait
été blessé par un éléphant. Un éléphant
au Brésil? J’y ai été en poste et je sais que l’éléphant
n’appartient pas à la faune brésilienne!
“Je réclamai de nouveaux détails, car ce genre de correspondance
est une distraction bien rare, par le temps qui court. La réponse
m’est arrivée il y a un moment et je dois dire qu’elle m’a consterné.
Le pauvre homme de consul avait eu affaire à l’éléphant
d’un cirque, mais dans des conditions bien regrettables pour son intégrité
d’homme et sa dignité de consul. A l’entracte, étant allé
voir les animaux dans leurs boxes, il s’était écarté.
“pour rejeter au loin, de la nature la plus commune part.”
(Moréas)
“Mais il avait eu le malheur de s’écarter près du box
de l’éléphant, lequel s’est imaginé qu’il lui tendait
une banane.”
No comment!